Bien qu'Équiterre se soit positionné clairement contre les ports méthaniers, notamment dans le cadre de son mémoire* sur la politique énergétique du Québec, Équiterre est favorable au remplacement du mazout (lourd et léger) par des sources ou procédés moins polluants comme l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, mais aussi par le gaz naturel. L'utilisation du gaz naturel pour la chauffe émet de 30 à 40 % moins de gaz à effet de serre que l'utilisation du mazout lourd, 99,9% moins de souffre, 73% moins de NOx, et 98% moins de particules fines. Or, il est possible d'utiliser le gaz naturel pour remplacer le mazout, en partie, et ce ,sans construire de port méthanier.
Électricité et énergie = réduire notre dépendance au pétrole
Au Québec, lorsque nous parlons d'énergie, nous avons tendance à parler uniquement d'électricité. Pour l'utilisation domestique d'électricité par le citoyen, qui provient majoritairement de l'hydroélectricité, l'utilisation du gaz naturel serait un recul d'un point de vue environnemental. Or, s'il est vrai que 97% de l'électricité produite au Québec l'est à partir de source hydraulique, l'électricité ne représente que 38,5% du bilan énergétique du Québec contre 38,5% pour le pétrole (dont 7% de mazout lourd) et 12,1% pour le gaz naturel. Du point de vue de la pollution atmosphérique et des gaz à effet de serre, notre priorité numéro un est de réduire notre dépendance au pétrole.
Dans le débat sur les ports méthaniers, Équiterre s'est clairement positionné contre. Peu importe le site d'implantation d'un tel équipement, qu'il s'agisse de Gros Cacouna ou de Lévis (projet Rabaska), Équiterre considère que le Québec n'a pas besoin d'un port méthanier pour répondre à ses besoins énergétiques ou pour réduire ses gaz à effet de serre.
Situation de monopole
Rappelons qu'un port méthanier a pour fonction non pas d'augmenter la production de gaz naturel mais plutôt de le recevoir des navires qui le transportent en provenance d'autres continents. Il s'agit d'une alternative aux oléoducs qui, eux, sont limités aux marchés continentaux. L'implantation d'un port méthanier au Québec aurait pour fonction, selon les promoteurs, de diversifier l'offre de gaz naturel et donc d'en faire baisser le prix. Actuellement, nous sommes en quelque sorte dans une situation de monopole, ayant comme seul fournisseur l'Ouest canadien. Un port méthanier nous offrirait la possibilité d'acheter du gaz naturel d'autres sources (comme la Russie ou l'Algérie) ce qui permettrait aux distributeurs de gaz naturel québécois d'obtenir de meilleurs prix et éventuellement de convaincre certains utilisateurs de mazout de se convertir au gaz naturel.
Équiterre postule plutôt que l'État a déjà le pouvoir d'opérer cette conversion, d'une part vers le gaz naturel et,surtout, vers d'autres sources qui réduiraient les émissions de gaz à effet de serre et qui augmenteraient la sécurité énergétique du pays (géothermie, énergie solaire, etc.).
Par des incitatifs financiers et techniques en faveur de l'efficacité énergétique, de l'énergie solaire (passive et thermique) et de la géothermie, il serait techniquement et économiquement possible de réduire jusqu'à 100% l'utilisation du mazout ou du gaz naturel dans les nouvelles constructions ou dans les rénovations majeures de bâtiments résidentiels, commerciaux ou institutionnels.
Le gaz, une énergie transitoire
Le gaz naturel ainsi économisé pourrait servir à convertir les industries qui carburent actuellement au mazout lourd après avoir fait le plein de mesures d'efficacité énergétique, mais pour qui les énergies renouvelables ne sont techniquement pas viables. À moyen terme, il faudra trouver de nouvelles sources d'approvisionnement ou de nouveaux procédés pour réduire encore davantage leurs émissions de gaz à effet de serre, le gaz naturel ne pouvant être qu'une énergie transitoire.
C'est pourquoi Équiterre a appuyé la politique de conversion du gouvernement du Québec qui vise une réduction nette de 1 000 000 tonnes de GES annuellement à l'horizon 2012 en diminuant de 440 millions de litres la consommation de mazout au Québec, soit d'un peu moins de 25% de la consommation actuelle. Il est important de rappeler qu'Équiterre a demandé au gouvernement d'augmenter l'objectif de substitution du mazout et réclame un avis de la Régie de l'énergie pour déterminer quel est l'objectif le plus élevé réalisable.
Est-ce que l'appui d'Équiterre à cette politique est un appui aux projets de ports méthaniers? Bien sûr que non. La politique sera mise en oeuvre d'ici quelques mois et verra l'atteinte de ses objectifs d'ici 2012, alors que le premier port méthanier, s'il se concrétisait, n'aura même pas encore vu le jour. Les objectifs de la politique peuvent-ils être atteints sans port méthanier? Nous sommes convaincus que oui.
Compte tenu de l'importance de ce débat, Équiterre a recommandé au gouvernement de mandater la Régie de l'énergie pour lui donner un avis sur les besoins en gaz naturel au Québec. Devant la Régie, chaque partie pourra présenter ses expertises. La Régie pourra aviser le gouvernement, notamment, sur la pertinence de l'utilisation du gaz naturel pour réduire les gaz à effet de serre.
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Steven Guilbeault et Sidney Ribaux
Équiterre
*http://www.equiterre.qc.ca/organisme/pdf/Equiterre_Memoire_Cacouna-Juin06.pdf
- Source
LE SOLEIL - POINT DE VUE
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