Décidément, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, est un homme étonnant. Certains diront même inquiétant.
Dans un texte publié hier dans Le Devoir, deux chercheurs de l'UQAM et de l'Université McGill ont manifesté leur stupéfaction de voir M. Bolduc se féliciter que le Québec détienne le championnat de la «forte consommation de médicaments» au Canada. Il est vrai qu'entre une plus grande accessibilité grâce à l'assurance médicaments et la surconsommation d'un «Québec sous ordonnance», la ligne semble mince.
Bien des administrateurs d'hôpital ont sans doute été aussi surpris que ces chercheurs d'entendre M. Bolduc déclarer que, sur un budget global de quelque 27 milliards, il ne serait pas difficile de comprimer les dépenses de 400 millions. Si c'était aussi facile, comment expliquer que le déficit des hôpitaux soit encore de 125 millions?
Lundi dernier, à l'occasion de l'étude des crédits de son ministère, le ministre de la Santé a repris à son compte l'objectif fixé en février 2008 par le rapport Castonguay, soit limiter l'augmentation des dépenses en santé au taux de croissance de l'économie d'ici cinq à sept ans.
Après bien d'autres, il en est arrivé à la conclusion que, au rythme où elles augmentent depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux en 2003, tout le budget de l'État va éventuellement y passer. Au cours des six dernières années, la part des dépenses publiques consacrée à la santé est passée de 40 % à 45 %. À rythme, on atteindra les 50 % en 2015.
Au Québec comme ailleurs, tout le monde a pointé l'explosion du coût des médicaments et des nouvelles technologies, conjuguée avec le vieillissement de la population, comme le principal facteur de l'augmentation des dépenses de santé. Il y a quinze ans, les salaires représentaient de 80 % à 85 % du budget dans les hôpitaux universitaires. Aujourd'hui, cette proportion se situe entre 65 % et 70 %.
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À en croire M. Bolduc, les choses sont sur le point de changer. Selon lui, le coût des médicaments va augmenter à un rythme moindre au cours des prochaines années. Raison de plus pour en consommer davantage, je suppose.
Cet optimisme contraste avec le constat du comité d'implantation du nouvel Institut national d'excellence en santé et services sociaux, dont le groupe de travail présidé par Claude Castonguay avait également recommandé la création.
«Tous les pays ont connu, au cours des vingt dernières années, des augmentations des coûts de leurs systèmes publics de santé plus rapides que celles des revenus de leur gouvernement. La pression à la hausse s'est même accentuée au cours des cinq dernières années. Tout indique que cette tendance va se maintenir, sinon s'accélérer», peut-on lire dans un rapport qui a été remis à M. Bolduc en décembre dernier.
Il semble hasardeux de miser sur un ralentissement du coût des nouveaux médicaments et de la technologie dans un avenir prévisible. Au contraire, «les progrès scientifiques et technologiques se poursuivent à un rythme soutenu par les immenses ressources consacrées à la recherche et au développement, ce qui se reflète dans les coûts».
Qui plus est, «les citoyens, plus instruits et mieux informés, exigent d'avoir accès sans délais indus aux technologies, aux médicaments et aux soins les plus sophistiqués, sans égard aux coûts et à leur efficacité réelle».
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C'est sans grande surprise que ce comité en arrive à la conclusion que «la révision de la couverture des systèmes publics de santé ou du panier de services couverts est ainsi devenue une exigence».
Plusieurs se réjouiront sans doute que M. Bolduc refuse d'envisager cette possibilité, mais on ne peut pas avoir à la fois le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire ajuster le rythme d'augmentation des dépenses en santé à la croissance de l'économie sans affecter les services.
Le rapport Castonguay proposait de confier un rôle accru au secteur privé, d'instaurer une franchise et d'augmenter la TVQ de 1 % pour constituer un fonds destiné à financer les services de santé. On peut légitimement s'opposer à sa vision des choses, mais il faut lui reconnaître le mérite de la cohérence.
Si le gouvernement se refuse aussi bien à revoir le panier de services couverts qu'à trouver de nouvelles sources de financement, prétendre ramener le rythme d'augmentation des dépenses de santé à 3 % ou 4 % tient de la pensée magique. Malgré toute sa poigne, même la dame à la sacoche n'est jamais venue près d'y parvenir.
Avec une augmentation des dépenses de 5,7 %, il y aura à peine 50 millions à consacrer à de nouveaux services en 2009-10. Sans compter les exigences de la Fédération des médecins spécialistes, qui entend prendre prétexte de la nouvelle entente de mobilité avec l'Ontario pour obtenir un nouveau rattrapage.
Il est vrai que le ministre a déjà indiqué certaines pistes de solution. L'élimination des listes d'attente a été reportée aux calendes grecques et la crise de la médecine familiale a été déclarée insoluble. C'est toujours cela de moins.
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mdavid@ledevoir.com
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