La pari de Pauline

Élection partielle dans Kamouraska-Témiscouata



La semaine dernière, certains au PLQ se demandaient si une défaite serrée dans Kamouraska-Témiscouata ne serait pas le meilleur scénario. Durant tout l'automne, les libéraux ont observé avec intérêt et amusement les préparatifs de François Legault et les signes de bisbille au sein du PQ, mais personne ne souhaite réellement le départ de Pauline Marois.
Le dernier sondage CROP-La Presse a simplement confirmé ce dont tout le monde se doutait bien: si Gilles Duceppe en était le chef, le PQ serait un adversaire beaucoup plus redoutable, alors que le départ de Jean Charest n'améliorerait pas de façon significative la situation des libéraux.
C'est précisément ce scénario d'une victoire péquiste par la peau des dents qui s'est matérialisé. À la grande surprise des vainqueurs eux-mêmes, qui avaient déjà commencé à préparer les esprits à une défaite.
Sauf au SPQ Libre, qui avait voulu voir dans cette élection un référendum sur le prétendu virage à droite que Mme Marois voudrait imposer au PQ, on s'était également employé à en minimiser les conséquences sur le leadership de Mme Marois. Même Bernard Landry a déclaré qu'il ne faudrait pas en exagérer l'importance. C'est dire!
C'est la chef péquiste qui a choisi de dramatiser en donnant une dimension nationale à une élection pourtant largement dominée par des questions locales: «On aimerait être à la place des citoyens de Kamouraska-Témiscouata. Ils ont la possibilité d'envoyer un message», a-t-elle déclaré.
À cinq mois d'un congrès où elle devra se soumettre à un vote de confiance, le pari était risqué, mais qui ne risque rien n'a rien. Aux prochaines élections, le PQ devra nécessairement remporter des circonscriptions comme celle-là pour obtenir une majorité qui lui permettra d'être autre chose qu'un bon gouvernement provincial. L'échec dans Rivière-du-Loup avait fait douter que la chose soit possible avec Mme Marois. Hier soir, elle a prouvé le contraire.
***
Même le souvenir de Claude Béchard et les craintes de voir la circonscription disparaître dans la refonte de la carte électorale n'auront pas suffi à endiguer la vague d'indignation qui a déferlé sur l'ensemble du Québec au cours de la dernière année.
Il reste que le PQ n'arrive toujours pas à profiter autant qu'il le devrait de l'insatisfaction à l'endroit du gouvernement. Il faut reconnaître les efforts de Gérald Deltell et de son candidat, il n'est pas normal que l'ADQ ait obtenu un meilleur résultat qu'à la dernière élection générale dans l'état de délabrement où elle se trouve. .
Cela dit, perdre une élection partielle n'est pas nécessairement la fin du monde. Quand le PLQ a terminé au troisième rang dans trois des quatre partielles tenues le 17 juin 2002, plusieurs ont annoncé la fin de Jean Charest. La rumeur voulait qu'il soit remplacé par Pierre Pettigrew, alors ministre du Commerce international dans le gouvernement Chrétien. Dix mois plus tard, M. Charest était élu premier ministre.
Objectivement, la position de Mme Marois est bien plus avantageuse que ne l'était celle de M. Charest à l'été 2002. Le dernier sondage CROP crédite le PQ d'une avance de 15 points sur les libéraux, ce qui lui vaudrait environ 80 circonscriptions sur 125. Il est vrai qu'il détenait une avance de 20 points en juin 2005, quand Bernard Landry a décidé de démissionner, parce qu'il jugeait insuffisant le vote de confiance qu'il avait reçu. Au PQ, il ne faut jurer de rien.
L'arrivée de Gilles Duceppe ferait grimper la cote du PQ de 11 autres points, selon CROP. Cela est certainement alléchant, mais pas au point de susciter un putsch. Les députés péquistes s'accommodent très bien du leadership plutôt débonnaire de Mme Marois. Si le chef du Bloc québécois a dû renoncer à succéder à André Boisclair au printemps 2007, c'est qu'il n'avait pas l'appui du caucus péquiste, qui craignait sa poigne de fer. Rien n'indique que l'on soit aujourd'hui plus désireux de le voir débarquer à Québec.
***
Une victoire dans Kamouraska-Témiscouata n'aurait pas sorti M. Charest du pétrin, mais elle lui aurait donné une chose précieuse en politique: du temps. Du temps pour réfléchir à son avenir.
Le premier ministre n'a plus à faire la preuve de sa pugnacité. Il aimerait certainement diriger ses troupes aux prochaines élections générales, mais seulement à la condition d'avoir une chance raisonnable de les gagner. Hier soir, dans un comté où le PLQ règne sans partage depuis un quart de siècle, près de deux électeurs sur trois lui ont tourné le dos.
La candidate libérale, France Dionne, a axé sa campagne sur le pain et le beurre, alors que le candidat péquiste a fait écho au débat sur l'intégrité qui se déroulait à l'Assemblée nationale. C'est aussi le pari que fait Jean Charest. Le développement économique, qu'il semble confondre avec «l'agenda du Québec», sera au coeur du discours inaugural de février prochain. Au vu des résultats d'hier, cela ne suffira pas à faire oublier tout le reste.
***
mdavid@ledevoir.com


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->