Là, nous sommes prêts

Québec 2007 - Parti libéral du Québec

S'il y a un adjectif pour résumer l'état d'esprit des troupes de Jean Charest à la veille du déclenchement des élections, ce serait " confiant ".
Trop peut-être, l'excès de confiance étant toujours dangereux en campagne électorale. Quand les organisateurs libéraux parlent ouvertement de la possibilité de prendre quatre des cinq sièges du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on peut parler d'un enthousiasme frisant l'excès.
Mais il faut donner ce qui revient à Jean Charest : il a parfois l'air de s'ennuyer dans le train-train quotidien de son poste de premier ministre, mais quand arrive une campagne, le politicien en lui se rallume comme les meilleurs francs-tireurs se mettent à produire en séries éliminatoires. Et rallumé, le chef libéral l'est en effet, cela saute aux yeux.
Un des prédécesseurs de Jean Charest, Robert Bourassa, disait souvent qu'une semaine, c'est une éternité en politique. Cela n'aura jamais été si vrai qu'au cours des derniers jours.
Faut-il rappeler qu'il y a moins de trois semaines, personne ne parlait d'élections québécoises avant fin mai. Puis, un mauvais sondage s'abat sur le Parti québécois. S'ensuit une fronde contre André Boisclair, qui offre à Jean Charest une occasion inespérée de foncer. S'ils perdent ces élections, les péquistes n'auront qu'eux-mêmes à blâmer.
Le chef du PQ était à Québec lui aussi hier, à Charlesbourg plus précisément, pour présenter son candidat Richard Marceau. Pas d'ambiance malgré une bonne foule, discours long et ennuyeux malgré l'imminence du déclenchement, une conclusion s'impose : M. Boisclair va devoir rapidement trouver un rythme de campagne et de la substance à présenter aux électeurs. On devrait avoir une bonne indication samedi prochain, lors du lancement de la campagne du PQ à Laval. Mais pour le moment, Jean Charest a clairement gagné la pré-campagne.
On s'est beaucoup moqué au cours des quatre dernières années du fameux " Nous sommes prêts " de la campagne libérale de 2003, mais hier à Québec, le message que Jean Charest a envoyé à ses militants, c'était : " Là, nous sommes prêts ". Un message qui visait aussi André Boisclair et Mario Dumont : si vous voulez mon job, vous allez devoir vous battre.
Il faut avouer que Jean Charest ne manque pas d'audace - ou de témérité, on le verra au cours des prochaines semaines - lui qui a décidé de faire campagne sur le thème de la continuité.
Imaginez qu'un conseiller politique se soit présenté il y a deux mois au bureau de Jean Charest en suggérant de lancer des élections hivernales en demandant aux Québécois de le réélire pour poursuivre le bon travail. Avec tous les problèmes de ce gouvernement au mont Orford et ailleurs, avec cette image d'impuissance à régler les dossiers chauds, avec un bilan, il faut le dire, plutôt mitigé et avec un taux d'insatisfaction plus qu'inquiétant, comment peut-on solliciter le privilège de continuer le travail amorcé.
Et pourtant, le vent a tourné. On ne parle plus du mont Orford et des autres dossiers épineux, le taux d'insatisfaction est encore élevé, mais les intentions de vote sont favorables. Quant au bilan, Jean Charest s'en est fabriqué un avec une assurance inébranlable, quitte à s'approprier des réalisations qui ne sont pas nécessairement les siennes (du moins pas uniquement), comme le réseau des CPE, le régime des congés parentaux, le règlement de l'équité salariale, l'augmentation du taux de natalité l'an dernier, la baisse du taux de chômage...
Une campagne électorale ne se construit pas sur des nuances. Peu importe que ce soit à demi vrai, l'important, c'est de dresser son bilan avec conviction, en affirmant être le seul à pouvoir continuer sur cette belle lancée. Quitte a affirmer sans broncher, comme l'a fait vendredi sa ministre de la Famille, Carole Théberge, que le gouvernement libéral va continuer à gérer de façon responsable le réseau des CPE comme il l'a fait depuis quatre ans alors que dans les faits, les libéraux ont foutu la pagaille et ont brisé la promesse de ne pas hausser les frais de garde.
Quitte à se vanter, comme l'a fait Jean Charest, d'avoir rempli 55 % de sa plus importante promesse de 2003, celle de baisser les impôts des Québécois. C'est tout de même ironique de se féliciter d'avoir atteint 55 % de ses engagements, comme s'il s'agissait d'un score honorable.
En affichant une telle confiance, ce que Jean Charest veut d'abord envoyer comme message, c'est que ni André Boisclair ni Mario Dumont n'ont l'étoffe pour le remplacer à la barre. Les Québécois n'aiment pas beaucoup Jean Charest, mais l'heure du vrai choix approche et ils devront choisir s'ils veulent le remplacer par M. Boisclair, qui n'a pas une grosse cote de " premier-ministrabilité " selon les sondages ou par Mario Dumont, dont la cote est meilleure, mais dont le parti traîne la patte. Jean Charest fait le pari qu'il gagnera le test du meilleur candidat au poste de premier ministre, d'autant que les Québécois gardent toujours leur gouvernement deux mandats.
C'est peut-être pour ça que les libéraux ont choisi d'adopter hier un " programme léger ", composé de priorités évidentes comme la santé, l'éducation, la famille, l'environnement, le développement économique et la place du Québec. Rien de nouveau là-dedans, sauf la promesse de dégeler les droits de scolarité (un geste courageux de Jean Charest, qui est le seul chef à oser s'attaquer au tabou) et celle de limiter à six mois maximum le temps d'attente pour une opération.
Le danger qui guette Jean Charest, outre l'excès de confiance, c'est de devoir faire 35 jours de campagne avec un programme aussi allégé.
Mais c'est vrai que Stephen Harper viendra vraisemblablement lui donner quelques munitions, à la toute fin de la campagne, avec un budget généreux pour le Québec.
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