Le gouvernement canadien a décidé de mettre en évidence la guerre de 1812 et d’en faire un événement significatif pour les temps présents. La démarche marque une variante dans le plan de défense du Canada. Jusqu’à présent, on faisait de l’acte dit « confédératif » de 1867 la marque d’une fondation, un décor nouveau surgissait et le motif essentiel de cet accord résidait dans le fait que l’on avait évolué vers le respect. Les nations désormais égales et libres, décidaient et dominaient les anciens drames attribuables aux anciens régimes. En guise de preuve, on disait que le pays endossait un nouveau nom.
Dans une tel plan de communication, il était de peu d’intérêt de rappeler la guerre de 1812. On n’aimait pas dire que l’affaire british qui avait précédé continuait à travers le Canada. Il n’y avait que les indépendantistes pour soutenir que le Canada en tant que pays et système s’était inscrit dans les spéculations futures de l’empire anglo-saxon et que le changement de nom, de même que le statut de province, annonçaient une mise en scène marquée par la même fatalité.
La vision qui sacralisait 1867 en tant que naissance du pays avait pour but de contrer le mouvement indépendantiste québécois. Pendant au moins cinquante ans, comme un corps social qui ne se nourrit de la même graisse, le Canada a surajouté à la propagande voulant que les francos avaient déjà fondé le pays avec des partenaires égaux, libres, plus d’un siècle plus tôt. C’était une version utile, profondément cinématographique et qui rendaient bien des crochets invisibles. On n’aimait pas la guerre de 1812 à l’époque, comme fait promotionnel de la diversité canadienne car il accuse une situation où de toute évidence une nation dominée s’entraine dans le sillage d’une autre nation.
La propagande canadienne passe à une autre étape. Avec la minorisation accrue de la nation québécoise, on vise plus explicitement à promouvoir la continuité britannique et à aimer nos ancêtres en tant qu’entremetteur d’un pouvoir qui ne nous appartient pas. Tel fut notre passé. Tel sera notre avenir. Faute de pouvoir choisir le régime, on nous offre de nous anéantir dans cette belle production cérébrale et de nous entretenir dans une opinion « positive » de ce que va nous arriver en tant que nation minoritaire.
Ce n’est d’ailleurs pas le propre du parti Conservateur. Tous les partis unitaristes canadiens partagent cette opinion. Mieux vaut accepter ce qu’on ne peut changer en tant que nation et mettre au rancart les opinons négatives.
Le gouvernement canadien veut nous enseigner que même par le passé, du temps où le Canada s’appelait le domaine british de l’Amérique du Nord, il offrait déjà un but commun, sauver la souveraineté nationale et le fait français contre l’impérialisme américain. Le Canada va célébrer pour dire à la nation québécoise que ses ancêtres se confondaient dans une âme commune avec les British. On va dire à la nation québécoise qu’elle s’est montrée digne de la respectabilité britannique dans le passé en luttant aux côtés des Anglais parce que l’Angleterre était en guerre contre les Etats-Unis d’Amérique alliée de la France.
***
Nous allons nous faire enseigner dans le cadre de tout un programme de commémorations officielles que, comme Québécois, nous sommes supposés de nous réjouir que certains de nos ancêtres aient indirectement pris les armes contre la mère-patrie. N’est-ce pas plutôt l’image d’une nation qui n’occupe pas le siège du conducteur et qui se débat ente le diable qu’elle connaît et le diable qu’elle ne connaît pas?
On va nous présenter nos ancêtres dans un élan de foule canadienne, d’unanimité canadienne. On va nous suggérer que tous étaient derrière la défense de la différence canadienne sans distinction d’origine. On va nous dire que la couronne d’Angleterre en 1812 était postnationaliste, rompu à tous les lieux communs de la propagande canadienne actuelle et que les Amérindiens, les premiers Canadiens, selon l’expression de Trudeau, aimaient déjà la Couronne.
Il y a dans cette prétention un profond refus de l’identité québécoise, un déni total de la réalité de ses combats. Tout à coup, nos ancêtres, comme nous à présent, sommes les intermédiaires d’un empire à qui nous devons de sortir indemne d’une complot de domination venu des Etats-Unis. On devient dans cette version de l’Histoire un peuple dont le choix s’opère entre les bons anglais versus les mauvais anglais, plus au sud. On se range derrière les bons anglais et on défend leur souveraineté garante de la nôtre, dans ce grand pays qui reconnaissait les siens avant même le pacte de 1867.
Ce tableau n’échappe pas aux lois de la tradition populaire canadienne. Cette tradition populaire au dehors de l’enclave québécoise ne se nourrissait pas de la sacralisation de l’Acte de 1867. Dans la tradition populaire canadienne, la domination anglo-saxonne est un beau film déroulé qui n’a pas à crever ou s’anéantir dans de nouveaux pactes. Cela serait contraire au cadre de l’évolution de leur pays. Le Canada est pour eux un tout naturel qui remonte aux premières nations et à Dieu qui, dans toute sa finesse de créateur conscient a voulu la victoire de la couronne et un terre d’immigrants au service de la pérennité de l’Amérique du Nord Britannique.
Comme la nation québécoise est de plus en plus minoritaire, elle se fera de plus en plus enseigner ces traditions populaires canadiennes. Ceux qui résisteront à cette médiocrité sentimentale au Québec se feront accuser de chauvinisme, de repli ethnocentrique.
Dans cette version de l’Histoire, y a-t-il un moment où la nation québécoise considère ses propres cartes? À moins bien sûr qu’il n’y ait dans la nation québécoise qu’une perpétuelle réduction à l’impuissance. La guerre de 1812 est symptomatique du temps présent avec cette nation québécoise coincée par des choix qui ne lui appartiennent pas et qu’elle n’arbitre pas.
André Savard
La guerre de 1812 et de 2011
On va dire à la nation québécoise qu’elle s’est montrée digne de la respectabilité britannique dans le passé en luttant aux côtés des Anglais parce que l’Angleterre était en guerre contre les Etats-Unis d’Amérique alliée de la France.
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3 commentaires
Jean-François-le-Québécois Répondre
21 octobre 2011@ J. C. Pomerleau:
«Aurions nous choisi Washington, nous serions tous américains et assimilés, dans des États Unis s’étendant jusqu’à l’Arctique...».
Demeurons prudents; une telle affirmation, sortie de son contexte, ressemblerait beaucoup trop à la propagande canadienne qu'on nous sert régulièrement Vous savez, dans le même genre que la fable voulant que la Conquête ait eu du bon, car les Anglais nous auraient supposément apporté la «démocratie» (sic)... Une distortion grossière et délibérée, à laquelle l'on ajoute un anachronisme volontaire, dans ce dernier cas.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
16 octobre 2011La Guerre de 1812 a été gagné en 1774.
Et cette commémoration pourrait nous permettre d'y revenir. Tout notre histoire se résume dans cet acte et pourtant nous l'ignorons.
La Couronne britannique a consenti l'Acte de Québec de 1774, par laquelle l'État anglais reconnait un État nation français dans ses caractéristiques essentiels qui lui assuraient une cohésion nationale: La religion, la langue, et les coutumes de Paris (code civil). Pour clore une guerre mené justement pour faire disparaître les français papistes d'Amérique !
N'eut été des ces concessions, les britannique auraient été poussé à la mer par les révolutionnaire venus du Sud aidé des Habitants qui avaient gardé une capacité de mobilisation militaire qui pouvait faire la différence. Et G Carleton et G Washington, le savaient,et l'on exprimé explicitement, ils dépendaient de l'allégeances des Habitants pour remporter la victoires.
Les Habitants ont été en quelque sorte les courtiers, qui par leurs choix (léger penchant britannique, sinon neutralité), ont façonné la configuration des États en Amérique du Nord. Pas pire pour des loosers. Aurions nous choisi Washington, nous serions tous américains et assimilés, dans des États Unis s'étendant jusqu'à l’Arctique. Imaginé l'impacte géopolitique planétaire d'un tel pays.
Ne serais-ce que pour cela, l'Acte de Québec de 1774,est l'Acte le plus important de l'histoire nord américaine.
La Guerre de 1812 fut un épiphénomène, elle fut gagné en 1774 !
JCPomerleau
Archives de Vigile Répondre
16 octobre 2011Les Britanniques...
Si je ne me trompe pas, ceux-ci étaient en fuite vers Québec lorsque les troupes de Salaberry ont renvoyé les Américains chez-eux lors de la bataille de Châteauguay...
Comme quoi certains en oublient des bouts...