Six mois avec l'opposition royale du NPD

Chronique d'André Savard


« Après le vague, le ressac », c’est le titre de l’article paru dans le journal de Québec le dimanche 6 novembre. Daniel Petit, candidat conservateur défait dans la ville de Québec explique: “Le Bloc était plus revendicateur. Je pense que tout le monde est d’accord de ce côté-là... Honnêtement, il travaillait plus fort que le NPD.
Il ajoute, tel que cité dans le journal de Québec: “Les six premiers mois, tu dois prendre ton espace politique. Ils ne l’ont pas pris”.
Un des premiers mots à retenir, c’est le mot honnêtement. Enfin une parole honnête. Radio-Canada et Gesca ont été tout à fait malhonnête dans la couverture de l’action du Bloc car ce sont des organes de médiatisation unitariste. Dans le cas de Gesca, on tombe dans la désinformation pure et simple et dans l’agenda politique long terme, plat et contrôlé. On a fait carrément “comme si” le Bloc se composait de débiles qui se décrottent le nez pendant vingt ans au lieu de fournir des bons ministres au sein d’un Fédéral gentiment coopératif.
"Les bloquistes n’ont rien à faire à Ottawa" fut la parole à répéter comme parole d’évangile. Ils voulaient être une nuisance et retirer leur chèque de pension, dixit des organes officiels. L’épisode démontre que Radio-Canada devrait passer sous la direction de Québec. La liberté d’information est incompatible avec la constitution du tandem Gesca-Radio-Canada épris de ses sempiternelles églogues unitaristes. Le mot d’ordre est simple : « Tout sauf les séparatistes ». À cause de cela, aux dernières élections, le NPD roulait dans les fleurs.
N’importe quoi du moment que l’on franchisse des progrès considérables dans la croissance de l’unitarisme canadien. C’est ce qui fait que, ou on a des fantoches à Ottawa ou on a, comme au temps du Bloc, des revendicateurs laborieux qui se font cracher dessus et accuser d’être les représentants d’une faction ethnocentrique.
Selon le bon mot lancé par les candidats défaits lors de la dernière élection fédérale de la région de Québec, les députés néo-démocrates se sont « déguisés en fantômes ». À présent, la farce devient totale, le zéro quasiment absolu. Celui qui bouge au NPD, c’est Yvon Godin, député du néo-démocrate du Nouveau-Brunswick. C’est qu’il connaît bien les luttes franco-canadiennes et cette nomination d’un juge unilingue anglophone rentre dans les cordes des doléances d’un Acadien. Regardez-le bien aller et prenez bonne note car au sein du Canada, il n’y a que des luttes franco-canadiennes qui sont possibles.
En fait, au pays de la Sagouine, les principales figures de la politique ne maîtrisent pas le français. Le dernier débat des chefs dans cette province était un véritable jeu de massacre linguistique. Les candidats auraient eu autant de succès à faire un débat en batave. Après le débat, en bon franco-canadiens, on a dit « merci quand même d’avoir essayé ».
Il semble que désormais ce sera ça notre revendication collective d’un bout à l’autre du pays, faire reconnaître le français comme une langue bien de chez nous. Essayez de parler français, messires canadiens. Il faudra se ranger derrière Yvon Godin après avoir trahi Gilles Duceppe. Il est normal pourtant que l’on ait des juges unilingues comme on a des ministres unilingues, des anglophones à la plupart des postes clefs et quelques Québécois dans la mesure où ils donnent préséance au patriotisme canadien. C’est que le Canada n’a pas deux têtes.
Le Québec, lui, est un contexte médian. Il est possible de vivre au Canada au Québec mais il n’est pas possible de vivre au Québec au Canada. On parle du Canada comme du fruit d’une double civilisation mais ça n’a pas plus de sens que de dire que l’Espagne est arabe parce qu’il y a eu des émirats jusqu’au douzième siècle. On peut même dire que l’Espagne assume son passé arabe plus sereinement que le Canada qui voue un culte aux emblèmes de la supériorité anglo-saxonne.
Le Canada n’appartient pas à l’orbite francophone. Et les Canadiens ont constaté depuis longtemps, en tant que “citoyens”, un mot si populaire ces jours-ci, l’irréalité civique de cette loi sur les langues officielles. Ils savent que le bilinguisme n’a de raison d’être qu’en contexte médian et ils savent que les seuls contextes médians possibles sont en régions francophones. Le prêcher ailleurs c’est du burlesque légal ou du calcul politique, une façade pour contrer ce qu’on appelle le mouvement séparatiste.
Maintenant, on peut certes se braquer et forcer un homme qui a méprisé toute sa vie les Acadiens de se soucier du français tout à coup, pour la façade. Mais on fait quoi au juste? On se bat pour la façade? N’est-ce pas une cause sans éclat, de perdant né, que de demander l’apprentissage à la hâte du français à un favori du régime, un gardien du temple et de ses arcanes politico-juridiques. Au final, on aura après six mois de cours intensifs un nouveau juge qui portera le français comme une fleur au chapeau.
Dans le fond, n’est-ce pas toujours ainsi? On a des juges qui utilisent le français comme une langue de traduction du pouvoir d’un pays anglais et qui administrent l’insensibilité pratiquement totale des lois canadiennes quand il s’agit de traiter de l’existence de la nation québécoise. Si on rue tant dans les brancards c’est parce que les unitaristes francophones vivent dans un pays imaginaire. Un juge de la cour suprême qui parle français ou qui semble le parler donne une nourriture à leur imagination.
Dans quelques mois le nouveau juge de la cour suprême accordera des entrevues exclusives au tandem Gesca-Radio-Canada. Ce sera assez bien fignolé et on vantera sa vitesse d’apprentissage. On aura au sommet de la pyramide un nouvel individu d’apparence bilingue dont l’image sera puissamment véhiculée. Magistrats, ministres qui se convertissent à l’apprentissage du français, cela donne aux franco-canadiens l’illusion de toucher des droits en vertu d’une appartenance ancestrale à ce beau Canada. Ils donnent l’illusion aussi que ce grandiose pays consent à ce qu’on le contrôle un peu. Après tout, quel combat éclatant que d’envoyer de force des magistrats dans des cours d’immersion française.
Le bilinguisme est là pour donner une image épurée du Canada. On a des lois au Canada, des droits symboliques, alors que la vrai loi linguistique, c’est celle des rues canadiennes, la loi imposée par l’usage au Canada. La loi imposée par l’usage, elle a été d’abord installée par l’armée royale au XIXe siècle puis consacrée en tant que seule langue citoyenne au Canada par l’usage des masses. Le nouveau magistrat a vécu au Canada toute sa vie, un pays où ni la rue ni les mœurs ne se mêlent spécialement à des préoccupations francophiles. C’est juste ça la réalité et c’est par calcul politique que l’on se surprend qu’il soit unilingue anglophone.
Le NPD blâme le Canada de Harper quand il a la force de blâmer un peu. Il ne faut surtout pas être une nuisance pour l’unitarisme canadien. On dit « le Canada de Harper » et on plante à ses côtés un pays virtuel. Encore une fois, on escamote le pays réel et on entretient une créature imaginaire où le français conserve des lettres de noblesse d’un océan à l’autre. Pour convenir à cette créature imaginaire, on demande à un magistrat unilingue de posséder le français et le promener comme un phénomène décoratif.
Le NPD va lui demander de se dépêcher d’apprendre le français. On a besoin d’exemples individuels pour s’entraîner dans le rayonnement de nos imaginations, ce Canada d’amours francophiles. En bons Canadiens français, on va revendiquer un peu avec le gentil NPD pour que tel député, tel oligarque, tel anglo glorieux se francisent un peu, juste pour l’accomplissement de cette fantaisie.
Enfin une opposition qui travaille dans le bon sens à Ottawa. Désormais on a le gouvernement royal du Canada et son opposition loyale pour qui tout se passe entre la gauche et la droite. Si vous avez d’autres références cherchez dans le dictionnaire Webster, ou dans les dictionnaires anglo-franco. S’il n’y en a pas au parlement, le laboratoire de langues le plus proche, dans quelque rue de Gatineau, doit bien en avoir.
André Savard


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 novembre 2011

    Monsieur Savard
    L'indépendance du Québec, c'est dans la tête que ça se passe. Le Canada est devenu, pour moi, un pays étranger et il y a belle lurette que je n'écoute plus la propagande de Radio (la désinformation et de l'assimilation) Canada. Depuis 3 ou 4 élections fédérales, je vote en blanc et j'en suis fier; il faut être réaliste. On ne peut voter indépendantiste au Québec et voter fédéraliste à Ottawa. Pour moi, le Canada, c'est une grosse diversion pour maintenir les Québécois dans l'illusion et la duperie et pour nous empêcher de focaliser sur le vrai pays qui est celui du Québec. Plus de perte de temps et d'énergie inutiles; je me concentre sur le Québec à advenir. VIVE LA RÉPUBLIQUE DU QUÉBEC!
    André Gignac 11/11/11

  • Archives de Vigile Répondre

    10 novembre 2011

    Pour ma part, il me semble que, à l'heure actuelle, le débat sur la reconnaissance du fait français et le débat au sujet de la place du Québec dans la société canadienne est clos. Le Canada se satisfait des résultats des deux référendums québécois et des tentatives avortées, entre ces deux consultations populaires, d'en arriver à un nouvel accord historique. Pour le reste du Canada (ROC), la question du Québec et même des francophones hors-Québec est réglée.
    On pourra bien se plaindre du mépris dont le gouvernement fédéral actuel fait preuve à notre égard, ça ne changera rien. On pourra dénoncer la faiblesse du discours du NDP au sujet de la place du Québec dans la "Confédération", et puis après ? Si tous ces affronts ne nous font pas réagir en tant que peuple, le peuple québécois a-t-il un avenir ?
    Le Parti Libéral du Québec, l'Action Démocratique du Québec, la Coalition pour l'Avenir du Québec; le Parti Conservateur du Canada, le Parti Libéral du Canada, le Nouveau Parti Démocratique... Ces partis nous plaident tous que le "fruit constitutionnel" n'est pas mûr, ils nous expliquent que la conjoncture actuelle ne favorise pas les discussions sur ces sujets...
    Et en attendant que le fruit soit "mûr", ces partis "tripatouillent" tous ensemble dans la représentation du Québec au sein du Parlement du Canada, dans le mode de nomination des sénateurs, dans la nomination des juges de la Cour suprême du Canada, dans le pouvoir provincial de contrôle sur la finance, et dans quels autres pouvoirs des provinces... Ils négocient certains des pouvoirs qui permettent au peuple québécois d'exister...
    Ils éteignent tranquillement le feu qui témoigne de notre existence et ils nous privent progressivement des outils essentiels pour l'exercice de notre souveraineté en tant que peuple.
    On peut bien se plaindre de chaque humiliation, agir et s'offenser au cas par cas... Je crois pour ma part que la seule issue est une nouvelle consultation populaire, au terme d'un exercice sincère de sensibilisation notamment à notre histoire, à celle des autochtones et à celle des nationalistes canadiens actuels...
    Où en sommes-nous ? Que voulez-vous ?

  • Claude Richard Répondre

    10 novembre 2011

    On se croirait revenus au temps des chèques bilingues sous Diefenbaker. Qu'est-ce que ça change en effet qu'un ou deux juges de la Cour Suprême soient bilingues comme les autres? Les "honorables" juges francophones et bilingues (c'est presque un pléonasme) n'ont-ils pas participé d'emblée au charcutage de la loi 101 et à la légitimation des écoles-passerelles? Le bilinguisme à Ottawa, c'est de la fumisterie!
    Pas étonnant que Radio-Canada et Gesca donnent dans cette "contestation", en tâchant de passer pour des défenseurs du français. Nous n'en sommes plus là. C'est au Québec même que notre langue est menacée, mais on snobbe les actions du Mouvement Québec français. Là où ça compte, on se désiste.
    Et le NPD là-dedans? Des statues qui regardent passer le train en brandissant une photo de Jack. Et en envoyant Godin faire le pitre devant les caméras. Ce sont les parfaits représentants d'un peuple amnésique.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 novembre 2011

    «se dépêcher d’apprendre le français»... Se dépêcher. Comme dans la publicité à la télé peut-être.
    Vous savez bien, la jeune mariée court sur le quai en tenant sa robe à deux mains. Elle se dépêche...
    Comment peut-on apprendre le français et le maîtriser en quelques mois. En se dépêchant?
    Point de divergence avec vous monsieur Savard. Profitez-en c'est rare que ça arrive. C'est à propos de Godin. Godin le canadien français. Godin le Cajun. Il m'énerve ce Godin.
    Certains ont reproché aux Bloquistes de n'être à Ottawa que pour s'amasser une pension. Ben Godin lui, crie au meurtre depuis de lunes pour s'amasser une réputqtion. Ce qui lui donne éternellement un beau rôle. Mais il n'obtiendra rien. Jamais il ne gagnera rien. Et nous non plus.
    Mais il va continuer de crier dans le désert d'Ottawa. Et ça lui fait une belle jambe justement.
    Et ça me désespère. Justement. Au sens noble du mot.
    Et il est pogné Godin, parce qu'il ne peut que mourir dans son pays de merde, le Canada en lequel il semble continuer de croire.
    Et c'est là que je débarque complètement. On a rien en commun lui et nous. Et pendant ce temps 59 députés jaune orange font semblant de représenter les québécois. Mais en réalité ils se pognent le cul dans le Federal Parliament.
    Ça m'enrage!

  • Archives de Vigile Répondre

    9 novembre 2011

    Je constate que vous persistez dans le vieillot et le Kitch, M. Savard. Nous n’avons pas finis de nager dans le surréalisme lorsque que j’entends une candidate à la direction du Bloc québécois proposée une nouvelle négociation constitutionnelle. Après 40 ans d’échecs, des Bozos et des "Bozounes" s’illusionnent encore sur la bonne foi canadienne. Ceux-là et celles-là n’ont visiblement pas intégré(es) les leçons de la nuit des longs couteaux. On peut comprendre les raisons stratégiques derrière la volonté politique de Brian Topp du NPD de vouloir ré-ouvrir la constitution mais que des bloquistes tentent de maintenir de faux espoirs et de l’illusion, c’est carrément travailler contre l’indépendance du Québec et de la malhonnêteté absolue. Je vous le redis encore, M. Savard, nous en avons plus qu’assez de tous ces carriéristes qui n’hésitent pas à renier leur mère et leur père pour se prouver à eux-mêmes qu’ils sont signifiants ou pire pour maintenir leur job.
    Concernant les médias du Québec, leur comportement manipulateur ira certainement en s’intensifiant. Dans sa plate-forme électorale de base, l’Option Nationale vient de manifester son intention de mettre sur pied une commission parlementaire portant sur la concentration médiatique au Québec et son effet sur la vie démocratique de la nation québécoise. Celà signifie que leurs jours sont probablement comptés et nous pouvons prévoir qu’ils paniqueront face à cette menace imminente. Car il est vraisemblable que l’ON prenne la tête d’une coalition nationaliste à la prochaine élection. D’ici là, il faudra se battre comme des diables afin de contrer les effets pernicieux de cette manipulation de l’opinion.