La forêt toujours menacée

17. Actualité archives 2007


Le rapport du forestier en chef publié vendredi dernier était très attendu. Malgré l'effort consenti pour calculer la possibilité forestière susceptible de prévenir la surexploitation de la forêt, le rapport se limite à la seule préoccupation d'optimiser ces opérations de coupe sur un territoire à vocations pourtant multiples.
En 2004, la commission Coulombe confirmait les appréhensions suscitées par le film de Richard Desjardins, L'Erreur boréale, à savoir que la forêt québécoise était surexploitée. Pour renverser la tendance, la commission recommandait de réduire sur-le-champ la possibilité de coupe de résineux de 20 %, de créer un poste de forestier en chef et, surtout, d'adopter une vision dite «écosystémique» qui tienne compte de toutes les caractéristiques d'une forêt et non des seules retombées financières d'un arbre abattu.
Nommé il y a un an pour faire suite à ce rapport, le forestier en chef, Pierre Levac, «a pour mandat de garantir le renouvellement constant des forêts du Québec dans un objectif de développement durable».
Dans le rapport publié vendredi dernier, M. Levac en arrive à peu de choses près à la même conclusion que la commission Coulombe, à savoir qu'il faut réduire la possibilité forestière de résineux à l'horizon 2008-2013 d'une tranche de 2 % en sus des 20 % recommandés par la commission. Dans le cas des feuillus, des cèdres, de la pruche et du pin, le forestier confirme aussi ce que la commission avait déploré, à savoir que la situation est dramatique et exige une réduction de la possibilité de 30 % à 40 % dans les régions où ces essences ont déjà poussé en abondance.
Comme mesure nécessaire pour améliorer le rendement de la forêt, le forestier prévient les compagnies qu'elles devront désormais exploiter la ressource qui est plus difficile d'accès, en montagne par exemple ou sur les rives des cours d'eau, là où l'on ne peut abattre qu'un arbre mature sur trois. Ces récoltes dites de «jardinage» comptent pour autant que 27 % du total de la possibilité forestière totale recensée par le forestier en chef, mais, à cause des contraintes, le coût d'exploitation est beaucoup plus élevé. Les compagnies ont toujours négligé cette récolte au profit des zones facilement accessibles avec la machinerie lourde. Il faudra voir si la nouvelle politique sera suivie ou si les compagnies se priveront d'une partie de leurs droits de coupe pour éviter d'accroître leurs coûts.
Cela dit, parce que le travail du forestier en chef se limite essentiellement à déterminer la possibilité de coupe, tout ce qui fait obstacle à la récolte du bois est perçu comme un handicap et non comme un actif pour la société. Cette vision réductrice de la forêt a pour conséquence que ce premier rapport du forestier ne tient pas compte de la promesse du gouvernement Charest d'étendre la proportion d'aires protégées à 8 % du territoire québécois. De même, en matière de protection «d'îlots de vieillissement», ces espaces de quelques kilomètres carrés de forêts matures à conserver dans le but d'assurer la repousse d'essences variées et la survie de la faune, le forestier vient réduire les superficies protégées comparativement aux intentions du ministère. Pourquoi, sinon pour maximiser la possibilité de coupe?
Parce qu'il présente un plan d'attaque chiffré dont il sera possible de suivre l'évolution, ce premier rapport du forestier constitue une avancée majeure pour la forêt québécoise. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que l'on cesse de percevoir la forêt publique uniquement comme une source inépuisable de matières ligneuses bon marché.
j-rsansfacon@ledevoir.com


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