Diversion à Calgary

La farce continue!

Jim Prentice vole la vedette à Jean D'Amour

Chronique de Louis Lapointe

Comme par hasard, Jim Prentice a choisi le jour où Jean D'Amour a reconnu sa culpabilité d’avoir violé la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme en représentant illégalement la firme d’ingénierie BPR auprès de municipalités du Bas-du-Fleuve, pour dénoncer le règlement adopté par le gouvernement du Québec sur les émissions des véhicules automobiles.
Comme par hasard également, cette reconnaissance de culpabilité de Jean D'Amour survient alors que Jean Charest est en voyage en Inde. Interrogé à ce sujet, ce dernier a immédiatement absout le délinquant notoire du PLQ, affirmant qu’il avait fait face à ses responsabilités en reconnaissant sa culpabilité et en payant l’amende de 500$, prétextant que l’ancien président du PLQ était de bonne foi, puisque, ignorant la loi, il n’avait pas agi sciemment dans la commission de l’infraction. Jean D’Amour croyait agir comme vendeur, pas comme lobbyiste.
Nous savions déjà que l’ancien maire de Rivière-du-Loup conduisait avec les facultés affaiblies, à entendre Jean Charest, nous avons maintenant la conviction qu’il était dans le même état mental lorsqu’il accomplissait ses activités de lobbyisme. Reste à savoir s'il conservera la même attitude comme député de Rivière-du-Loup. Si l'on se fie à ses électeurs et aux dires de son premier ministre, cela ne devrait pas trop affecter le renouvellement de son prochain mandat.
Une nouvelle qui a été immédiatement supplantée par la déclaration incendiaire du ministre fédéral de l’environnement, Jim Prentice, qui a profité d’une visite à Calgary pour se faire du capital politique aux dépens du Québec et du premier ministre Jean Charest en décrivant le règlement québécois sur les émissions des véhicules automobiles comme une sottise, ce qui n’a pas manqué de soulever l’ire de ses opposants à Ottawa et à Québec, ainsi que de tous les éditorialistes et chroniqueurs du Québec, volant par le fait même la vedette à Jean D’Amour.
Dans une récente chronique, La recette, voici ce que j’écrivais au sujet de cette stratégie convenue, des propos toujours d'actualité depuis la sortie intempestive du ministre fédéral de l'environnement, Jim Prentice, auteur d'une déclaration aussi étonnante que gratuite, puisque le gouvernement fédéral envisageait déjà d'adopter les mêmes normes :
« Paradoxalement, la mésentente entre Jean Charest et Stephen Harper permet à l’un d’être plus populaire au Québec et à l’autre de le demeurer dans le reste du Canada. Il faudrait donc être idiot pour ne pas avoir compris que, l’autre soir, au téléjournal, les deux protagonistes appliquaient une bonne vieille recette convenue, celle du bon et du méchant.
Jean Charest utilise la protection de l’environnement et la défense des intérêts du Québec pour emmagasiner du capital politique aux dépens de Stephen Harper, alors que ce dernier utilisera probablement le comportement de Jean Charest pour démontrer au reste du Canada l’insatiabilité du Québec et de ses premiers ministres qui en veulent plus, toujours plus, qu’ils soient indépendantistes ou fédéralistes, Jean Charest étant devenu un cas d’école depuis qu’il a utilisé le remboursement du déficit fiscal pour baisser les impôts des plus riches. La preuve la plus récente de l’ingratitude du Québec étant l’attitude de Jean Charest qui profite d’une tribune environnementale pour ostraciser Stephen Harper, bien que ce dernier faisait alors un pas dans la bonne direction. (…)
Il fallait bien s’y attendre, pour sauver sa peau devant les allégations de corruption et de collusion qui menacent son gouvernement, Jean Charest devait trouver une diversion. Il utilisera au maximum celle du repoussoir que constitue Stephen Harper aux yeux de plusieurs Québécois, alors que ce dernier misera sur l’ingratitude du Québec et de son premier ministre Jean Charest pour se constituer une majorité sans le Québec qui, à cause de la présence du Bloc québécois à Ottawa, freine toutes les réformes que souhaite Stephen Harper : celles du Sénat, de la représentativité des provinces à la Chambre des communes, de la Commission pancanadienne des valeurs mobilières et du durcissement des lois criminelles.
Comme Jean Charest ne propose aucune solution de rechange au fédéralisme improductif, nous devinons tous que, si cette stratégie cousue de fils blancs permettra aux libéraux provinciaux et aux conservateurs d’être réélus, elle nuira forcément au Québec qui sera encore une fois isolé aux termes de ces épisodes de brasse-camarade, comme l’histoire du Canada l’a démontré à maintes occasions. »

Il est clair que Stephen Harper, par l’intermédiaire de son ministre de l’environnement Jim Prentice, est encore une fois venu à l’aide de Jean Charest en faisant disparaître de l’écran radar des médias l’affaire Jean D’Amour. Sans aucun doute, Stephen Harper préfère avoir devant lui un gouvernement québécois dirigé par Jean Charest plutôt que par Pauline Marois. En maintenant un adversaire aussi faible à la tête du Québec, Stephen Harper sait qu’une fois devenu majoritaire il aura les coudées franches pour toutes ses réformes.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Marcel Haché Répondre

    3 février 2010

    Votre analyse est impeccable M. Lapointe.
    Le déclenchement de la crise AH1N1 procédait de la même procédure de diversion, mais à l’égard de l’élection à Montréal. Il s’agissait là de la position inconfortable des libéraux de Montréal, auxquels il fallait venir au secours.
    La géguerre de Charest à l’égard du fédéral ne lui sert qu’à se donner un faux lustre nationaliste. Et plus Charest va monter le ton, le plus cela va conforter les conservateurs en Ontario et dans l’ouest du Canada.
    La véritable question pourrait-être la suivante : pourquoi M. Duceppe accorde-i-il son discours à celui d’Ignatieff, au point d’en être la copie conforme ?
    En bout de piste, ce n’est pas le VOTE de gauche qui nuit au P.Q., c’est plutôt l’instrumentalisation qui est fait du DISCOURS de la gauche, repris et véhiculé pas les grands médias, toujours à l’encontre du P.Q. et de la cause souverainiste, les libéraux de Charest se donnant l’air d’être nationalistes.
    Je ne viens pas défendre Pauline Marois. Que non ! S’agit d’une question bien différente. Mais vous auriez bien du mal à me faire croire maintenant que M.Duceppe est nationaliste et accordé véritablement à son électorat.
    La p’tite game Charest-Harper est une « défense » à l’encontre du P.Q. mais une « attaque » fine à l’égard du Bloc. Peu importe les sondages, Harper va gagner son pari. Et c’est un farceur du type poker face.