La doctrine du «ni-ni» n'est plus - La France préfère parler de «relations directes et privilégiées

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France-Québec : fin du "ni-ni"?

Québec -- Un membre du gouvernement Sarkozy a refusé hier de répéter la formule consacrée «non ingérence, non indifférence», qui exprimait jusqu'à récemment la doctrine française à l'égard du Québec. Le secrétaire d'État chargé de la Coopération et de la Francophonie, Alain Joyandet, a ainsi confirmé le changement de politique québécoise de la France, évoqué récemment par l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
«Je ne suis pas certain que vous m'ayez entendu prononcer ce terme-là», a-t-il répondu lorsque pressé de questions par les journalistes sur ce qu'il est convenu d'appeler la doctrine du «ni-ni». M. Joyandet a préféré répéter à plusieurs reprises que la France avait des «relations directes et privilégiés avec le Québec», en ajoutant toujours que cela n'empêche pas la France «du tout de développer [ses] actions avec le Canada». Selon lui, il faut y voir une politique qui correspond à la «nouvelle réalité», qui cherche «des additions et non des soustractions», et que cela était tout ce qu'il y avait de «mieux dans le meilleur des mondes».
À un moment du point de presse, M. Joyandet, tentant de marteler la nouvelle formule, a même commis un lapsus, parlant de «relations directes et privilégiées entre la France et le Canada... euh, entre la France et le Québec». Le secrétaire d'État a exprimé une certaine irritation devant la répétition des questions sur le sujet, allant même jusqu'à qualifier celles-ci d'«obsessionnelles». Selon lui, c'est là une affaire essentiellement soulevée par les médias puisque, dans les relations France-Québec, «ces questions ne se posent plus, et je ne les sens pas dans l'actualité».
M. Joyandet ne s'est toutefois pas entretenu avec le chef de l'opposition officielle, Mario Dumont, et aucune rencontre n'est prévue, selon ce que le bureau de ce dernier a révélé hier. Le 2 avril, en Chambre, M. Dumont avait exprimé son inquiétude à l'égard du changement de politique française. Selon lui, il y avait là une «canadianisation, ni plus ni moins, des relations Québec-France», sous l'influence du magnat Paul Desmarais, récemment promu grand-croix de la Légion d'honneur par le président Sarkozy. Quant à la chef péquiste, Pauline Marois, M. Joyandet l'a croisée tout au plus une minute avant le point de presse et en présence des journalistes. «Il n'a pas senti de préoccupation à l'égard du changement de formule tout simplement parce qu'il n'a pas rencontré les bonnes personnes!», a commenté l'ancienne ministre des Relations internationales Louise Beaudoin, experte des rapports Québec-France.
Mobilité de la main-d'oeuvre
Par ailleurs, M. Joyandet a participé hier à une session de négociation sur la reconnaissance réciproque des compétences et des acquis entre la France et le Québec, avec le représentant du Québec, l'ancien ministre libéral Gil Rémillard. Il a révélé que les deux parties s'étaient entendues sur trois points. D'abord, elles souhaitent mettre en place une entente, «un cadre», qui engagera les ordres professionnels sans les contraindre. Québec et Paris, ensuite, se sont mis d'accord sur un calendrier: l'entente serait scellée en marge du Sommet de la Francophonie, en octobre. Enfin, les parties souhaitent que chaque profession, chaque métier s'accorde de manière bilatérale à partir du cadre établi au préalable par le Québec et la France. De l'aveu de M. Joyandet, le fait que les deux parties aient des façons très différentes d'organiser les professions et les métiers «complique les discussions». Dans l'Hexagone, les professions réglementées sont «placées directement sous la tutelle du gouvernement et des ministères». Ce n'est pas le cas au Québec. De plus, le Québec reconnaît certaines professions, comme les physiothérapeutes, que la France ne reconnaît pas. Cela n'empêcherait pas une entente, a toutefois déclaré le politicien français, soulignant que, «lorsque les professions ne sont pas réglementées, elles sont quand même organisées» et peuvent donc conclure une entente.
Si, selon ce que nous a confié une source, le gouvernement fédéral canadien observe avec «grande attention» cette négociation menée par une province avec un pays souverain, la France devra de son côté vérifier qu'un éventuel accord ne soit pas «incompatible» avec son appartenance à la communauté européenne, a admis M. Joyandet. Il estime qu'un tel accord pourrait du reste être précurseur d'un autre, plus large, plus «ambitieux», entre le Canada et l'Union européenne, comme le souhaite le premier ministre Charest. En entretien avec Le Devoir cet hiver, ce dernier avait évalué à 60 % les chances de réussite d'un tel accord entre la fédération et l'Hexagone.


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