Jacques Parizeau a fait quelques sorties médiatiques bien senties dans les derniers mois afin de tenter d’alerter l’opinion publique aux dangers du processus de déconstruction des instruments et institutions à vocation économique Québécois qui est enclenché depuis quelques années. Ce n’est pas parce que le PQ est dans un coma intellectuel depuis 12 ans que les ennemis du Québec, eux, sont inactifs.
Dans [sa conférence présentée au Gesù le 18 février dernier->11889], il s’attardait longuement à la liquidation de la bourse de Montréal, au danger de rachat de la Banque Nationale, au changement de mission de la Caisse de dépôts de placements (le volet « développer l’économie du Québec » a été rayé par Jean Charest dès son entrée en poste, remplissant ainsi une commande et un fantasme de Bay Street). Les exemples de déstructuration de l’économie québécoise par Ottawa sont, hélas, nombreux, et sont tous fondés sur le principe jadis énoncé par Stéphane Dion « plus ils souffriront économiquement, plus l’appui à l’indépendance va baisser » : pensons à l’industrie aéronautique québécoise, par exemple, qu’Ottawa cherche constamment à délocaliser vers l’Ontario et l’Ouest.
A ces exemples, j’aimerais en rajouter deux peut-être moins connus :
1) Le financement de l’Institut national d’optique (INO), institut de recherche qui emploie plus de 200 personnes à Québec et qui est à l’origine de la création de nombreux emplois bien payés, que le fédéral a essayé de couper l’année dernière. Finalement, devant le tollé, une partie du financement (15 millions de dollars) a été émis à la condition de transformer l’INO en « Centre d’excellence en commercialisation et en recherche », appellation ronflante pour indiquer qu’en échange de ce financement, l’INO devait cesser de créer la totalité de ses emplois à Québec et devait effectuer une expansion « pan-Canadienne », ce qui signifie ouvrir des bureaux en Ontario et dans l’Ouest. Une partie des emplois vont donc échapper au Québec avec toutes leurs retombées potentielles, la langue de travail va devenir lentement mais sûrement l’anglais et l’INO va cesser de s’identifier comme entreprise « Québécoise ». La mentalité fédérale se résume ainsi : Les subventions structurantes en recherche, c’est bon pour l’Ontario, mais c’est inacceptable au Québec. Le gouvernement du Québec, qui investit beaucoup dans l’INO, a gardé un silence assourdissant devant ce coup de jarnac asséné à une de nos rares institutions de recherche.
2) Jacques Parizeau déplore la rôle peu glorieux joué par le Mouvement Desjardins dans le dossier de la liquidation de la Bourse de Montréal. On se rappelle que Desjardins a conseillé le Toronto Stock Exchange dans cette transaction. Rappellons-nous que l’arrivée d’Alban d’Amours à la tête de Desjardins en 2000 a signifié un virage du Mouvement vers le Canada anglais; aujourd’hui, 20 % des revenus de Desjardins proviennent du Canada anglais et le but explicite est de les augmenter encore. Conseiller le Toronto Stock Exchange était donc une façon logique de s’attirer les grâces de Bay Street afin de pénétrer le marché canadien.
D’autres initiatives visant à plaire au Canada anglais ont vu le jour dans les dernières années : notons que Desjardins a ouvert une succursale « pour les anglophones et les communautés culturelles » sur la rue Peel à Montréal récemment (on y travaille en quelle langue vous pensez???) et a donné beaucoup d’argent à McGill et Concordia University dans les dernières années.
Desjardins est tranquillement en train de se muer en institution « Canadian ».
On n’a pas fini de déplorer la fin de Québec inc.
La déconstruction de Québec inc.
Desjardins est tranquillement en train de se muer en institution « Canadian »
Mouvement Desjardins — dérives appréhendées
Frédéric Lacroix85 articles
PhD, Chercheur, Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA)
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1 commentaire
David Poulin-Litvak Répondre
25 février 2008C'est vraiment dégeulasse, cette vente aux enchères des acquis de la Révolution tranquille... on peut aussi se demander où, finalement, sont les acteurs qui devraient dénoncer cette perfidie libérale. Bref, c'est le genre de chose sur lequel l'on aimerait fermer les yeux et oublier... merci de nous les ouvrir, continuez au moins votre travail, mais on devra, on doit, aussi, se questionner sur les moyens à prendre pour faire cesser cette hémorragie.