La courbe de Sarkozy suit celle de Berlusconi

Élection présidentielle française


Régis Soubrouillard - Dans sa dernière livraison, la Fondation pour l'innovation politique, le think-tank de l'UMP, s'interroge sur l'état de la droite en Italie. Un retour historique sur 15 ans de construction d'une nouvelle offre politique. L'occasion de s'interroger si les crises politiques, en certains points semblables, qu'affrontent Sarkozy et Berlusconi n'expriment pas le rejet d'une droite européenne conquérante et décomplexée, dans son rapport à l’argent, aux médias et au pouvoir.
La courbe de Sarkozy suit celle de Berlusconi
Une droite dominante, un leader adepte du bling-bling, habile communicant, confronté à la crise de sa majorité, des accusations de corruption et des promesses non tenues. Ce simple constat, rapide, suffirait à expliquer pourquoi la fondation pour l’innovation politique, le think tank proche de l’UMP, présidé par Nicolas Bazire, s’est penché en ce mois de juillet sur la situation de la droite en Italie.
Dans une note de la « fondapol », Sofia Ventura, Professeur associé à l’université de Bologne, décrit le lent processus qui a abouti depuis 1994 à l’installation d’un système politique basé sur une confrontation droite-gauche : « Jusqu’à la crise du début des années 1990, la compétition politique se joue entre un centre inamovible et un parti communiste qui, bien que, condamné à rester dans l’opposition est devenu depuis la fin des années 60 un interlocuteur politique de poids ».
Débarque Berlusconi. En s’alliant avec la Ligue Lombarde d’Umberto Bossi, puis au MSI de Gianfranco Fini, le magnat de la télévision fait exploser le système. Il crée Forza Italia d’emblée positionné à droite de l’échiquier politique, en opposition frontale à la gauche de gouvernement : « Avec le succès de Forza Italia, c’est ainsi un parti d’essence fondamentalement charismatique qui s’affirme. Le leadership de Silvio Berlusconi tire sa force de sa nature antipolitique, des critiques qu’il formule à l’encontre des partis traditionnels et de la professionnalisation de la vie politique » écrit Sofia Ventura. Au gré des alliances de circonstances, et à force de victoires (1994, 2001, 2008) Berlusconi construit en une quinzaine d’années une droite italienne libérale à l’électorat solide.
Depuis, Berlusconi a dissous Forza Italia, de plus en plus perçu, comme un parti institutionnel. Impossible à tenir pour un leader qui se veut « anti politique » et «hostile au pouvoir des partis politiques traditionnels».
Un phénomène de présidentialisation basé sur un leader charismatique

Le Parti du peuple et des Libertés (PDL) a rangé au vestiaire les thèses libérales défendues par Forza Italia au profit d’un protectionnisme de façade et d’une intervention de l’Etat dans l’économie. Mais le succès n’est pas au rendez-vous. Fini dénonce les risques de Césarisme propres à la structure du nouveau parti et les conflits internes se multiplient sur des sujets aussi sensibles que la laïcité de l’Etat.
Un conflit ouvert éclate ainsi en avril 2010 sur l’existence et le droit d’expression de positions minoritaires au sein du parti.
Au delà de ces « accès de colère » dont il trop tôt pour dire si elles aboutiront à une crise politique majeure, en 15 ans, Sofia Ventura décrit l’affirmation d’une droite italienne comme « force centrale » dans le nouveau système politique, un phénomène de présidentialisation basé sur un leader charismatique accessible aux nouvelles techniques de communication, et une forte demande politique pour une offre de centre-droit.
Pour autant, jamais dans sa démonstration, l’auteur ne s’attarde sur la gauche italienne. Etonnant, surtout dans un système politique bipolaire, où l’on se construit en grande partie « contre » l’adversaire. Ce faisant, elle en oublie complètement les transformations subies par la gauche italienne dans le même laps de temps. Face à une nouvelle droite « moderne », se met en place une gauche blairiste, ultra-light largement mondialiste, dont les années de pouvoir se révèleront désastreuses.
Berlusconi et Sarkozy, solidaires jusque dans leur déclin
Auteur d’un texte sur le déclin de la gauche occidentale dans la revue Le Débat, Raffaele Simone, Professeur de linguistique à l’Université de Rome estimait, pour sa part, « que les victoires électorales de la droite sont moins liées au contenu de ses projets politiques - en vérité si proches de ceux de ses adversaires ! - qu'à sa capacité d'opposer à ces derniers un pragmatisme moderne et rassurant. Incapable de se choisir un destin politique (les droits des personnes ou le combat prolétarien), voici la gauche prête à se « déclarer en faillite » écrit l’auteur.
Une gauche ultra-light opposée au « monstre doux » d'un capitalisme hédoniste et pseudo-démocratique, dont l'expression la plus aboutie est le règne de Silvio Berlusconi. Voilà l’état des forces en présence.
Inutile de rappeler à quel point, certains ont comparé le style de notre Sarkozy national à celui de Berlusconi, du temps de leurs flamboyances respectives, allant jusqu’à évoquer un « sarko berlusconisme », avatar latin d’une droite européenne conquérante et décomplexée, dans son rapport à l’argent, aux médias, au pouvoir, au peuple etc.
Preuve que rien n’est irrémédiable, plombés par des différends au sein de la coalition gouvernementale, les mesures d'austérité et des accusations de corruption, la cote de popularité de Silvio Berlusconi est en chute libre. Sur son territoire, Sarkozy subit le même sort. Sans exagérer la gémellité des trajectoires politiques -la prophétie n'a pas pour objectif de dire le vrai-, l'avenir dira comment interpréter ces tourments respectifs. Faut-il y voir un simple coup d'arrêt momentané, une forme de désillusion – déjà ? - à l’égard d’une offre politique fondée sur la consommation ? Ou bien l’ubiquité des médias et le divertissement dont se repaissent largement des élites urbaines cosmopolites dans le barnum d’une mondialisation longtemps présumée heureuse ? Ou bien, finalement, l’expression d’un rejet populaire d'une banalisation de la violence néo-libérale ?


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