La chevauchée fantastique de Jean Charest

Difficile de ne pas voir un certain élan en faveur des libéraux qui, avec un taux de satisfaction pareil, n'ont sans doute pas terminé leur remontée.

Sondage CROP-La Presse - Mars 2008


Coup de théâtre. Le dernier sondage CROP-La Presse montre que la popularité du gouvernement Charest atteint des records, avec un taux de satisfaction de 61%. Les intentions de vote sont également en progression: avec 34%, les libéraux devancent le PQ à 30%, et l'ADQ, à 22%.

Pour bien des gens, c'est un miracle politique. Une résurrection que l'on a du mal à s'expliquer. On parlera du succès des faiseurs d'image qui entourent maintenant le premier ministre, de la faiblesse de ses adversaires politiques.
Mais on oublie l'essentiel. Le taux de satisfaction est en progression parce que le gouvernement Charest est un bon gouvernement, avec un premier ministre en contrôle, avec une bonne équipe ministérielle qui s'acquitte bien de ses mandats, qui prend de bonnes décisions dans la plupart des dossiers, qui dégage une atmosphère générale de compétence et de professionnalisme.
La question qu'il faudrait plutôt se poser, c'est comment se fait-il que cela ait pris tellement de temps pour que cette excellente performance se traduise en bons résultats électoraux, que les gens s'en aperçoivent et l'expriment dans un sondage?
Le fait que le gouvernement Charest fasse preuve de compétence n'est en effet pas un phénomène soudain. C'est le cas depuis qu'il a repris le pouvoir au printemps dernier. Ce l'était aussi avant, dans la deuxième moitié du premier mandat. Et pourtant, en septembre dernier, le taux de satisfaction n'était que de 33%, presque deux fois moins que maintenant.
Certains en arrivent donc à expliquer cette remontée par le succès des libéraux dans leurs efforts pour améliorer leur image. D'après moi, le changement ne se situe pas au plan de l'image, mais plutôt à celui du message. Les libéraux avaient du mal à contrôler une tendance à la dispersion et à bien expliquer leurs projets, ce qui fait qu'il était difficile de comprendre leur démarche.
Ce qui a changé, c'est la clarté et la cohérence du discours, le fait que les ministres, chacun dans leur dossier, vont essentiellement dans le même sens, défendent les mêmes valeurs, visent le même objectif. À cela s'ajoute le fait que le nouveau gouvernement Charest, minoritaire, est d'une infinie prudence, évite de brasser la cage, et se retrouve ainsi à oeuvrer dans le confort ouaté du statu quo consensuel.
Ce qui peut aussi contribuer à cette remontée, c'est l'image du chef. Jean Charest est un politicien mal aimé. On le sent encore dans les résultats de ce sondage. À la question «Qui ferait le meilleur premier ministre», M. Charest ne recueille que 32% des appuis, comme Mme Marois. C'est dire que sa cote personnelle est pratiquement deux fois moindre que celle du gouvernement qu'il dirige. Il y a progrès, car en septembre, M. Charest n'était qu'à 19%.
Cette impopularité du chef peut expliquer la lenteur à reconnaître les qualités du gouvernement, le temps de surmonter les impressions négatives et les préjugés à son égard. Le progrès tient sans doute au fait que M. Charest semble à son meilleur dans l'adversité, et qu'il travaille bien dans un contexte de gouvernement minoritaire. Les gens, lentement, découvrent leur premier ministre.
Certains diront qu'il profite de la faiblesse de ses adversaires. Les libéraux récupèrent sans doute des voix de l'ADQ, en chute libre, mais le PQ reste stable dans les intentions de vote. Et surtout, la satisfaction envers un gouvernement n'est pas tributaire de l'appréciation que l'on fait des partis de l'opposition.
L'autre explication, c'est que le gouvernement fait moins de gaffes. Il est vrai que le début du premier mandat a été caractérisé par plusieurs maladresses. Mais ces fameuses gaffes étaient des affaires très mineures, comme les écoles juives, amplifiées de façon déraisonnable. Le salaire supplémentaire de M. Charest, qui aurait provoqué une crise majeure il y a trois ans, ne dérange plus vraiment les gens. Que s'est-il passé?
L'effondrement de la féroce coalition antilibérale, artistes, syndicalistes, groupes de pression, encouragés par l'opposition péquiste, le temps du «libérez-nous des libéraux». Parce que la caricature qu'on faisait des libéraux était trop grosse. Parce que le PQ peut difficilement dénoncer des politiques qui seraient les siennes. Et parce qu'on ne sent plus d'acharnement médiatique à l'encontre du gouvernement libéral.
Les libéraux profitent aussi d'un jeu de vases communicants sur le front du débat national, avec un appui à la souveraineté très bas, 35%, qui se reflète dans un affaissement du Bloc québécois et dans une satisfaction élevée au Québec envers le gouvernement Harper.
Où cela va-t-il mener? Difficile de ne pas voir un certain élan en faveur des libéraux qui, avec un taux de satisfaction pareil, n'ont sans doute pas terminé leur remontée.


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