Penser autrement

Crise mondiale — crise financière


Pour combler ses retards économiques et aspirer au même niveau de vie que ses voisins, le Québec devra augmenter sa productivité. Et pour être plus productif, le Québec devra entre autres favoriser l'investissement, plus particulièrement dans les équipements de production.
C'est cet enjeu sur lequel s'est penché le Groupe de travail sur l'investissement des entreprises, présidé par l'économiste Pierre Fortin, à qui la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, avait donné le mandat d'analyser la situation, d'expliquer aux Québécois en quoi l'investissement était essentiel, et de proposer des pistes de solutions. [Le rapport, pédagogique, mérite d'être lu->www.gtie.gouv.qc.ca].
Le groupe de travail fait 21 recommandations précises pour favoriser l'investissement: éliminer la taxe sur le capital, réduire l'impôt des sociétés, ouvrir le marché américain, favoriser la concurrence, assurer la cohérence entre organismes publics, encourager l'épargne, combattre le décrochage, augmenter la diplomation universitaire, promouvoir la formation professionnelle, favoriser l'entrepreneuriat. Mais je voudrais insister sur trois d'entre elles, qui reflètent toutes trois un profond changement de culture, une autre façon de voir le développement, et qui exigent une transformation de nos façons de faire.
Le premier de ces messages, c'est le constat que fait le groupe de travail du rôle positif des multinationales, qu'elles soient québécoises ou étrangères. Les multinationales comptent pour 13% de l'emploi au Québec, mais elles contribuent à 39,3% de l'investissement en équipement de production. Une étude de Statistique Canada, citée dans le rapport, conclut que, depuis 30 ans, les deux tiers de la croissance de la productivité s'est faite par des entreprises sous contrôle étranger.
Les entreprises qui oeuvrent dans plusieurs pays sont plus performantes que celles qui restent sur notre territoire, ce qui amène les auteurs du rapport à en faire une proposition, "reconnaître la contribution remarquable des multinationales québécoises et étrangères à l'investissement au Québec". Un constat qui va à l'encontre des préjugés de la culture dominante. Et qui mène à de nouvelles attitudes, accueillir les investissements des multinationales, mais aussi encourager nos entreprises à le devenir, cesser de les pénaliser quand elles investissent à l'extérieur ou diversifient leurs activités.
Le second message, c'est une recommandation pour appuyer la philosophie d'un autre groupe de travail, sur les aides fiscales aux régions, le rapport Gagné, pour que les aides aux régions favorisent la productivité et encouragent l'investissement. Il s'agit en fait d'une remise en cause des programmes de crédit d'impôt pour les emplois créés par les entreprises qui créaient des emplois dans les régions ressources. Un programme aux importants effets pervers, d'abord parce qu'il favorisait le déplacement de l'emploi d'une région à l'autre. Mais surtout, parce qu'en permettant aux entreprises de compter sur une main-d'oeuvre à meilleur marché, parce qu'elle était subventionnée, le programme ne les encourageait pas à investir et à augmenter leur productivité. Une philosophie d'aide qui nous faisait reculer.
Une logique dépassée, heureusement abandonnée dans le dernier budget, qui avait pour objectif la création d'emplois, quand le chômage est à son plus bas, le taux d'emploi à un sommet historique. Le problème numéro un, y compris en région, n'est pas l'absence d'emplois disponibles, mais la rareté des travailleurs qualifiés. D'ailleurs, trois des 21 propositions du rapport Fortin portent sur l'apprentissage et l'éducation.
Le troisième message, c'est de mettre fin "à la discrimination anachronique exercée par la fiscalité et les programmes gouvernementaux contre le secteur des services et de traiter désormais tous les secteurs industriels sur le même pied". Ce qui, en clair, signifie qu'il faut arrêter de ne miser que sur le secteur manufacturier. Investissement Québec, par exemple, consacre 82% de ses fonds à l'industrie manufacturière quand celui-ci ne compte que pour 20% de la production intérieure.
Dans les faits, plusieurs données du rapport montrent au contraire l'importance du secteur des services commerciaux et les conséquences du fait qu'on ne le traite pas avec les égards qu'il mérite. Par exemple, 70% des emplois créés depuis 30 ans l'ont été dans les services. Mais l'investissement dans ce secteur n'a pas été suffisant. Le Canada consacre entre autres proportionnellement presque deux fois moins de ressources que les États-Unis dans les technologies de l'information et des communications.
Une logique qui semble reposer sur l'idée que le secteur manufacturier constitue "la vraie économie". C'est ce qui semble expliquer le fait que la productivité canadienne soit derrière celle des États-Unis.
Pour changer les choses, faire mieux, et pour que le Québec atteigne de meilleurs résultats, il faut apprendre à penser autrement.


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