Le Bloc québécois est-il au bord de la crise de nerfs? Est-il toujours pertinent à Ottawa? Si oui, pour faire quoi? Sinon, qu'attend-il pour se faire hara-kiri?
Vous le savez comme moi. À l'exception de la frénésie référendaire de 1995, on entend plus ou moins les mêmes questions depuis l'élection du premier député bloquiste en 1990 - un certain Gilles Duceppe...
C'est un peu l'ultime spécificité du Bloc d'être le seul parti au Canada dont on questionne l'existence dès que ses appuis fléchissent dans les sondages.
Il faut dire que le Bloc est une étrange bibitte politique, une espèce de créature hybride, carburant à moitié à la souveraineté dont il rêve et à moitié au fédéralisme au sein duquel il opère. Voilà un parti qui, au fil du temps et de la non-réalisation de son objectif, a pris racine au cœur même du parlement gouvernant le pays dont il voudrait se séparer! Pour le meilleur et pour le pire, le Bloc fait maintenant partie des "meubles" à Ottawa.
Mais depuis que le PQ a mis de côté son référendum, que l'appui à la souveraineté a chuté à un famélique 35 %, que le Bloc se retrouve nez à nez avec les conservateurs et que Gilles Duceppe semble être en mode préretraite, on entend dire que le Bloc doit maintenant se trouver une nouvelle mission. On se demande comment diable le Bloc résoudra la quadrature du cercle. Comment trouvera-t-il le moyen de défendre l'option souverainiste alors que le PQ se prépare à mettre l'accent sur la prise du pouvoir et une approche plus autonomiste visant à rapatrier certains pouvoirs d'Ottawa?
La réponse est que le Bloc a résolu cette énigme depuis plusieurs années déjà. Bon. C'est vrai que Pauline Marois est le premier chef du Parti québécois depuis 1996 à ne pas faire semblant de vouloir tenir un référendum. Mais le fait est que le Bloc fonctionnait déjà depuis belle lurette en supposant qu'aucun référendum ne se pointerait à l'horizon, ni sous Bouchard, ni sous Landry, ni sous Boisclair. Si un tel espoir perdurait dans le camp souverainiste, la direction du Bloc avait bien compris qu'elle était mieux d'apprendre à fonctionner autrement...
Ça fait donc des lunes que le Bloc a réajusté son tir et accouché d'une "nouvelle mission" sans horizon référendaire. Il l'a fait en s'intéressant à TOUS les aspects de la gouvernance du Canada dans leur dimension québécoise. Au fil du temps, ses plateformes électorales en sont même devenues aussi volumineuses et détaillées que celles du Parti libéral ou du Parti conservateur! Et parfois plus encore!
UN BLOC CANADIEN?
Certains disent que le Bloc tue ainsi sa propre option en aidant le Canada à mieux fonctionner. D'autres pensent que l'important est que les Québécois aient un choix autre que le PLC, le PC ou le NPD. Les plus philosophes concluent qu'en bout de piste, ce sont les électeurs qui, dans l'isoloir, décident de la pertinence du Bloc, et non pas nous, les chroniqueurs politiques!
Soit. N'empêche que plus le temps passe, plus le Bloc se fait gruger. À sa droite, par des conservateurs se faisant passer pour plus "ouverts" au Québec. Ironiquement, le Bloc paye le prix pour avoir obtenu ce qu'il demandait depuis des années: la reconnaissance de la "nation" québécoise, toute coquille vide qu'elle soit, et l'enterrement du déséquilibre fiscal par Stephen Harper en échange d'un plat de lentilles.
Le Bloc se fait aussi gruger à sa gauche, par un NPD porté par la victoire surprise de Thomas Mulcair dans Outremont-la-très-rouge. Le tout, sans compter l'impact à terme d'un départ possible de Gilles Duceppe après la prochaine élection.
Présenté il y a quelques années par Jacques Parizeau comme le "fer de lance" du mouvement souverainiste, le Bloc a quand même perdu les Michel Gauthier, Maka Kotto, Yvan Loubier, Richard Marceau, Caroline Saint-Hilaire et Stéphane Bergeron. Mais il a aussi attiré un homme de la trempe d'un Raymond Gravel.
PAS UN JARDIN DE ROSES
Si le Bloc n'est pas en crise existentielle, comme le titrait dramatiquement le Journal de Montréal, il ne traverse pas non plus un jardin de roses! Le Bloc a tout fait pour aider à sortir les libéraux grâce au scandale des commandites, mais il en a récolté un cadeau empoisonné nommé Harper. Deux ans plus tard, malgré des politiques pourtant impopulaires au Québec, les conservateurs sont nez à nez avec le Bloc. Pis encore, la faiblesse chronique des libéraux de Stéphane Dion au Québec empêche même le Bloc de compter sur une division du vote fédéraliste apte à le favoriser dans certains comtés serrés.
Bref, s'il est trop tôt pour acheter sa pierre tombale, le fait est que le Bloc a déjà eu meilleure santé. La question n'est donc pas de savoir si le Bloc s'ajustera à l'absence de référendum. Il le fait depuis plusieurs années et il a appris à fonctionner de manière plutôt autonome par rapport au PQ.
La vraie question existentielle pour le Bloc est plutôt de savoir combien d'électeurs continueront à le soutenir dans l'isoloir - pour reprendre l'expression consacrée - comme le parti le mieux habilité à "défendre les intérêts du Québec" à Ottawa. Réponse: à la prochaine élection fédérale...
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