Moins d'une semaine après le départ d'André Boisclair, plus personne ne doute que Pauline Marois sera la prochaine cheffe du Parti québécois. La rapidité avec laquelle les choses se sont passées est flatteuse pour l'ancienne ministre péquiste dont on semble croire qu'elle seule saura remettre ce parti sur les rails. La mission est périlleuse et demandera beaucoup de force.
Plusieurs se réjouissent au sein du PQ de l'unanimité qui se dessine autour de la candidature de Mme Marois. On y voit économie d'argent puisqu'une course au leadership viderait un compte en banque déjà à sec. Économie de temps aussi puisque, confirmée cheffe, elle pourrait se retrouver rapidement à l'Assemblée nationale. Économie d'énergie, car une course au leadership est coûteuse en rivalités et en déchirements.
Le consensus qui se fait autour de cette seule candidate, apparemment spontané, exprime avant toute chose le sentiment d'urgence et d'inquiétude qui étreint les militants depuis que leur formation a été repoussée au rang de troisième parti à l'Assemblée nationale. Il y a une sorte d'appel au secours qui lui est lancé à devenir le sauveur du parti. On lui reconnaît des talents et une force qu'on lui reniait voilà 18 mois lorsqu'il s'agissait de trouver un successeur à Bernard Landry. De voir certains admettre l'erreur commise en novembre 2005 en misant sur la jeunesse d'André Boisclair plutôt que sur la maturité et l'expérience qu'elle représentait est un acte d'humilité de leur part dont il leur reste à espérer qu'il n'arrive pas trop tard.
Les attentes à l'endroit de Pauline Marois seront, si elle est confirmée à la tête du parti, très élevées. Mille difficultés l'attendent. La situation de son parti est bien plus grave que celle qui prévalait lorsque Jacques Parizeau en prit la direction en 1987 dans des circonstances similaires. À l'époque, on pouvait toujours espérer que l'alternance finirait par jouer en faveur du PQ. Concourant avec deux autres partis de forces presque égales, rien de tel n'est assuré aujourd'hui pour ce parti. L'urgence consiste à stopper l'hémorragie avant toute chose.
En politicienne aguerrie, la candidate Marois pose ses conditions. «Si on me choisit comme chef de ce parti, c'est aussi cette orientation que l'on choisit», prévient-elle en évoquant la mise au rancart de l'échéancier référendaire. Sage précaution, car le couronnement qui se dessine la privera de la légitimité obtenue par une victoire à l'issue d'une course au leadership. Élue par acclamation, elle n'aura pas la même autorité sur un parti à qui elle propose de la suivre sur le sentier difficile de la rénovation du programme.
Moderniser le programme est une nécessité dont on discute ouvertement au sein du Parti québécois depuis les premières manifestations de fièvre adéquiste en 2002 sans jamais s'y résoudre vraiment. La «saison des idées» lancée par Bernard Landry se voulait un grand remue-méninge qui s'est conclu plutôt sur une radicalisation de l'échéancier référendaire à laquelle même Mme Marois s'était ralliée.
L'avantage dont dispose la candidate Marois est le danger de marginalisation qui guette le PQ. Elle a par ailleurs un grand degré d'écoute et connaît bien ce parti. Elle n'est pas de la génération de ses fondateurs comme Jacques Parizeau et Bernard Landry. Elle pourra passer au crible ses orientations avec plus de détachement, tout en gardant la boussole orientée vers les pôles de la souveraineté et de la social-démocratie. Au surplus, elle pourra compter sur l'appui total du chef en second du mouvement souverainiste qu'est Gilles Duceppe. Les circonstances du désistement précipité de celui-ci de cette course le lui assurent. Réussir la pédagogie du changement reste néanmoins un défi qui ne pourra être remporté que si elle réussit à conserver tout au long de ce processus la confiance que l'on est prêt à lui accorder aujourd'hui. Dans ce parti, rien n'est jamais acquis à cet égard.
bdescoteaux@ledevoir.ca
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