La bataille des garderies

Garderies à vocation religieuse



Dès le départ, les libéraux ont pris en grippe les centres de la petite enfance. Lors de leur création en 1997, Daniel Johnson a dénoncé ce «modèle unique», qui avait bien entendu le tort d'être une création du PQ, mais surtout de ne pas respecter le principe du libre choix des parents.
Comme cela avait été le cas pour la loi 101, que le PLQ avait dénoncée pour les mêmes raisons, il est cependant apparu très rapidement que la population aimait les «garderies à 5 $», dont le seul défaut était de ne pas être suffisamment nombreuses.
Pour la première fois depuis longtemps, les Québécois ont eu le sentiment de voir une grande réforme dont ils pouvaient être fiers. À l'Assemblée nationale, le premier ministre Lucien Bouchard se faisait un plaisir de brandir les nombreux articles de la presse étrangère qui louangeaient cette nouvelle merveille.
Après avoir brièvement envisagé la possibilité de démanteler le réseau, les libéraux ont dû opérer un virage spectaculaire et se lancer dans une véritable surenchère avec le PQ. En campagne électorale, un point de presse dans une garderie est devenu une figure imposée même pour Jean Charest. C'était à qui créerait le plus grand nombre de places dans le minimum de temps.
La politique étant ce qu'elle est, le PLQ a même pris la défense du tarif de 5 $, dénonçant ces coquins de péquistes qui voulaient le hausser à 8 $. En moins de quatre ans, le «modèle unique» décrié est devenu une vache sacrée. Seule l'ADQ, avec ses «bons de garde», a refusé de suivre le mouvement.
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Le succès fulgurant du réseau des garderies subventionnées en a fait un élément essentiel du nouveau modèle social québécois en cours de définition. Il était donc inévitable que les garderies se transforment en champ de bataille où s'affrontent les visions opposées de notre devenir.
Au départ, le débat était surtout d'ordre pédagogique. Pour le développement de l'enfant, était-il préférable qu'il aille à la garderie — si oui, à partir de quel âge? — ou qu'il reste à la maison jusqu'à l'entrée à l'école?
Derrière une position comme celle de l'ADQ se profilait également la défense du rôle traditionnel de la femme au foyer, par opposition aux possibilités de promotion socioéconomique qu'offrait la disponibilité de services de garde abordables. L'effet des garderies subventionnées sur la participation des femmes au marché du travail a été presque immédiat.
Plus récemment, les débats ont pris une tournure nettement plus politique. C'est le PQ qui a donné le ton lors d'un colloque l'automne dernier sur les questions de la langue et de l'immigration, quand Pauline Marois s'est dite favorable à l'extension aux CPE des dispositions de la Charte de la langue française.
Si besoin était, les dernières projections de Statistique Canada ont donné la mesure de la mutation démographique du Québec au cours des prochaines années. En 2031, un Montréalais sur trois sera issu d'une minorité visible. Un formidable défi d'intégration.
Dans ces conditions, il était prévisible que la question de la laïcité dans les garderies subventionnées finirait aussi par se poser. Elle a surgi cette semaine, quand une dépêche de la Presse canadienne a révélé que certaines d'entre elles, notamment juives et musulmanes, dispensent un enseignement religieux.
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Chacun sait que la compétence n'est pas nécessairement le premier critère qui détermine la composition du conseil des ministres. L'actuel titulaire de la Famille, Tony Tomassi, avait déjà démontré sa maladresse en décembre dernier, quand il avait dû se défendre des allégations du PQ selon lesquelles des places en garderie étaient systématiquement attribuées à des donateurs ou des organisateurs libéraux.
La volte-face de M. Tomassi, qui, en l'espace de 24 heures, est passé de la bénédiction à l'interdiction de l'enseignement religieux dans les garderies, était spectaculaire, mais le premier ministre Charest avait reculé aussi piteusement sur la question des subventions aux écoles privées juives en janvier 2005.
En réalité, le premier réflexe de M. Tomassi, qui voyait dans les garderies une simple extension de la famille, correspond parfaitement à la pensée traditionnelle du PLQ: le libre choix, qu'il s'agisse de langue ou de religion.
Le laxisme du gouvernement Charest dans l'application de la Charte de la langue française témoigne davantage d'une résignation que d'une véritable adhésion. Il faudra maintenant voir quelle sera sa détermination à interdire réellement l'enseignement religieux dans les garderies privées subventionnées. La collègue Michèle Ouimet, de La Presse, soulignait hier qu'en toute logique, il faudrait aussi l'interdire dans les écoles.
Jusqu'à présent, le gouvernement Charest s'est surtout signalé par son remarquable empressement à répondre aux désirs des contributeurs à sa caisse électorale, notamment la communauté juive.
En 2006, celle-ci avait déjà bénéficié d'un passe-droit pour bénéficier d'un bureau coordonnateur de garderies en milieu familial bien à elle, alors que ces bureaux ne devaient pas être attribués sur une base confessionnelle. Comme d'habitude, il avait fallu compter sur les médias pour découvrir le pot aux roses. Quand ses principes ne correspondent pas à ceux de la population, ce gouvernement tente généralement de les appliquer en cachette.


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