La mystérieuse entrepreneure qui a raflé un contrat de 800 millions $ avec Hydro-Québec dans le cadre de l’achat d’une usine financée entièrement par des fonds publics fait l’objet d’une enquête de l’UPAC.
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Le Journal a dévoilé en 2019 l’histoire rocambolesque de Vicky Lavoie.
Cette entrepreneure inconnue dans l’industrie forestière a réussi à acheter et vendre à profit un complexe industriel de pâtes et papiers et à mettre la main sur un généreux contrat d’électricité de 800 M$ sur 25 ans avec Hydro-Québec, grâce à l’aide de l’État.
À la suite de la diffusion du reportage, le gouvernement caquiste avait lancé une enquête interne.
Le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon se disait « très préoccupé » par la situation, car il n’avait jamais vu de projets soutenus à 100 % par Investissement Québec. « Ça n’arrivera plus », a-t-il laissé tomber.
L’UPAC à la rescousse
Or selon une source gouvernementale, cette enquête a été transférée à l’Unité permanente anticorruption au printemps en raison de « liens » qu’on ne pouvait éclaircir entre différents acteurs de la transaction. Un rapport a été rédigé, mais n’a pas été rendu public.
L’aventure a débuté en 2016. Mme Lavoie et son entreprise Nexolia mettent alors la main sur un complexe industriel de pâtes et papiers à Lebel-sur-Quévillon.
Fait troublant : la transaction est financée à 100 % par l’État, une situation irrégulière. C’est Dominique Anglade, maintenant chef du Parti libéral, qui est ministre de l’Économie et qui annonce le projet.
Moins de deux ans plus tard, Nexolia revend pourtant l’usine le double du prix, près de 32 M$, à une véritable entreprise forestière, Chantiers Chibougamau.
Elle conserve toutefois un juteux contrat de production d’énergie qui va lui rapporter 800 M$ sur 25 ans.
Il force Hydro-Québec à lui acheter de l’énergie à 12 cents le kilowattheure, même si la société d’État n’en a pas besoin.
Les contrats d’énergie biomasse proviennent d’un décret du gouvernement Charest, qui voulait en 2011 favoriser le développement économique régional.
Des millions de profit
Avec les millions de profit qu’elle empoche, Mme Lavoie achète la centrale biomasse de Chapais, une petite ville juchée entre l’Abitibi et le nord du Lac-Saint-Jean, et y déplace son contrat de production d’énergie.
Pour valider ce contrat, elle devait impérativement trouver un second usage à la chaleur produite par l’usine.
La dernière étape de cette épopée a donc été franchie lundi, lorsque Mme Lavoie a annoncé un partenariat avec Savoura.
Elle produira pour le compte de la marque 1800 tonnes de tomates par année dans des serres adjacentes à la centrale.
« Puisque la serre sera en production d’ici quelques semaines, Nexolia sera en conformité avec son Contrat d’approvisionnement en électricité », a confirmé au Journal Marc-Antoine Pouliot, le chef des affaires publiques d’Hydro-Québec.
De son côté, Mme Lavoie a référé Le Journal au communiqué de presse et a refusé la demande d’entrevue.
Millionnaire en deux ans
Juin 2016
Nexolia, propriété de Vicky Lavoie, achète le complexe industriel de pâtes et papiers de Lebel-sur-Quévillon, construit par la Domtar, pour 15,36 M$. La transaction sera finalement entièrement financée par Québec.
Août 2017
Nexolia revend les installations à Chantiers Chibougamau pour 32 M$. Elle conserve toutefois un juteux contrat en approvisionnement énergétique.
Printemps 2018
Nexolia achète la centrale biomasse de Northland Power à Chapais « au prix de la ferraille », soit 3,3 M$. La centrale n’avait plus de contrat avec Hydro-Québec et la société d’État ne voulait pas le renouveler.
Printemps 2018
Nexolia déménage son contrat d’électricité à Chapais. L’entente n’est pas signée, car elle a besoin d’un client qui utilisera la chaleur de l’usine.
Septembre 2020
Nexolia annonce un partenariat avec Savoura et produira 1800 tonnes de tomates par année. Cela lui permettra de conclure l’entente de production d’énergie avec Hydro-Québec qui lui garantira des revenus de 32 M$ par année.