Politique québécoise

L'opposition aux commandes!

Élection Québec - le 8 décembre 2008 - les souverainistes en campagne

Texte publié dans Cyberpresse du 29 octobre 2008 sous le titre "Deux partis d'opposition pourraient former une coalition et diriger le gouvernement!"
Le régime parlementaire britannique dont le Québec a hérité, combiné à un mode de scrutin uninominal à un tour, produit normalement un gouvernement majoritaire. Exceptionnellement, il donne lieu à un gouvernement minoritaire, c'est-à-dire un gouvernement formé par le parti disposant du plus grand nombre de députés à la Chambre, bien que la somme des députés de l'opposition soit plus élevée. Plus rarement encore, il peut permettre la formation d'un gouvernement de coalition, dans lequel les portefeuilles ministériels sont partagés entre deux ou plusieurs partis.
Les gouvernements de coalition sont fréquents dans les régimes parlementaires où le mode de scrutin est proportionnel. De tels gouvernements ont cependant aussi existé dans le parlementarisme de type britannique. Au Royaume-Uni, ils ont existé pendant les deux guerres mondiales. Le gouvernement formé par Winston Churchill en 1940 était un gouvernement de coalition. M. Churchill était un premier ministre conservateur, qui a nommé des ministres issus de l'opposition officielle travailliste.
Pas d'empêchement juridique
Au Canada, il existe également de tels précédents. Les gouvernements de coalition étaient la norme sous le régime de l'Union dans la période du Canada-Uni, de 1840 à 1867. Le plus connu a été le gouvernement MacDonald-Cartier qui a négocié la Confédération canadienne. Ces gouvernements ont réussi à faire adopter plusieurs lois majeures. L'un d'eux (le gouvernement Lafontaine-Baldwin, en 1848) a obtenu la responsabilité ministérielle, c'est-à-dire l'autonomie politique fondée sur le principe démocratique, des autorités britanniques. Ces gouvernements ont également été dirigés par des co-premiers ministres, ce qui est un cas peut-être unique, qui illustre toutefois la flexibilité du parlementarisme britannique.
Il y a aussi eu un gouvernement de coalition à Ottawa pendant la Première Guerre mondiale, dirigé par Robert Borden, et dans les années 20, dirigé par Arthur Meighen, tous deux des conservateurs. Il n'existe donc aucun empêchement de nature juridique ou constitutionnelle à la formation d'un gouvernement de coalition au Québec.
Sans élections
Par ailleurs, il n'existe non plus aucun empêchement à la formation d'un gouvernement de coalition en cours de mandat, sans recourir à des élections générales. Le gouvernement conservateur de Churchill en 1940 et celui de Borden en 1914 ont été formés sans déclencher des élections. La même chose pourrait légalement se produire au Québec.
Enfin, un gouvernement peut être formé par l'opposition officielle avec l'appui du deuxième parti d'opposition. Nous disposons à cet égard d'un précédent plus récent et plus près de nous, dans une province canadienne voisine. En 1985, en Ontario, après quarante ans au pouvoir, les conservateurs avaient réussi à faire élire une pluralité de députés, c'est-à-dire un nombre plus élevé que le nombre des députés de chacun des autres partis, mais moins élevé que la somme des députés des autres partis. Ils s'apprêtaient à former un gouvernement minoritaire.
Mais l'opposition officielle libérale a aussitôt conclu un accord avec le NPD, alors le deuxième parti d'opposition, par lequel ce dernier s'engageait à soutenir un gouvernement formé par les libéraux. Ces derniers ont pu former le gouvernement, malgré le fait qu'ils disposaient d'un nombre moins élevé de députés que les conservateurs. Ce gouvernement a duré environ 18 mois. Il ne s'agissait pas d'un gouvernement de coalition, puisque les ministres étaient tous libéraux, mais ce précédent démontre que, dans le régime parlementaire de type britannique, le parti disposant du plus grand nombre de députés n'est pas toujours celui qui forme le gouvernement.
Gouvernement de coalition
Un gouvernement de coalition peut être majoritaire ou minoritaire. Dans une configuration à trois partis, comme celle à l'Assemblée nationale actuellement, un gouvernement de coalition serait nécessairement majoritaire. Dans une configuration à quatre ou cinq partis, comme c'est le cas à la Chambre des communes canadienne, un gouvernement de coalition pourrait être minoritaire.
Un gouvernement de coalition pourrait être formé à Ottawa, par exemple, en partageant les ministères entre les députés du Parti libéral et ceux du NPD. Ce gouvernement de coalition serait minoritaire, puisqu'il serait formé par des partis réunissant actuellement moins de députés que la somme des députés des autres partis. S'il bénéficiait du soutien externe du Bloc québécois, sans que ce dernier entre au gouvernement, il pourrait néanmoins gouverner pendant quelques mois ou quelques années.
Tous ces précédents et ces exemples illustrent la grande diversité des situations compatibles avec notre système parlementaire. Les précédents ne sont d'ailleurs pas exhaustifs. Des situations inédites peuvent encore se présenter.
Motion conjointe
Ainsi, si l'on combinait les précédents mentionnés, au Québec, l'opposition officielle et le deuxième parti d'opposition pourraient former un gouvernement de coalition en cours de mandat, sans que des élections générales soient déclenchées.
Le moyen d'y arriver serait le dépôt d'une motion conjointe de l'opposition officielle et du deuxième parti d'opposition qui retirerait la confiance de l'Assemblée nationale envers le gouvernement actuel du Québec, et demanderait à l'opposition officielle et au deuxième parti d'opposition de former un nouveau gouvernement.
Si une telle motion était adoptée, le réflexe du premier ministre actuel pourrait être de demander au lieutenant-gouverneur de dissoudre l'Assemblée nationale et de déclencher des élections. Normalement, le lieutenant-gouverneur devrait se plier à une telle demande. Cependant, dans notre régime parlementaire, le gouvernement est issu de la volonté de l'Assemblée nationale. La fonction fondamentale du lieutenant-gouverneur est de constater l'existence ou l'inexistence d'un gouvernement en fonction de cette volonté.
Légitimité politique
Si aucune autre possibilité ne se présente, il doit accepter la demande du premier ministre. En Ontario en 1985, une solution s'est présentée, que le lieutenant-gouverneur a acceptée. Si la motion parlementaire que nous avons décrite était adoptée, nous croyons que le lieutenant-gouverneur du Québec devrait donner l'occasion aux deux partis d'opposition de former un gouvernement de coalition sans que des élections soient déclenchées, même si le premier ministre actuel lui en faisait la demande.
Par ailleurs, un gouvernement de coalition formé par les deux partis d'opposition n'aurait pas nécessairement à être dirigé par le chef de l'opposition officielle. Il n'existe aucune obligation juridique ou constitutionnelle en ce sens. Il pourrait y avoir un premier ministre associé, ou même deux co-premiers ministres, comme nous l'avons vu.
Dans le contexte actuel, l'élection d'un député du deuxième parti d'opposition à la présidence de l'Assemblée nationale est un fait parlementaire sans précédent, qui peut créer une nouvelle dynamique politique. Si un parlement n'est plus fonctionnel et que le peuple ne veut pas d'élections, il existe d'autres scénarios démocratiques et constitutionnels. Ils pourraient conduire à la formation d'un gouvernement Dumont-Marois à Québec, et même à un gouvernement Dion-Layton à Ottawa si le Bloc québécois y consentait. Le principal facteur à considérer ne serait pas d'ordre juridique, mais simplement la légitimité politique.
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André Joli-Coeur, Avocat, Me Joli-Coeur fut l'amicus curiae dans le Renvoi à la Cour suprême sur la légalité de la sécession unilatérale du Québec
André Binette, Avocat
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Deux partis d'opposition pourraient former une coalition et diriger le gouvernement!
Cyberpresse 29 octobre 2008

Me André Binette et Me André Joli-Coeur*
Le régime parlementaire britannique, dont le Québec a hérité, combiné à un mode de scrutin uninominal à un tour, produit normalement un gouvernement majoritaire. Exceptionnellement, il donne lieu à un gouvernement minoritaire, c'est-à-dire un gouvernement formé par le parti disposant du plus grand nombre de députés à la Chambre, bien que la somme des députés de l'opposition soit plus élevée. Plus rarement encore, il peut permettre la formation d'un gouvernement de coalition, dans lequel les portefeuilles ministériels sont partagés entre deux ou plusieurs partis.
Les gouvernements de coalition sont fréquents dans les régimes parlementaires, où le mode de scrutin est proportionnel. De tels gouvernements ont cependant aussi existé dans le parlementarisme de type britannique. Au Royaume-Uni, ils ont existé pendant les deux guerres mondiales. Le gouvernement formé par Winston Churchill en 1940 était un gouvernement de coalition. M. Churchill était un premier ministre conservateur, qui a nommé des ministres issus de l'Opposition officielle travailliste.
Des précédents
Au Canada, il existe également de tels précédents. Les gouvernements de coalition étaient la norme sous le régime de l'Union dans la période du Canada-Uni, de 1840 à 1867. Le plus connu a été le gouvernement MacDonald-Cartier qui a négocié la Confédération canadienne. Ces gouvernements ont réussi à faire adopter plusieurs lois majeures. L'un d'eux (le gouvernement Lafontaine-Baldwin, en 1848) a obtenu la responsabilité ministérielle, c'est-à-dire l'autonomie politique fondé sur le principe démocratique, des autorités britanniques. Ces gouvernements ont également été dirigés par des co-premiers ministres, ce qui est un cas peut-être unique, qui illustre toutefois la flexibilité du parlementarisme britannique.
Il y a aussi eu un gouvernement de coalition à Ottawa pendant la Première Guerre mondiale, dirigé par Robert Borden, et dans les années 1920, dirigé par Arthur Meighen, tous deux des conservateurs.
Pas d'empêchement constitutionnel
Il n'existe donc aucun empêchement de nature juridique ou constitutionnelle à la formation d'un gouvernement de coalition au Québec.
Par ailleurs, il n'existe non plus aucun empêchement à la formation d'un gouvernement de coalition en cours de mandat, sans recourir à des élections générales. Le gouvernement conservateur de Churchill en 1940 et celui de Borden en 1914 ont été formés sans déclencher des élections. La même chose pourrait légalement se produire au Québec.
Enfin, un gouvernement peut être formé par l'opposition officielle avec l'appui du deuxième parti d'opposition. Nous disposons à cet égard d'un précédent plus récent et plus près de nous, dans une province canadienne voisine.
En 1985, en Ontario, après quarante ans au pouvoir, les conservateurs avaient réussi à faire élire une pluralité de députés, c'est-à-dire un nombre plus élevé que le nombre des députés de chacun des autres partis, mais moins élevé que la somme des députés des autres partis. Ils s'apprêtaient à former un gouvernement minoritaire. Mais l'opposition officielle libérale a aussitôt conclu un accord avec le NPD, alors le deuxième parti d'opposition, par lequel ce dernier s'engageait à soutenir un gouvernement formé par les libéraux.
Ces derniers ont pu former le gouvernement, malgré le fait qu'ils disposaient d'un nombre moins élevé de députés que les conservateurs. Ce gouvernement a duré environ 18 mois. Il ne s'agissait pas d'un gouvernement de coalition, puisque les ministres étaient tous libéraux, mais ce précédent démontre que, dans le régime parlementaire de type britannique, le parti disposant du plus grand nombre de députés n'est pas toujours celui qui forme le gouvernement.
Un gouvernement de coalition peut être majoritaire ou minoritaire. Dans une configuration à trois partis, comme celle à l'Assemblée nationale actuellement, un gouvernement de coalition serait nécessairement majoritaire. Dans une configuration à quatre ou cinq partis, comme c'est le cas à la Chambre des communes canadienne, un gouvernement de coalition pourrait être minoritaire. Un gouvernement de coalition pourrait être formé à Ottawa, par exemple, en partageant les ministères entre les députés du Parti libéral et ceux du NPD.
Ce gouvernement de coalition serait minoritaire, puisqu'il serait formé par des partis réunissant actuellement moins de députés que la somme des députés des autres partis. S'il bénéficiait du soutien externe du Bloc québécois, sans que ce dernier n'entre au gouvernement, il pourrait néanmoins gouverner pendant quelques mois ou quelques années.
Sans que des élections ne soient déclenchées...
Tous ces précédents et ces exemples illustrent la grande diversité des situations compatibles avec notre système parlementaire. Les précédents ne sont d'ailleurs pas exhaustifs. Des situations inédites peuvent encore se présenter.
Ainsi, si l'on combinait les précédents mentionnés, au Québec l'opposition officielle et le deuxième parti d'opposition pourraient former un gouvernement de coalition en cours de mandat, sans que des élections générales ne soient déclenchées.
Le moyen d'y arriver serait le dépôt d'une motion conjointe de l'opposition officielle et du deuxième parti d'opposition qui :
- retirerait la confiance de l'Assemblée nationale envers le gouvernement actuel du Québec;
- ET demanderait à l'opposition officielle et au deuxième parti d'opposition de former un nouveau gouvernement.
Si une telle motion était adoptée, le réflexe du premier ministre actuel pourrait être de demander au lieutenant-gouverneur de dissoudre l'Assemblée nationale et de déclencher des élections. Normalement, le lieutenant-gouverneur devrait se plier à une telle demande. Cependant, dans notre régime parlementaire, le gouvernement est issu de la volonté de l'Assemblée nationale. La fonction fondamentale du lieutenant-gouverneur est de constater l'existence ou l'inexistence d'un gouvernement en fonction de cette volonté.
Deux co-premiers ministres?
Si aucune alternative ne se présente, il doit accepter la demande du premier ministre. En Ontario en 1985, une alternative s'est présentée, que le lieutenant-gouverneur a acceptée. Si la motion parlementaire que nous avons décrite était adoptée, nous croyons que le lieutenant-gouverneur du Québec devrait donner l'occasion aux deux partis d'opposition de former un gouvernement de coalition sans que des élections ne soient déclenchées, même si le premier ministre actuel lui en faisait la demande.
Par ailleurs, un gouvernement de coalition formé par les deux partis d'opposition n'aurait pas nécessairement à être dirigé par le chef de l'opposition officielle. Il n'existe aucune obligation juridique ou constitutionnelle en ce sens. Il pourrait y avoir un premier ministre associé, ou même deux co-premiers ministres, comme nous l'avons vu.
Dans le contexte actuel, l'élection d'un député du deuxième parti d'opposition à la présidence de l'Assemblée nationale est un fait parlementaire sans précédent, qui peut créer une nouvelle dynamique politique. Si un parlement n'est plus fonctionnel et que le peuple ne veut pas d'élections, il existe d'autres scénarios démocratiques et constitutionnels. Ils pourraient conduire à la formation d'un gouvernement Dumont-Marois à Québec, et même à un gouvernement Dion-Layton à Ottawa si le Bloc québécois y consentait. Le principal facteur à considérer ne serait pas d'ordre juridique, mais simplement la légitimité politique.
*Me Joli-Coeur fut l'amicus curiae dans le Renvoi à la Cour suprême sur la légalité de la sécession unilatérale du Québec
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