Peut-on reconstruire le mouvement souverainiste ? Pour l’heure, l’indépendance du Québec m’apparaît une utopie, un projet irréalisable.
En août 2018, 27 % des Québécois de toutes origines se déclaraient favorables à la souveraineté du Québec (Léger Marketing/Huffington Post), 46 % étaient contre et 26 %, indécis ou discrets. Il faudrait donc convaincre ou convertir 24 % d’indécis ou d’opposants pour atteindre une majorité de oui. Ces conversions se feraient pour l’essentiel parmi la majorité francophone. Or, celle-ci est partagée entre son identité québécoise et canadienne.
En fait, l’ambivalence des Québécois demeure forte. Selon un sondage Léger Marketing/Association des études canadiennes de novembre 2018, 81 % d’entre eux sont « attachés » au Canada. Chez les francophones, 27 % se déclarent « très » attachés au Canada et 43 %, « plutôt » attachés, pour un total de 70 %.
Dès lors, qu’est-ce qui peut faire renverser en faveur de l’indépendance la tendance lourde actuelle pour le fédéralisme ?
Le coeur de l’identité québécoise, c’est la langue française. Les menaces nombreuses qui ont pesé sur elle ont mobilisé les Québécois en faveur de l’indépendance. La crise de Saint-Léonard en 1968 a été un déclencheur majeur. La réduction des pouvoirs du Québec en matière de langue d’enseignement par la Charte canadienne de 1982 a marqué un sommet. Néanmoins, l’adoption de la Loi sur les langues officielles (1969) et la Charte de la langue française (1977) ont malgré tout sécurisé les Québécois. Cela a souvent été dit.
L’autre facteur est le refus de reconnaître les Québécois comme nation. L’imposition du multiculturalisme dans la Constitution de 1982, auquel Justin Trudeau adhère comme à son catéchisme « postnational », participe à ce facteur. Le rejet de l’accord du lac Meech a marqué un autre sommet. La Loi sur la clarté référendaire de 2000, indirectement, en fut un autre, mais insuffisant, comme l’a noté Lucien Bouchard. D’autant que la jeune génération n’a pas connu ces attaques.
Surtout, les empiétements sectoriels d’Ottawa sur les champs de compétences du Québec (l’enseignement supérieur) ou ses refus d’accéder à ses demandes ponctuelles (immigration, impôt, immigration, etc.) choquent les Québécois politisés, mais ils laissent la population en général indifférente.
Pour tout dire, le fédéralisme ne fait pas mal au quotidien. En rentrant chez eux en fin de journée, peu de gens se sentent colonisés, opprimés, ou appellent à leur libération. « On n’est pas dans un goulag », a déclaré un jour René Lévesque ! « Le confort et l’indifférence » l’emportent encore. Et c’est sans compter la peur de l’inconnu ou « de la liberté » qu’a si bien décrite Jean-Martin Aussant dans La fin des exils.
Que faire alors ? L’utopie, dira-t-on, demeure une force de changement. Elle nourrit l’espoir. Le PQ peut encore y tirer sa raison d’être. Mais d’ici sa reconstruction, il m’apparaît plus sage de miser sur les forces nationalistes, car elles transcendent le PQ et son projet. On retrouve celles-ci chez ces 80 % de francophones qui s’identifient au Québec, même si plusieurs croient aussi au Canada. Il y a là des énergies qui peuvent être mobilisées dans le cadre fédéral actuel. Et elles peuvent l’être en conjuguant les ressources de la CAQ, le PQ, QS ainsi que le Bloc, où logent les nationalistes. À court terme, l’élection fédérale d’octobre prochain leur fournit justement l’occasion de conjuguer leurs forces.