L’indépendance des milléniaux

Connaissez-vous vraiment les milléniaux?

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Le commencement de la fin





Voici la sixième chronique écrite à quatre mains, sous forme d’une discussion entre un baby-boomer (le sondeur Jean-Marc Léger, âgé de 56 ans) et son fils, un millénial (l’étudiant en journalisme Philippe Léger, âgé de 22 ans)




La langue française, la culture québécoise et même la façon de vivre des Québécois sont en danger. La nouvelle génération des milléniaux s’intéresse moins aux enjeux identitaires et plus aux enjeux économiques. Ils s’américanisent à grande vitesse, pour le meilleur et pour le pire.


JML: Dans mon livre Le Code Québec, j’ai découvert qu’un tiers des Québécois se sentaient plus proche des valeurs françaises, un tiers des valeurs anglaises et un tiers des valeurs américaines. C’est ce qui faisait l’équilibre de notre nation. Mais tout cela change et rapidement.


PL: Un millénial sur deux s’identifie d’abord à la culture américaine, 28 % à la culture canadienne-anglaise­­­ et seulement 16 % à la culture française. Le bull­dozer culturel américain nous frappe de plein fouet.


JML: C’est une pente très dangereuse. Si la tendance se maintient, la nation française d’Amérique va s’éteindre doucement dans le confort et l’indifférence.


PL: Attendez ! Votre génération a toujours été alarmiste. Vous avez toujours eu peur de l’anglicisation, de l’américanisation, de la mondialisation et même de la prétendue islamisation.


JML: La culture et la langue française constituent le ciment de notre nation. Sinon, on devient un peuple comme les autres qui va se fondre dans les 300 millions d’anglophones autour de nous. Pour qu’une culture soit vécue, elle doit être voulue. La voulez-vous ?


PL: Personnellement, je considère que la culture québécoise est vivante, vibrante et rayonnante dans le monde. Je concède, par contre, que beaucoup de jeunes la trouvent poussiéreuse et folklorique. C’est la conséquence directe de la mondialisation, où les cultures nationales s’effritent.


JML: Exactement. Dans un vaste sondage, nous avons constaté qu’il y a de moins en moins de différence entre les Québécois et les Canadiens. 71 % de nos valeurs, attitudes et comportements sont identiques et seulement 29 % sont différents. Et ce taux chute à seulement 21 % chez les jeunes. Dans l’indifférence, on perd notre différence.


PL: Ce sont surtout nos combats qui sont différents. La langue, la charte des valeurs, le voile islamique dans l’espace public, bref tout ce qui touche l’identité nous intéresse moins. On ne veut pas revivre vos débats sur l’identité et encore moins sur la Constitution. Vous nous léguez­­­ tant de problèmes que vous n’avez pas résolus !


JML: Notre génération a perdu bien des combats, mais pas celui de la langue française. La loi 101 a été notre grande victoire collective et elle nous permet de vivre et de travailler en français aujourd’hui. Mais depuis, elle a été charcutée. C’est inquiétant de constater que seulement un tiers des jeunes voudraient la renforcer.


PL: Et moins de 35 % des jeunes sont souverainistes.


JML: Les jeunes ne sont pas devenus fédéralistes pour autant. Ils sont indifférents.


PL: On ne s’intéresse pas à la politique, car la politique ne s’intéresse pas à nous. Si nous n’avons pas trouvé notre place dans le Canada, nous la trouvons de plus en plus dans le monde.


JML: Vous regardez des films, écoutez de la musique et des vidéos américains, vous achetez des produits américains sur des sites américains. Votre monde se limite-t-il aux États-Unis ?


PL: Je ne l’espère pas. Il y a un problème quand les jeunes ont davantage les yeux rivés sur Hollywood et la famille Kardashian que sur Montréal et Louis-Jean Cormier. Nos intérêts culturels changent et ce n’est pas toujours pour le mieux.


JML:Quand tu lis le livre des 36 cordes sensibles écrit par Jacques Bouchard dans les années 1970 et que tu le compares au Code Québec, tu constates l’évolution profonde du Québec.


PL: Seulement la moitié des 36 cordes des années 1970 existent encore aujourd’hui. Fini, par exemple le complexe d’infériorité, le goût bizarre, la simplicité d’esprit­­­, la vantardise ou le manque de sens pratique.


JML: À l’inverse, la joie de vivre, le gros bon sens, la victimisation, l’esprit de clocher, la créativité et l’entrepreneuriat sont plus présents aujourd’hui.


PL: C’est justement l’esprit entrepreneurial qui motive les jeunes d’aujourd’hui. Il y a 10 ans, 7 % des Québécois voulaient se lancer en affaires, alors que c’est 21 % aujour­d’hui. Cela grimpe même à 42 % chez les plus jeunes.


JML:Le plus triste, c’est la perte de repères culturels des jeunes, mais le plus excitant c’est votre volonté d’entreprendre et de réussir.


PL: On recherche plus notre liberté économique que notre liberté culturelle. Plus on gagnera d’argent et plus on sera libre. La culture c’est important, mais ça ne paye pas l’épicerie.


JML: Mais la liberté économique est individuelle alors que la liberté politique est collective.


PL: On fait les batailles qu’on peut gagner. Si l’indépendance politique était le grand sujet de votre génération, c’est l’indépendance économique qui est celui de ma génération.


 


Le son d'âge


Sondage sur 500 attitudes et comporte­ments québécois dans le livre Code Québec.


M (Milléniaux), BB (Baby-boomers)




















  Ensemble du Québec- M
Pareil au reste du Canada 71 %- 9 %
Différent du reste du Canada 29 %- 21 %

 


Vous sentez-vous plus proche de la culture française de France, canadienne-anglaise ou américaine ?






























  M- BB
Française 16 %- 45 %
Anglaise 28 %- 22 %
Américaine 46 %- 25 %
Ne sait pas 10 %- 8 %

 


Croyez-vous que la Charte de la langue française (loi 101) doit, 40 ans après son adoption, être... ?






























  M- BB
Renforcée 38 %- 56 %
Assouplie 33 %- 20 %
Laissée telle quelle 21 % -20 %
Ne sait pas 8 %- 4 %

 




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