L’enjeu de Richelieu

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Parler pour ne rien dire. On croirait lire une chronique de sports

À en juger par l’ampleur de la démonstration d’appui à son candidat, le PQ accorde manifestement une grande importance à la prochaine élection complémentaire dans Richelieu, dont le siège est vacant depuis la démission d’Élaine Zakaïb. Après la dégelée qu’il a subie le 4 avril dernier et le résultat tout aussi désastreux de la partielle d’octobre dans Lévis, il est facile d’imaginer que la perte de ce qui est considéré comme un château fort serait un dur coup pour le moral.

On a beau dire qu’une élection est le meilleur des sondages, les conclusions qu’il est possible de tirer d’une partielle à plus de deux ans et demi d’une générale sont presque aussi hasardeuses que les prédictions faites à partir des feuilles de thé. Même quand elle précède de peu l’élection générale, ses résultats peuvent être trompeurs. En décembre 2011, le PQ avait réussi à arracher aux libéraux leur forteresse de Bonaventure, mais il l’a perdue à l’élection générale du 4 septembre 2012, qu’il avait pourtant remportée.

Qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, aussi bien le PQ que le PLQ ont perdu des partielles dans des circonscriptions réputées très sûres et les ont récupérées à la première occasion. Après sa victoire-surprise dans Mercier en avril 2001, la libérale Nathalie Rochefort a été exclue de la vague qui a porté Jean Charest au printemps 2003. Le PQ n’a pas davantage été en mesure de conserver Laurier-Dorion après la victoire tout aussi étonnante d’Elsie Lefebvre en septembre 2004.

Tant le PQ que la CAQ misent sur Richelieu pour envoyer « un message fort » au gouvernement Couillard, qui pourra mesurer les effets d’une année d’austérité, mais les libéraux y avaient été relégués au troisième rang dès 2012. Leur dernière victoire dans cette circonscription remonte à 25 ans. L’élection sera plus riche d’enseignement pour les deux partis qui cherchent à devenir la solution de remplacement au PLQ en 2018.

Le candidat péquiste, Sylvain Rochon, un ancien attaché politique d’Élaine Zakaïb à l’époque où elle était ministre déléguée à la Politique industrielle dans le gouvernement de Pauline Marois, a eu le bon sens de ne pas se prononcer dans la course au leadership. L’élection dans Richelieu, qui devra être déclenchée d’ici le 29 mars, aura vraisemblablement lieu avant le choix du prochain chef et M. Rochon a intérêt à ce que tous les candidats à la succession viennent faire campagne à ses côtés.

Ils iront à tour de rôle faire le procès du gouvernement Couillard, mais une course au leadership n’est peut-être pas le contexte idéal. Dans d’autres circonstances, on aurait sans doute mis une sourdine sur la souveraineté, mais comment les aspirants à la chefferie pourraient-ils convaincre les militants péquistes que c’est leur plus grande priorité s’ils en parlent le moins possible ?

Le candidat de la CAQ, Jean-Bernard Émond, n’a pas la même notoriété que François Paradis, qui lui a permis de conserver Lévis après le départ regrettable de Christian Dubé pour la Caisse de dépôt, mais son profil d’entrepreneur correspond bien au message que veut transmettre François Legault.

Après avoir été accusé de tourner le dos aux régions, notamment à la Gaspésie, M. Legault a décidé de rectifier le tir et leur propose maintenant ce qu’il a qualifié de new deal pour favoriser leur développement économique, qu’il reproche à son tour au gouvernement Couillard de torpiller, notamment en abolissant les centres locaux de développement (CLD).

Quand il a présenté son candidat aux médias, le chef de la CAQ a toutefois pu constater que son passé péquiste n’avait pas fini de le hanter. Même si cette éventualité paraît bien lointaine, on lui a demandé pour la énième fois s’il voterait oui ou non à un référendum sur la souveraineté. Et il a de nouveau refusé de répondre. Il faut croire qu’il est possible de s’occuper du pays réel tout en continuant à rêver au pays imaginaire. Il est vrai que Richelieu est une circonscription où le projet souverainiste a traditionnellement bénéficié d’un solide appui.

Même si le report de la présentation du budget fédéral en raison de la chute des prix du pétrole devait forcer Québec à retarder le sien, ce dernier sera vraisemblablement présenté avant l’élection dans Richelieu. On pourra alors voir jusqu’à quel point la population lui sera reconnaissante du retour à l’équilibre budgétaire.

Il y a cependant fort à parier que les libéraux s’en remettront à la stratégie qui leur a si bien servi au printemps dernier et qu’ils opposeront leur préoccupation pour les « vraies affaires » à l’obsession séparatiste du PQ, d’ailleurs parfaitement assumée par PKP, et à l’ambiguïté de François Legault. Les résultats du récent sondage SOM, selon lequel une nette majorité de Québécois demeurent favorables à une charte de la laïcité, laissent cependant penser que l’opposition catégorique du premier ministre pourrait devenir embarrassante pour son futur candidat.


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