Après maintes hésitations, il a tranché : ce sera "République solidaire". Dominique de Villepin a lancé en grandes pompes, samedi 19 juin, dans le décor post industriel de la Halle Freyssinet, dans le 13e arrondissement de Paris, son nouveau parti politique, à partir des 15 000 adhérents revendiqués du Club Villepin.
Entre 5 000 et 6 000 supporteurs selon les organisateurs, et de nombreux journalistes Français et étrangers ont fait le déplacement pour assister au "show" de l'ancien premier ministre de Jacques Chirac. Curieux de savoir à quel point le flamboyant franc-tireur de la droite allait jouer la rupture avec Nicolas Sarkozy.
Les va-t-en guerre n'ont pas été déçus. La réconciliation avec le chef de l'Etat, son meilleur ennemi du procès Clearstream - où M. de Villepin a été relaxé, en attendant le procès en appel, probablement au printemps - ne paraît pas être pour demain. Dans un discours fleuve en appelant à l'histoire, aux accents d'appel à la résistance, M. de Villepin, "déterminé", s'est posé comme le garant de la tradition républicaine française, qui serait en grand danger. Il a dénoncé, avec une verve destructrice, la politique menée par le chef de l'Etat.
Un discours de résistance. "Que tous ceux qui, dans notre pays, pourraient se laisser gagner par le fatalisme, par le cynisme ou l'indifférence, puissent en nous regardant ici, cet après-midi, se convaincre que quelque chose se lève à nouveau en France, quelque chose qui ne cessera, au fil des mois de grandir", a affirmé M. de Villepin en préambule, après avoir convié rien moins que la mémoire de la révolution de 1789, la bataille pour l'école gratuite et l'affaire Dreyfus. Et juste avant de rappeler, au lendemain des commémorations du 18 juin 1940 : "N'oublions pas qu'il y a soixante-dix ans, des hommes, des femmes, répondaient à l'appel d'un général inconnu pour tout abandonner, leur foyer, leur terre, pour reconquérir l'essentiel".
Un appel aux "orphelins" de la République. L'ancien premier ministre part d'un constat aux accents alarmistes. "L'humiliation des ouvriers", "l'angoisse des mères", "le désespoir des agriculteurs", "la colère de ceux qui vont devoir payer pour une crise dont les responsables s'en tirent toujours à bon compte", des "Français exaspérés", "la crise qui a ruiné les Etats", "les salaires qui se creusent", "un monde de déséquilibre" ou les "puissances émergentes accumulent le capital et nous le dilapidons", la France qui devient une "puissance secondaire"... : il "a vu" tout cela, affirme-t-il, en sillonnant la France, où les "orphelins" de la République seraient de plus en plus nombreux.
Un réquisitoire au vitriol de la politique de Nicolas Sarkozy. Au moment d'évoquer la politique menée par le chef de l'Etat, M. de Villepin, avocat dans le civil, choisit l'habit du procureur. "Nous sommes confrontés à un déni de réalité, avec un décalage toujours plus grand entre le discours et les actes", assure-t-il. "Nos dirigeants disent : la récession, quelle récession ? Je m'inquiète quand je vois un gouvernement qui semble nier l'évidence. (…) La rigueur ? Quelle rigueur ? Je m'inquiète quand je vois un gouvernement qui refuse les mots qui fâchent et qui tient sur la ligne Maginot des promesses de 2007. (…) Le chômage ? Cela ira mieux, nous dit-on. C'est facile quand on a pour toute politique de mettre un cierge à une croissance miraculeuse… Il y a là un abandon, une défaite politique." Et de dénoncer les "petits jeux tactiques de l'ouverture", "les dérives du débat sur l'identité nationale", la "peur de l'autre, de l'étranger, de l'islam", une "fuite en avant sécuritaire, que le Karcher tienne lieu de politique".
L'ancien premier ministre n'est pas plus tendre en matière de politique étrangère. Rappelant, ovationné, qu'il fut l'homme du discours contre la guerre en Irak en 2003, l'élément de son bilan le moins contesté, M. de Villepin assure qu'il n'admet pas "que la France se courbe devant quelque président que ce soit, fût-ce le président de la Chine", que "la France, avec les autres Etats européens, suspende sa politique au verdict de la Bourse", "que la France laisse mourir ses soldats en Afghanistan". "Où est notre politique africaine au delà des élucubrations sur l'homme africain qui ne serait pas entré dans l'histoire ?", demande-t-il.
Une ébauche de programme. Son nouveau mouvement se veut "une force de proposition et d'action (…) au dessus des partis". Au chapitre des propositions, M. de Villepin explore plusieurs pistes, qui sonnent là encore comme des critiques de la politique de M. Sarkozy, coupable selon lui d'avoir dévoyé les institutions. Pour la justice, il souhaite la rupture du lien entre le parquet et le pouvoir politique. Pour la liberté de la presse, il souhaite une interdiction "aux groupes dépendant étroitement de la commande ou de la régulation publique de posséder directement ou indirectement des médias".
Pour lutter contre les déficits, il assure que "les plus riches devront faire un effort particulier" et propose la création d'une tranche marginale d'imposition sur le revenu en contrepartie de la suppression de l'ISF. Pour relancer la croissance, il souhaite la suppression de la loi sur les 35 heures et la baisse du coût du travail, en "transférant massivement les charges sociales des cotisations vers d'autres sources de financement" (prélèvements directs sur les revenus, taxation spéciale sur des revenus du capital). Enfin, concernant les retraites, M. de Villepin est favorable à l'augmentation de la durée de la cotisation, mais pas à la hausse de l'âge légal du départ.
Pierre Jaxel-Truer
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