L'ADQ n'est plus

ADQ - les dérives

Le 18 octobre 2009 aura sonné pour moi, la fin de l'ADQ. Tout compte fait, un regard lucide sur l'état des lieux nous fait constater qu'en quinze années d'existence, le chef, les présidents et les directeurs généraux du parti n'ont tout simplement pas livré la marchandise: une organisation forte, capable de faire connaître la plateforme adéquiste, et une machine à faire gagner des élections.
Aux lendemains de sa première course à la chefferie, l'ADQ ne compte qu'un peu plus de 13 000 membres et une poignée d'associations de comtés dignes de ce nom. De même, à peine 30% des membres soi-disant «actifs» ont pris la peine de voter pour celui qui sera le troisième chef de l'histoire de leur parti. Faute de militants, le clan Taillon a dû confier le rappel du vote à une firme privée alors que du côté d'Éric Caire, l'inexistence d'une force militante ne permettait même pas la tenue d'un rassemblement de plus d'une douzaine de personnes dans la région de Lanaudière. Malgré toute la bonne volonté et l'exubérance du candidat Lévesque, son chic autobus de campagne n'aura récolté que 710 votes. En bout de ligne, le nouveau chef de l'ADQ aura été élu avec l'équivalent d'une population de polyvalente, soit en deça de 2000 votes!
En rupture avec le dogme
Cela dit, si le parti de Mario Dumont sous-estimait l'importance de l'organisation, il aura au moins livré aux Québécois des constats clairs et des solutions qui sortent du dogme usuel d'une social-démocratie étouffante et contre-productive. Comme en témoignent les véritables partisans de la lucidité et du changement, de profonds problèmes structurels minent la liberté individuelle et économique du Québec et les solutions pour y remédier ne peuvent plus être d'ordre cosmétique. Le «modèle québécois», la cogestion de l'État avec les syndicats, la dépendance du monde des affaires et des individus envers l'État étouffent l'initiative et briment l'entrepreneurship québécois.
Aussi, si l'ADQ avec Mario Dumont pouvait au moins nommer les problèmes, «brasser la cage», faire éclater les mythes et remettre en cause le modèle québécois, il n'en sera rien avec Gilles Taillon. S'appuyant essentiellement sur le programme de 2007, Gilles Taillon et son équipe choisissaient de faire une campagne d'image et de personnalités qui opposait l'expérience au manque de formation universitaire, le lobbying et les «focus group» au militantisme, et le programme de 2007 à un véritable effort de réactualisation de l'offre politique adéquiste.
Provoquant et radical ?
En cours de campagne, Gilles Taillon fut l'homme qui qualifiait de «provocatrice» et «radicale» l'approche de l'équipe de contenu de Éric Caire, pourtant largement inspirée des nombreux rapports commandés et dûment tablettés par le gouvernement Charest (Castonguay, Gagné, Fortin, Montmarquette-Facal). Pour régler le sous-financement chronique des universités québécoises, le candidat Taillon se limite à l'indexation des droits de scolarité et trouve indécent un plan graduel qui ramènerait la contribution de l'étudiant à 30% des coûts réels de sa formation.
Au cours du débat sur les ondes de RDI, M. Taillon remet même en question l'idée d'un système de santé mixte, pourtant une pièce maîtresse du programme de l'ADQ et démontre une tendance à la démagogie et sa méconnaissance totale du sujet en qualifiant le système américain de «système mixte» alors qu'il n'en est rien. Alors que 70% des Québécois estiment que le gouvernement devrait modifier la loi actuelle pour rendre obligatoire la tenue d'un vote au scrutin secret auprès des employés visés par une demande d'accréditation syndicale, Gilles Taillon trouve que cette idée reprise par l'équipe Caire ne mène qu'à la «confrontation».
Enfin, la proposition de l'équipe Caire de procéder à une évaluation exhaustive de la rémunération globale des employés du secteur public (salaires, avantages sociaux, sécurité d'emploi, fonds de pension) avant toute concession salariale, fut assimilée à de la «provocation» plutôt qu'à une démarche qui vise à donner l'heure juste aux contribuables québécois.
Rompant avec la tradition adéquiste de sortir du cadre établi et de voir plus loin, l'ADQ de Gilles Taillon propose le «changement sans bouleversement», comme si cela se pouvait! Faute de proposer un véritable changement structurel, l'équipe Taillon se cantonnera désormais à commenter l'actualité du jour et à tenter de percer le filtre médiatique par la controverse et le scandale. Le parti de Gilles Taillon du 19 octobre 2009 n'est pas et ne sera pas l'ADQ que je connais. Lorsqu'on ne peut nommer les problèmes, on ne peut prétendre offrir de «vraies solutions».
Je suis devenue membre de l'ADQ aux lendemains de l'élection de 2003 alors que les résultats étaient bien loin de ce que le parti avait espérés. Au début 2006, j'ai offert mes services au plus bas des sondages et participé à la remontée spectaculaire de l'ADQ jusqu'à l'élection de 2007. Dans cette course à la chefferie, j'ai contribué à former une équipe de personnes avec lesquelles j'ai eu le grand honneur de travailler. On dit que le changement se fait sur plusieurs années, voire même plus d'une génération. Je ne perds donc pas espoir. Mais aujourd'hui, je crois pouvoir affirmer qu'il est temps de cesser de nuire à de bonnes et grandes idées en les associant au parti moribond qu'est devenu l'ADQ.
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Joanne Marcotte
Réalisatrice de L'Illusion tranquille
Militante adéquiste 2003-2009 et ex-conseillère de Mario Dumont 2006-2007


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