Le nationalisme sacrifié

ADQ - les dérives



Les aspirants à la direction de l'ADQ lors d'un débat, le 23 août dernier. Jean-François Plante (deuxième à partir de la gauche) a été exclu de la course depuis. Photo: Laetitia Deconinck, Le Soleil

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Au coeur de la course à la direction de l'ADQ, on retrouve une course à la liquidation de son héritage nationaliste. Alors que ce parti aura incarné, à travers la crise des accommodements raisonnables de 2006 à 2008, la révolte de l'identité nationale contre le multiculturalisme postréférendaire, au point de contester un temps le monopole du Parti québécois sur le nationalisme, il semble aujourd'hui renier ce positionnement pour s'aligner sur les grands canons de la rectitude politique.
Dans la mesure où la question nationale prend de plus en plus forme à travers la question de l'identité québécoise, il semble que c'est en sacrifiant la seconde que l'ADQ croit pouvoir en finir avec la première.

Ce sacrifice du nationalisme, on le constate notamment avec la remise en question du discours de l'ADQ contre le multiculturalisme et les accommodements raisonnables. On le sait, une certaine droite économique a toujours été très critique du nationalisme. Elle s'est sentie marginalisée ces dernières années à l'ADQ et semble revenir en force en faisant le procès de ce qu'elle considère comme un dérapage identitaire.
Une des conseillères d'Éric Caire a ainsi assimilé la critique des accommodements raisonnables et du multiculturalisme à un «populisme de bas étage [...] associant le déclin du français à une hausse de l'immigration» qui représenterait «une erreur magistrale et un manque d'appréciation de la maturité des adéquistes en matière d'immigration et d'identité culturelle». Elle n'est certainement pas la seule à faire un tel diagnostic qui était même celui de Jean-François Plante, le candidat récemment exclu de la course, qui a tenu des propos encore plus sévères sur le moment identitaire de l'ADQ.
Il y a pourtant là quelque chose de paradoxal. Car tant que l'ADQ s'en est tenue à la critique du modèle québécois, elle a été contenue dans les marges de l'espace public, dont elle n'est sortie qu'en élargissant son conservatisme vers des préoccupations culturelles et identitaires annonçant le réinvestissement d'une charge conservatrice dans le nationalisme québécois.
De la remise en question de la réforme scolaire à la lutte contre le cours d'enseignement et de culture religieuse en passant par la défense du patrimoine historique de la majorité francophone, l'ADQ a su reconnaître dans la transmission contrariée de l'identité québécoise la préoccupation la plus fondamentale de la population.
C'est en passant de la révolte générationnelle à la révolte du sens commun contre le consensus progressiste que l'ADQ est devenue un véritable parti politique. Mais l'ADQ veut renoncer au secret de son succès, ce qui l'entraîne à basculer vers un libéralisme moderniste asséché.
L'ADQ se détourne ainsi du créneau qui a fait son succès pour en revenir à sa base la plus étroite, à partir de laquelle on voit bien mal comment elle pourrait reconstituer une coalition susceptible de lui redonner un rôle significatif dans la politique québécoise.
Elle se contente de se poser comme «l'aile droite» du PLQ et de reprendre comme programme les grands thèmes du manifeste Pour un Québec lucide qui avait le défaut de mener une critique strictement technicienne et comptable du modèle québécois.
La différence entre l'ADQ et le PLQ s'amenuise et il ne serait pas surprenant qu'au terme de la course actuelle, certains de ses députés s'y rallient en consacrant la marginalisation d'une formation ne rejoignant plus que la frange la plus exaspérée de la génération X, qui se reconnaît dans la pensée libertarienne.
Il est étrange que l'ADQ s'aligne à ce moment sur le consensus progressiste en renonçant à sa différence politique qui lui aurait peut-être permis de canaliser le mécontentement d'une frange considérable de la population. Pendant un temps, l'ADQ a semblé faire partie de la solution à la crise d'une démocratie québécoise confisquée par sa technocratie progressiste et scindée entre ses élites et les classes moyennes et populaires. Elle fait tout désormais pour faire partie du problème.
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Mathieu Bock-Côté
L'auteur est candidat au doctorat en sociologie à l'UQAM.


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