Le 110 % de la politique

Un tel discours, avouons-le, sent la radicalisation de l'ADQ. Du moins, si elle choisit cette vision style Manifeste des Lucides lu par le Bonhomme Sept-Heures.

ADQ - les dérives


Au Québec, contrairement à ce qu'on voit au fédéral, les courses à la chefferie sont aussi rares que les rues sans nids-de-poule. Nos partis politiques préfèrent presque toujours les bons vieux couronnements.
Surprenant alors de voir l'Action démocratique, aux appuis et aux coffrets dégarnis, se taper une course où trois candidats se battent pour diriger un caucus de six députés! Facile d'en rire. Mais le seul fait de tenir une course dans un tel contexte trahit tout au moins une certaine résilience.
Le problème, c'est que leur course est mal partie. Si le premier débat est garant de ce qu'on entendra jusqu'au vote final du 18 octobre, l'ADQ ne risque pas de revoir les bureaux de l'Opposition officielle de sitôt.
On l'a décrit comme un débat "musclé". Je dirais plutôt que ça faisait engueulade-spectacle digne de l'émission 110 %! Mais attention. Ça ne venait pas de Gilles Taillon ou de Christian Lévesque. Le ton 110 % venait surtout du député Éric Caire. En interrompant souvent M. Lévesque, en le montrant du doigt et en le tutoyant comme s'ils avaient élevé les cochons ensemble, M. Caire s'est valu l'attention de médias friands de batailles de coqs. Mais il a aussi démontré un manque flagrant de décorum et de respect. Autant pour ses adversaires que pour le poste qu'il convoite.
LES CITOYENS ET LA POLITIQUE MERITENT MIEUX
Dans un moment surréaliste, les deux hommes se sont crêpé le chignon sur les droits de scolarité. Éric Caire voulant que les frais soient triplés, Christian Lévesque lui réplique: "Tu as un salaire de député de 85 000 $, alors que la population a un revenu moyen par couple de 45 000 $. Quels choix ils vont faire, eux?" Et M. Caire de lui lancer: "Tu en as de l'argent, toi, pourquoi je paierais pour tes enfants?" Bel upper cut, M. Caire. Mais gardez la reprise pour le Bye-Bye.
Pour mieux mesurer la nature d'un tel échange, essayez un peu d'imaginer un débat fictif sur un ton similaire entre un Jacques Parizeau et un Robert Bourassa. Sujet: la question nationale.
J.P.: "Écoute bien, mon Bobby. L'indépendance, moi, j'y crois. Pis j'y crois parce que j'ai assez d'argent pour la faire! Oh, oh, oh, oh!"
R.B.: "Moi, là, mon Jacko, moi aussi, j'en ai, de l'argent! Pis j'en ai plus que toi, à part ça. Ma grosse maison d'Outremont, elle vaut plus cher que ta petite cabane de bourgeois. Mais pourquoi je paierais personnellement pour ta maudite séparation?"
Impensable, non? En effet! Et heureusement. Les temps ont beau changer, et j'en suis. N'empêche que cette démonstration par l'absurde en dit long. Reste aussi que ces répliques étaient symptomatiques du discours simpliste et ultra-individualiste du moi-moi-moi. Un discours peinant à s'élever au-delà des circonstances de vie personnelle pour aborder les problèmes dans toute leur complexité. Qu'un candidat ait ou non de l'argent n'a strictement RIEN à voir avec des choix qu'une société doit faire pour elle-même.
Pourtant, ce refrain individualiste du "moi, j'ai de l'argent" ne surprend guère. Il est le reflet parfait d'une vision ultra-conservatrice vénérant la "liberté de choix" tous azimuts. J'ai de l'argent? OK. Je veux payer mon médecin pour le voir plus vite. T'en as pas? Arrange-toi pour en avoir. Mario Dumont comprend peut-être aujourd'hui que si cette vision s'impose, l'ADQ restera où elle est. Comme l'écrivait en juin son ancien leader parlementaire, si ce parti se radicalise vers la droite, il ne gouvernera jamais.
Prenez justement l'exemple de M. Caire. Et attachez bien vos tuques. En avril, il annonçait qu'il puiserait son "inspiration" dans le documentaire [L'Illusion tranquille->rub354], une charge musclée contre le modèle québécois, les "syndicaleux", les groupes sociaux ("nos grands ayatollahs") et bien sûr, la "chicane" constitutionnelle. Produit en 2006, ce film caricature le Québec comme un "village gaulois" coupé du monde "anglo-saxon"; baignant dans les "mythes", les "dogmes" et la "pensée magique" de la "go-gauche"; étouffé par la "chapelle" et l'"église social-nationaliste"; "paralysé par le poids du passé"; rappelant "ce qu'on voyait en Union soviétique sous Staline"; ayant besoin de plus de "dérèglementation", "d'être géré comme une business" et d'"abolir le code du travail". Et tutti quanti. Son thème dominant: le "social-nationalisme" a remplacé l' Église catholique "pour nous unifier dans un tout homogène". D'où l'ironie d'entendre le même film décrier le "discours manichéen" de la gauche... Seigneur! Cachez vos enfants! Le monstre de la go-gauche va vous manger!
Un tel discours, avouons-le, sent la radicalisation de l'ADQ. Du moins, si elle choisit cette vision style Manifeste des Lucides lu par le Bonhomme Sept-Heures. Pourtant, il y a de la place au Québec pour un discours de centre-droite. En fait, il en occupe déjà pas mal. D'aucuns diraient même que c'est là où, à quelques nuances près, se rencontrent aujourd'hui les deux grands partis.
Mais celui qui inspire le candidat-vedette penche nettement à droite.
Là où peu de Québécois logent dans les faits.


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