L'ADQ en récession

De toute manière, l'ADQ ne survivrait pas au départ de son chef. Il est cependant vrai que les attentes à l'endroit de M. Dumont étaient plus élevées et qu'elles ont été déçues.

Climat politique au Québec

La semaine dernière, l'ADQ a été vivement apostrophée par la vice-présidente de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, Michèle Labelle, qui lui a reproché de ne pas avoir tenu la commission itinérante promise en matière de crimes sexuels.

«Quand c'est bien important pour eux et leur visibilité politique, ils partent sur un trip. Mais quand le sujet n'est plus à la mode, ce n'est plus important», déplorait Mme Labelle dans une entrevue au Journal de Montréal.
Finalement, la commission promise prendra plutôt la forme d'une consultation en ligne. Depuis trois jours, la députée de Lotbinière, Sylvie Roy, soulève sur son site Internet une série de questions auxquelles les personnes intéressées sont invitées à répondre.
D'entrée de jeu, elle évoque la «réalité bien sombre» du Québec, où la criminalité sexuelle a augmenté de 57 % entre 1996 et 2006, alors qu'elle a diminué de 26 % dans l'ensemble du Canada.
La délinquance sexuelle est indéniablement un grave problème, au Québec comme ailleurs, et la nouvelle réalité des cyberprédateurs est très préoccupante. On peut toutefois s'interroger sur l'utilité de cette consultation en ligne qui risque fort de se transformer en tribunal populaire.
Que doit-on faire pour «enrayer ce fléau»?, demande Mme Roy. Accroître les effectifs policiers? Créer un registre des délinquants sexuels? Imposer des peines plus sévères? Procéder à la castration chimique des récidivistes? Interdire la pornographie dans les prisons? Toutes ces réponses?
La députée profite de l'occasion pour élargir le débat aux problèmes de la surpopulation des prisons et des libérations conditionnelles. Tant qu'à y être, aussi bien faire d'une pierre deux coups, n'est-ce pas?
On peut facilement comprendre la douleur et la colère des parents et amis des victimes d'actes criminels, particulièrement à caractère sexuel, mais cette tentative de récupération illustre une fois de plus ce détestable travers démagogique de l'ADQ, dont la rentabilité politique semble toutefois avoir atteint ses limites, selon le dernier sondage CROP-La Presse.
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Au cours de la dernière année, Mario Dumont et son parti ont démontré de façon convaincante qu'ils n'étaient pas prêts à gouverner. Le problème, c'est qu'ils ne semblent pas plus en mesure de former une opposition officielle satisfaisante. Si on appliquait aux sondages la règle des deux trimestres consécutifs de croissance négative, on pourrait dire que l'ADQ est entrée en récession.
Inutile de revenir sur l'inexpérience de la représentation adéquiste à l'Assemblée nationale. Le député de Montmorency, Hubert Benoît, a parfaitement résumé la situation: il vaut mieux se taire que de démontrer son incurie. Cette sagesse ne règle malheureusement pas le problème.
M. Dumont est tellement en symbiose avec son parti qu'il importe assez peu de savoir lequel des deux est le moins populaire. De toute manière, l'ADQ ne survivrait pas au départ de son chef. Il est cependant vrai que les attentes à l'endroit de M. Dumont étaient plus élevées et qu'elles ont été déçues.
Dans l'euphorie de la quasi-victoire du 26 mars 2007, le chef de l'ADQ a pu croire que le pouvoir était à portée de main. A posteriori, on peut se demander si une performance moins éclatante n'aurait pas été préférable. Après la déconfiture de 2003, une récolte de 25 sièges aurait déjà constitué un exploit. Redevenir le troisième parti serait maintenant très difficile à encaisser pour M. Dumont.
L'an dernier, les libéraux n'ont pas venu venir la vague adéquiste. Ils ont cru que la faiblesse d'André Boisclair suffirait à leur assurer un deuxième mandat. Jean Charest s'est lancé en campagne sans véritable programme autre que la célébration d'un bilan mitigé.
Mario Dumont, lui, a commis l'erreur de croire que les jours de M. Charest étaient comptés. D'ailleurs, tout le monde le croyait. Tant mieux si le premier ministre réussissait à s'accrocher jusqu'aux prochaines élections, la partie n'en serait que plus facile pour l'ADQ. En attendant, il suffisait de temporiser.
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Comment M. Dumont pourrait-il maintenant renverser la vapeur? Il ne suffira pas d'un voyage en Europe pour lui donner l'allure d'un premier ministre.
Il est inexplicable qu'il se soit laissé damer le pion par le PQ sur le terrain de l'identité. Au printemps dernier, ses conseillers le disaient très préoccupé par la situation du français à Montréal. Après les accommodements raisonnables, il y avait là un créneau très intéressant pour un parti qui cherchait précisément à faire une percée sur l'île.
Pourtant, M. Dumont est demeuré totalement passif quand Pauline Marois a repris l'offensive sur le front linguistique, sous l'oeil approbateur de l'électorat francophone. Trente ans après l'adoption de la Charte de la langue française, il était sidérant d'entendre le leader parlementaire de l'ADQ, Sébastien Proulx, déclarer: «Une langue, ça ne s'impose pas.»
Depuis l'automne, on peut également se demander qui, du premier ministre et du chef de l'opposition, est le plus autonomiste. Alors que les relations entre M. Charest et Stephen Harper ne cessent de se détériorer, M. Dumont est tout miel avec le premier ministre du Canada.
L'économie? Sur ce terrain, M. Charest a déjà une bonne longueur d'avance. Dans le climat d'incertitude actuel, l'expérience est une qualité particulièrement recherchée. Pauline Marois peut toujours faire valoir son passage aux Finances, et François Legault, ses succès en affaires, mais l'ADQ...
La fiscalité? Il est vrai que l'ADQ a toujours été un apôtre des baisses d'impôts, mais après avoir déchiré sa chemise quand Monique Jérôme-Forget en a annoncé au printemps dernier, il serait assez gênant d'en réclamer cette année.
De toute manière, à entendre les récents commentaires de Gilles Taillon, l'ADQ semble plutôt à la recherche d'une raison de voter en faveur du prochain budget. Finalement, l'opposition officielle, ce n'est pas si désagréable.
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mdavid@ledevoir.com


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