Il est très fort notre premier ministre. Depuis des siècles les penseurs du monde entier s’interrogent sur les causes du terrorisme, de la violence ou du racisme. Mais lui, il a trouvé la solution, ou du moins, une partie de la solution.
Pas besoin de thèses de doctorat, d’enquêtes approfondies ou de longues analyses, la source de tous ces maux est selon lui très simple : les dirigeants du monde font des commentaires méchants. S’ils cessent de faire des commentaires méchants, alors le monde se portera mieux, tout naturellement.
Une analyse simpliste
Hier, à la Chambre des communes, Justin Trudeau a découvert les vertus des théories constructivistes les plus simplistes. Pour lui, il suffit de changer l’image sur le miroir pour que l’objet qui s’y réfléchit change à son tour. En d’autres termes, il suffit de changer de vocabulaire pour que la réalité change.
Ne rien critiquer
Comment n’y avait-on pas songé plus tôt ! Plus besoin de s’interroger sur le rôle de l’Iran et de l’Arabie saoudite pour imposer la charia. Abracadabra, ne critiquez pas leur islam (ni les autres) et tout ira mieux.
Inutile de mentionner le pétrole et les guerres menées pour se l’approprier. Il faut simplement avoir quelques bons mots pour les réfugiés des pays qui souffrent de ces guerres.
Ne cherchez pas s’il existe des problèmes d’assimilation des immigrants. Prononcez quelques mots de vocabulaire magique et pouf ! Tous le monde devient beau et gentil et surtout, multiculturel.
Ne vous interrogez pas non sur le rôle des réseaux internet sur la propagation des horribles idées des suprématistes blancs. Après tout, il ne faut surtout pas critiquer les GAFA. Soyez aimable, exemptez plutôt ces compagnies de certaines taxes.
Ne poussez pas non plus l’analyse jusqu’à vous demander pourquoi Donald Trump profère menaces et insultes contre certains groupes de la société américaine. Non, il devrait simplement tenir des propos doux et bienveillants et tout irait mieux. Ne vous préoccupez surtout pas des luttes électorales que mènent les républicains au détriment des minorités ou des droits des femmes. Taisez les intérêts religieux et financiers puissants qui soutiennent Trump et ce qu’il dit.
Voilà, ne voyez vous pas que le monde va déjà mieux ?
Une pauvreté intellectuelle manifeste
L’admonestation de Justin Trudeau est d’une navrante pauvreté intellectuelle. Si les problèmes étaient si simples à résoudre, si parler en des termes polis et gentils suffisait à juguler la violence et le terrorisme, il y a longtemps que cela aurait été fait. Les paroles des dirigeants reflètent les forces politiques sur le terrain. Elles ne les créent pas en soi. Elles peuvent certes les aggraver ou les atténuer, mais pas avec la rectitude politique que M. Trudeau embrasse.
M. Trudeau, le monde est plus complexe que vous l’imaginez. De grâce, lâchez votre approche moralisatrice en relations internationales. Commencez par chercher les intérêts de chaque acteur. Ce sera déjà un bon début. Éventuellement, vous pourrez peut-être un jour passer à des niveaux d’analyse plus complexes. Pour le moment, vous êtes au niveau zéro. Zéro pour votre compréhension nulle des causes des problèmes mondiaux.
Franchement, il faut espérer que vous ne tenez pas un discours aussi niais et moralisateur dans les rencontres internationales.