Indépendance québécoise, indépendance wallonne

Chronique de José Fontaine

Lorsque le général de Gaulle lança le « Vive le Québec libre ! » du haut du balcon de l’Hôtel de Ville de Montréal, en 1967, on avait eu le sentiment en Wallonie que l’indépendance du Québec était imminente. Avec le PQ au pouvoir en 1976, on en eut la certitude. Les désillusions vinrent. Le Québec avait pu inviter lui-même le président français étant une réalité politique autonome, capable de lancer cette invitation. A l’époque, les Wallons n’avaient pas d’autonomie et vivaient toujours dans un Etat unitaire.
En fait, par-dessus le marché, le Québec avait (et garde), une forte identité, une forte lisibilité. A cause pendant un certain nombre d’années (mais c’est encore le cas), de ses chanteurs, de son cinéma, de sa culture, à cause de sa situation bien repérable sur une carte du monde, à cause de sa réputation dans le domaine de l’éducation spécialisée et de l’éducation en général, à cause de sa vigueur économique, à cause des amis que l’on se fait là-bas. Car l’amitié est toujours une lutte contre l’éloignement et contre le temps… A cause de ce qu’il est difficile de ne pas aimer le Québec. Mais il y eut les échecs de 1980, 1987 (car les accords du Lac Meech allaient loin sur certains points), 1995. Cependant, le Québec est maintenant reconnu et le plus souvent on peut dire « Québec » sans même citer le Canada.
Une crise belge de quatorze mois, bientôt quinze…
La Wallonie n’a vraiment commencé à obtenir de l’autonomie que 13 voire 20 ans après le « Québec libre ». Elle a finalement acquis sur le Québec une avance politico-juridique évidente (compétences réellement exclusives, liberté d’action sur la scène internationale). Elle se défend sur le plan culturel, notamment à travers son cinéma, très reconnu par les cinéphiles et les festivals internationaux. Mais elle peine à se reconnaître comme nation. Si nous avons de l’avance politique et juridique sur le Québec, nous sommes en retard sur lui du point de vue de la prise de conscience ou de ce que les Québécois appellent le « nous constitutionnel ».
Ce qui nous sert présentement, c’est la longueur de la crise belge depuis les élections du 10 juin 2007, à la suite de laquelle se sont formés d’abord un gouvernement intérimaire (de décembre 2007 à mars 2008), puis un gouvernement en principe définitif, mais dont le Premier ministre a remis sa démission au roi, le 15 juillet (démission refusée). Sept mois sans gouvernement, trois mois de gouvernement intérimaire, puis quatre mois d’un gouvernement qui a déjà été démissionnaire, c’est évidemment sans précédent dans notre histoire.
Ce qui est en jeu dans tout cela c’est une réforme de l’Etat belge pouvant amener à une Confédération d’Etats en réalité indépendants ou quasiment, ce que les Etats fédérés actuels sont déjà un peu puisque les observateurs les plus impartiaux reconnaissent ces traits de confédéralisme dans le fédéralisme belge. La longueur de la crise belge et son issue réellement incertaine attire l’attention des médias internationaux, ce qui en retour approfondit chez les Wallons la conscience de l’acuité de cette crise qui n’en finit pas (*). Elle risque de durer jusqu’aux élections dans les Etats fédérés qui auront lieu en juin 2009 (dans dix mois !). La proximité de cette échéance joue son rôle dans l’instabilité actuelle, les partis au pouvoir étant déjà de fait déjà en campagne électorale (car les élections dans les trois Régions se feront en même temps et ont ainsi autant sinon plus de poids que les élections fédérales). Que se passera-t-il alors ? Les gouvernements dans les Etats fédérés sont plus faciles à former qu’au niveau fédéral, mais les élections législatives fédérales auront lieu deux ans plus tard (en 2011). Ce qui pourrait à nouveau tout déstabiliser pour les mêmes raisons que tout l’est aujourd’hui. Il faudra donc trouver des solutions à la crise actuelle qui n’en finit pas de susciter doutes, désarrois et déchirements en une période économique et sociale pas si simple.
Le Québec en aval, la Wallonie en amont
L’histoire de la France et des pays qu’elle a suscités dans le monde est un fleuve puissant. Le Québec (par sa modernité), est en aval, la Wallonie, en amont (parce que, sans chauvinisme, nous avons été longtemps au Nord de la France, un pays « français » riche et étendu, aujourd’hui restreint dans sa superficie, mais toujours vivant).
Est-ce que la souveraineté de la Wallonie et celle du Québec ne renforceraient pas cette belle idée pas assez consistante que l’on appelle la Francophonie ? Poser la question, c’est y répondre. Nous avons intérêt à ce que la France demeure puissante et celle-ci ne trouvera que des avantages à avoir des Etats souverains qui seront librement ses alliés, non ses vassaux. Il y a trop de réserves et de craintes puériles dans nos relations actuelles. C'est même malsain.
José Fontaine
L’hebdomadaire parisien Le Nouvel Observateur a publié la semaine dernière quatre pages intéressantes sur la Wallonie et la Flandre (sous le titre Et si Bruxelles redevenait française) réellement éclairantes. Avec peu d’erreurs factuelles. Mais peut-être une erreur de fond (commise aussi en Belgique) : même si le texte prend en compte l’existence d’un Etat-région en Wallonie (comme à Bruxelles et en Flandre), il ne souligne pas assez l’étendue de ses pouvoirs, considérés comme uniques pour un Etat fédéré, en particulier la capacité d’avoir une politique étrangère dégagée de toute tutelle belge. Il souligne bien cependant dans quelle logique globale, de petits ensembles sont incités à naître sur fond de mondialisation, logique que soulignaient déjà les Québécois dans les années 60 et qui a été remise en évidence récemment par quelqu’un comme Stéphane Paquin.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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