Immigrant dans son propre pays ?

Chronique de Louis Lapointe

«Au cours de la dernière année, la moitié (51%) des anglophones et des allophones ont envisagé de quitter le Québec, selon un sondage EKOS commandé en février par le réseau CBC. (…)
Songer à s'en aller, mais où? Ontario: 62%, États-Unis: 6%, autres pays (sauf les États-Unis): 6%, Colombie-Britannique: 6%».

«Malaise» croissant chez les anglophones québécois, La Presse


J’habite Brossard où je rencontre fréquemment des gens qui ne parlent pas français, même s’ils sont arrivés au Québec depuis de nombreuses années.

Comment peut-on s’inviter chez des gens, habiter leur pays et trouver le moyen de ne pas apprendre leur langue ?

Ainsi, un immigrant me disait que le Québec était essentiellement habité par des immigrants et que, comme lui, j’étais un immigrant! Un immigrant de longue date, mais un immigrant tout de même.

C’est comme si un invité arrivait chez vous, dans votre maison, et vous disait que vous êtes un invité tout comme lui sous votre propre toit.

Pourtant, cet immigrant n’avait pas totalement tort.

Venant d’Abitibi, où tout le monde parle français, je ne peux faire autrement que de me sentir en pays étranger à Brossard.

Il m’arrive même de me dire que je n’ai pas eu besoin de quitter le Québec pour être dépaysé.

En fait, depuis que j’ai emménagé à Brossard en 1995, je ne me suis jamais totalement senti chez moi dans cette ville, même si j’y ai de nombreux amis.

Vu leur nombre, les immigrants anglophones ont réussi l’exploit de faire en sorte que je me sente immigrant dans mon propre pays en refusant de s’intégrer, en préférant parler l’anglais.

Leurs enfants parleront peut-être notre langue un jour, le français, mais, pour eux, la langue commune de tous les Canadiens sera toujours l’anglais.

Donc, que des gens qui ne se sont jamais intégrés au Québec veulent partir parce qu’on y évoque des questions comme celles de la neutralité de l’État, de l’obligation pour les allophones de fréquenter les cégeps francophones, de la francisation des entreprises de moins de 50 employés et de l'indépendance du Québec ne me cause absolument aucun «malaise».

S’ils étaient devenus des Québécois en faisant de notre langue la leur, en adoptant quelques-unes de nos coutumes, jamais ils n’auraient songé à quitter le Québec.

Toutefois, même s’ils nous perçoivent comme des immigrants tout comme eux, ce qui nous distingue fondamentalement d’eux, c’est qu’ils se voient comme des Canadiens, alors que nous, nous sommes des Québécois.

S’ils peuvent toujours déménager en Ontario ou retourner dans leur pays d’origine, là où ils se considèrent également chez eux, nous, même si nous avons le loisir de changer de ville ou de région, nous ne pouvons déménager dans aucune autre province, encore moins dans un autre pays. Nous avons le Québec pour unique patrie, le seul endroit ou nous pouvons nous sentir chez nous.

***

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La couleur de la Presse


Toutefois, un constat s’impose. Tant que le Québec ne sera pas indépendant, les minorités voudront de plus en plus faire comme la majorité...canadienne-anglaise.

Quitter l’enfer canadien... sans tourner le regard


Lorsque les immigrants arrivent au Québec, ils n’immigrent pas au Québec, mais bien au Canada, pays de l’anglais et du multiculturalisme.

La seule façon de changer l’ordre des choses est de faire en sorte que les immigrants n’arrivent plus dans une quelconque province du Canada, mais bien dans un pays, le Québec.

Une société normale

Une société normale ne devrait pas subventionner l’anglicisation de ses nouveaux arrivants dans ses garderies, alors que sa langue officielle est le français.

La même logique devrait également s’appliquer aux cégeps anglophones.

Les droits acquis de la minorité anglaise devraient se limiter aux Anglais.

C’est ce genre de situations qu’évoquait René Lévesque lorsqu’il disait que les Québécois étaient colonisés.

Au fil des années, les Québécois en sont venus à aimer leurs bourreaux, ceux que René Lévesque désignait sous le vocable de « Rhodésiens ».

On s'en fout!


J’habite Brossard. Je croise régulièrement des Québécois qui ne parlent pas français, je devrais plutôt dire des Canadiens.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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5 commentaires

  • Luc Bertrand Répondre

    27 février 2014

    Tôt ou tard, monsieur Lapointe, si nous voulons UN JOUR voir un Québec indépendant, les Québécois devront se mettre les yeux en face des trous:
    La minorité anglophone, qu'elle soit authentique ou qu'elle le soit devenue à cause de notre propension à chercher à accomoder tout le monde, demeure un occupant étranger (tels les soldats allemands et dignitaires du parti nazi qui administraient la France occupée de 1940 à 1944) sur notre sol. Et tant que nous ne lui ferons pas comprendre que la seule langue officielle au Québec est le FRANÇAIS et que la société civile québécoise NORMALE fonctionne dans cette langue, cette minorité ne cessera de s'étendre et de nous ronger de l'intérieur tel un cancer.
    Je vous rappellerai, monsieur Lapointe, que le politologue Me Christian Néron (http://www.denoncezuntraitre.com/blogueur/la-majorite-minorite-anglophone-du-quebec/) a révélé que les soi-disant "droits historiques de la minorité anglophone" du Québec ne reposaient sur aucune assise juridique avant 1867. C'est une délégation de marchands britanniques de Montréal (dirigée par Alexander T. Galt) qui a négocié avec la famille royale, derrière des portes closes au Palais de Buckingham, l'ajout d'articles à la Loi constitutionnelle de 1867 garantissant leurs droits à leurs institutions et à l'usage de leur langue dans l'assemblée législative et devant les tribunaux du Québec. John A. McDonald s'est bien gardé d'en informer Georges-Étienne Cartier, qui croyait que le Québec jouissait, avec la Confédération, d'un statut autonome par rapport au gouvernement central en matière linguistique.
    Il n'est donc plus permis de reculer. Les anglophones et allophones devront s'intégrer au Québec français ou assumer d'eux-mêmes leur différence. Option nationale (ON) est malheureusement trop frileuse pour assumer cette cohérence. Seul le Parti indépendantiste (PI) s'engage à faire un Québec français mur à mur, c'est-à-dire avec UN SEUL réseau public de santé et d'éducation EN FRANÇAIS.
    Tôt ou tard, si nous ne voulons pas disparaître, nous devrons choisir l'une ou l'autre de ces méthodes pour faire notre pays:
    - Obtenir la légitimité de faire du Québec un pays lors d'une élection décisionnelle décisive sur l'indépendance; ou
    - Tenir un référendum où seuls les citoyens québécois (qualifiés à voter selon des critères établis par l'Assemblée nationale) auraient droit de vote.

  • Marcel Haché Répondre

    27 février 2014

    Il y aura des départs du Québec advenant l’Indépendance. Inutile de le nier. Il y en a eu à la suite du gouvernement Lévesque en 1976. Il y en aura encore provenant du West Island, dont les institutions se sont transformées en machine à assimiler et dont Nous payons nous-mêmes l’entretien et la survie.
    L’Indépendance, c’est aussi, entre autre chose, la fin de ces anomalies, du moins dans son ampleur.
    Précisément pour éviter les psychodrames, vivement la gouvernance souverainiste…

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    27 février 2014

    p.s.
    Il y a donc les "faire semblant de s'intégrer" (Sugar Sammy?)
    À côté des "refus notoires": Galganov, Taylor, Baine... The Gazette, The Suburban...

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    27 février 2014

    Exemple d'Anglo ambigu: À la radiocanadienne du matin, Peter Trent, maire (à vie?) de Westmount, demandé de commenter les "sérieux songes de départ" geignait comme un pré-ado: "Oui, mais là, faudra-t-il encore tomber dans le psychodrame d'un autre référendum sur la souveraineté du Québec? On s'est déjà déchirés deux fois en perte de temps, à se demander si nous sommes inclus dans cette province... avons nos racines ici, avons fondé..." (référendum, péché démocratique?) Il parlait même des "efforts" (mot difficile à distinguer dans son franglais) constants de P.Q. pour exclure les anglos et allos: français au cegep, loi 101 ramenée à l'Assemblée, charte des signes ostensibles...
    Le Monsieur qui fut à la tête des défusions des municipalités de l'île de Montréal en baragouinant un français qu'il croit exemplaire, se démarque par le séparatisme du West Island et dénigre la différence française du Québec...

  • Archives de Vigile Répondre

    26 février 2014

    Bonjour Mr. Lapointe,
    Je suis de l'Anse-à-Beaufils en Gaspésie petite localité faisant partie de la Ville de Percé. J'ai fait mes études en Outaouais, à Hull. Je vis à Blainville et je me sens toujours pas chez moi. J'ai 60 ans, à la retraite mon but est de déménager dans mon Pays à Québec. Dès que l'on laisse Joliette sur la 40, je commence à ressentir un air de chez nous. Rendu à Québec je crois vraiment être chez nous et ce qui me frappe c'est de retrouver l'accent québécois, j'entends la langue dans laquelle on m'a élevé comme on dit chez nous.
    Je ne sais vraiment pas si je verrai de mon vivant le Québec indépendant mais une chose est certaine je suis épuisée de me battre pour me sentir chez moi.
    Montréal et ses banlieues deviennent de plus en plus autre chose que le Québec et les médias sont pour une grande partie responsable de cette situation.
    Je pourrais en parler jusqu'à demain matin mais j'ai presque lancé le torchon!