Il n'y a pas deux humanités

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne

Les auteurs de [«Naïfs et complices»->17189], texte d'opinion publié dans la page Idées du Devoir du 9 janvier dernier, s'estiment sans doute autorisés à donner une bonne leçon de morale à ceux qui protestent publiquement contre les massacres de civils à Gaza. Mais quand on prétend, comme ils le font, rétablir la vérité des faits, on ne propose pas un discours troué par l'omission d'une notable partie d'entre eux. Un tel discours «parle» précisément selon le déni de ce qu'il tait. On est bien forcé de constater que, pour ceux qui le tiennent, «la perception l'emporte sur la réalité».
Car que laissent-ils entendre? Qu'il n'y aurait rien à redire de l'un: que le gouvernement et l'armée israéliens seraient blancs comme neige (pas même une concession rhétorique!). Qu'au contraire, le mal, tout le mal serait attribuable à l'autre. L'espace d'une lettre ne permet pas de reprendre par le détail l'argumentaire des auteurs. Je résume. Soigneusement documentée, la charge est en grande partie donnée contre les «terroristes» arabes et musulmans, comme si elle ne risquait pas de «susciter» les «émotions viscérales» qui revigorent l'islamophobie ou l'arabophobie.
Le titre a pour fonction de désigner la cible visée par les auteurs. Ces «naïfs» et ces «complices», qui sont-ils? Je cite. «Comme toujours, l'immense majorité des manifestants, ici comme ailleurs, sont des naïfs, sensibles et bien intentionnés. Pour susciter des émotions viscérales, c'est bien naturel, il suffit de comparer les odieuses images d'enfants blessés à la normalité de la vie quotidienne d'un pays en paix.» Et les «complices»? «Ceux qui mentent délibérément. Ils ne sont pas nécessairement parmi les manifestants, mais n'en sont pas bien loin [...].» Pas bien loin? Et les «naïfs» ne seraient-ils pas bien loin des premiers puisque après tout, comme on le lit plus haut, ceux qu'ils «admirent le plus» s'appellent «Arafat, Saddam ou Ben Laden» (l'amalgame est douteux, mais pourquoi s'embarrasser de nuances)?
Biaiser, donner à son discours tous ces tours sinueux que nécessite sans cesse l'omission «délibérée» de ce qui en ruinerait le propos, voilà qui prédispose à faire revenir, bien malgré soi, dans ce qu'on dit, ce qu'on tient à taire. Le lapsus se glisse jusque dans le titre! Car que sont ces «naïfs», tels que se les représentent les auteurs? De bonnes pâtes débordant de bons sentiments, que la vue de scènes sanglantes perturbe dans leur paisible cocon et qui sont prêts à gober les yeux fermés une fallacieuse propagande. Il ne faut surtout pas s'imaginer qu'ils s'informent, qu'ils aient l'intelligence requise pour reconnaître la complexité de la situation et qu'ils décident, en sachant ce qu'ils font, d'intervenir au nom de la seule cause qui en vaille la peine: faire triompher la justice et la paix, tant pour le peuple d'Israël que pour celui de Palestine.
Leur «naïveté», les auteurs, manifestement, la méprisent. Mais, sous ce terme, pareil mépris ne vise rien de moins que l'intelligence du coeur, laquelle, ayant pour souci vigilant d'écarter toute fausseté et par conséquent, ne déniant rien du mal commis, se donne pour règle d'or de respecter comme d'en appeler à l'humanité des uns et des autres, de tous et de chacun.
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Paul Chamberland, Écrivain


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