Vous arborez un carré rouge ? Il n’en faut pas plus dorénavant pour qu’on laisse entendre que vous pactisez avec « l’intimidation » et « la violence », comme vient de le faire la ministre Christine St-Pierre pour Fred Pellerin. Car « nous, on sait ce que ça veut dire », le carré rouge, car « nous », on est le Pouvoir, et l’on a amplement les moyens de sévir en donnant aux mots et aux symboles le sens qui nous convient.
Si un gouvernement d’« élus » prétend détenir à lui seul toute la légitimité démocratique, il en usurpe du coup l’exercice jusque dans son principe. Dans un État de droit, nul pouvoir n’a la prérogative de contraindre, par l’insinuation ou la menace, le citoyen que je suis à renoncer à son droit d’exprimer pacifiquement sa dissidence. Un morceau d’étoffe n’est pas un cocktail Molotov. Avoir stigmatisé sur la place publique le conteur qui ouvre si généreusement l’espace d’un rêve à partager, c’était le traiter avec bassesse. Et cela revient surtout à signifier le dessein de « mettre au pas » les artistes et les intellectuels, ainsi qu’à donner libre cours à l’arbitraire et aux abus que ne rougit pas de commettre un État policier.
Ce n’est pas à un gouvernement que nous devons le droit d’agir en citoyens libres et responsables, mais à nos ancêtres, qui se sont battus, parfois jusqu’à la mort, pour l’obtenir. C’est précisément en désignant publiquement comme des fauteurs de trouble ceux qui, pacifiquement et de ce fait en toute légitimité, refusent d’approuver son « nous, on sait ce que ça veut dire » que le gouvernement Charest recourt délibérément à l’intimidation et fait peser la menace d’un usage illégitime de la violence d’État - en n’hésitant pas à provoquer ainsi le désordre au sein de la société civile dans le but de faire taire les récalcitrants.
C’est désormais avec une détermination affermie qu’en toute occasion je porterai le carré rouge pour rappeler, à ceux qui apprécient tellement chez les gouvernés l’inclination à la servitude volontaire, que j’appartiens à un peuple libre et souverain.
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Paul Chamberland, écrivain - Le 10 juin 2012
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