Petits conseils aux étudiants

Jean Charest mise maintenant sur la rentrée du 15 août pour, grâce à sa loi matraque 78, susciter une violence et une division dont il compte se servir en vue d’une campagne électorale imminente.

Désobéissance civile - Printemps québécois


Chers Gabriel, Martine, Léo, Éliane, Camille, Jeanne et autres. Parti d’une revendication d’allure corporatiste, le gel des droits de scolarité, votre mouvement, grâce à votre intelligence et à votre persévérance, a rejoint une partie de plus en plus importante d’une population en quête de changements politiques globaux.
Mais vous entrez maintenant dans une période critique sur laquelle vous me permettrez de réfléchir avec vous.
Il n’est plus temps de penser à une médiation en vue d’un nouvel accord avec un gouvernement qui, après vous avoir leurrés à plusieurs reprises, ne veut plus rien entendre.
Jean Charest mise maintenant sur la rentrée du 15 août pour, grâce à sa loi matraque 78, susciter une violence et une division dont il compte se servir en vue d’une campagne électorale imminente. Ces grèves d’une minorité d’étudiants seront-elles nécessaires alors ? Ne vaudrait-il pas mieux les suspendre pour retrouver à l’automne des troupes fraîches, complètes et motivées ?
Lors d’un vaste mouvement de contestation contre le premier ministre Maurice Duplessis, à la fin des années 1950, les leaders étudiants dont je faisais partie ont décidé, à l’été 1958, de poursuivre leur action de deux façons. Trois étudiants immortalisés par un film de Jean-Claude Labrecque (Francine Laurendeau, Bruno Meloche et Jean-Pierre Goyer) sont allés chaque matin demander une entrevue avec le premier ministre : elle leur était chaque fois refusée. Pendant ce temps, nous avons organisé à travers la province, avec des professeurs, des syndicalistes et des personnalités locales, 13 assemblées populaires pour expliquer nos revendications. Relayées par Guy Lamarche, journaliste au Devoir, ces activités ont obligé le premier ministre à recevoir en septembre les six présidents d’associations étudiantes universitaires sans cependant accepter la plupart de leurs revendications.
Je pense que, tout en ne négligeant pas des manifestations toujours nécessaires, ce sont des assemblées de ce genre que vous devriez organiser. En élargissant l’influence du mouvement social que vous avez créé, elles seraient une contribution importante à la campagne électorale prévue.
Attention cependant. Battre Jean Charest implique nécessairement de mettre au pouvoir le PQ de Pauline Marois dont vous ne partagez pas nécessairement tout le programme. Dans une telle éventualité, vous devez être prêts à lui imposer au moins le gel temporaire et la convocation d’états généraux déjà promis.
À lire et à fréquenter le grand philosophe et sociologue André Gorz, j’ai compris que dans des sociétés comme la nôtre, il est important de concevoir des « réformes révolutionnaires » susceptibles de modifier certaines politiques sectorielles en vue de transformations plus globales. La nationalisation de l’électricité, la réforme du système d’éducation amorcée par le rapport Parent, la loi 101, la protection du territoire agricole et l’assurance maladie ont été ici des réformes de ce type.
Le gel des droits de scolarité, la réforme de l’université marchande et une éventuelle gratuité scolaire seraient sans doute maintenant aussi de ces « réformes révolutionnaires » ouvrant la porte à une société où, plus que l’argent, l’égalité et la solidarité seraient au rendez-vous.
Bon été. Bonne route. Nous sommes avec vous.
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Gabriel Gagnon, Professeur honoraire au Département de sociologie de l’Université de Montréal


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