Il faut sauver le soldat Legault

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La démonstration est loin d'être probante et ne fait pas honneur au Devoir

Autour de la table éditoriale du Devoir, personne ne s’attendait à ce que François Legault s’amène en fin de campagne pour expliquer le plus naturellement du monde qu’il avait pris contact avec Stephen Harper avant le début de la campagne électorale pour discuter des revendications d’un éventuel gouvernement caquiste. À l’entendre, l’accueil aurait même été positif.

Certes, il ne s’agit que d’ententes de nature administrative dans des domaines comme l’environnement, la culture, la langue ou l’immigration. On est très loin d’un « compromis historique » avec le reste du Canada, qu’il évoquait avec une certaine grandiloquence dans son livre sur le projet Saint-Laurent, mais il a au moins osé aborder le sujet, alors que Pauline Marois et Philippe Couillard ont fui la question constitutionnelle durant toute la campagne.

Il est vrai que le chef de la CAQ ne courait pas un grand risque. Sachant très bien que celui-ci n’a aucune chance de diriger le prochain gouvernement, M. Harper n’avait aucune obligation de réagir, tandis que des demandes venant de M. Couillard n’auraient pas pu demeurer sans réponse. Quand le gouvernement Charest avait voulu limiter le « pouvoir de dépenser » du gouvernement fédéral, il s’était heurté à un mur.

Force est néanmoins de reconnaître que M. Legault a non seulement fait les meilleurs débats, mais aussi la meilleure campagne. Surtout la plus cohérente. Les politiciens en campagne réservent généralement un accueil positif à tous les projets qu’on leur présente. Conséquent avec l’austérité qu’il prêche, le chef de la CAQ s’est promené un peu partout en promettant plutôt de les annuler.

Malgré quelques excès de langage déplorables, son franc-parler a quelque chose de rafraîchissant. En 2012, on l’avait déjà accusé de vouloir purger la direction des sociétés d’État. Il a récidivé lors de son passage au Devoir : un gouvernement caquiste mettrait à la porte le p.-d.g. d’Investissement Québec, Mario Albert, et celui d’Hydro-Québec, Thierry Vandal. Pourquoi pas, s’il désapprouve leurs orientations ?

Il se défend bien de donner un one man show, soutenant même avoir une meilleure équipe qu’en 2012. Il y a sans doute là des gens de valeur, mais aucun de ses nouveaux candidats n’a une notoriété comparable à celle de Jacques Duchesneau ou Gaétan Barrette. Les inconnus ont malheureusement très peu d’audience. D’ailleurs, le slogan de campagne de la CAQ — « On se donne Legault » — dit tout.

S’il est battu dans L’Assomption, il quittera la politique. S’il l’emporte, il assure qu’il demeurera à son poste pour les quatre prochaines années. Sa performance au dernier débat a sans doute amélioré ses chances, mais c’est loin d’être dans le sac. Repasser la barre des 20 % dans l’ensemble du Québec serait déjà un exploit pour la CAQ, mais elle pourrait devoir se contenter d’une poignée de sièges.

Elle avait obtenu 27 % du vote en 2012, mais M. Legault l’avait emporté avec une majorité d’à peine 1078 voix sur son adversaire péquiste Lizabel Nitoi, une jeune femme d’origine roumaine qui a été tassée pour faire place à l’ancien député bloquiste Pierre Paquette, beaucoup plus connu.

M. Legault voulait être premier ministre, que ce soit au PQ ou ailleurs. Il préférerait sans doute retourner à ses affaires plutôt que de demeurer sur les banquettes de l’opposition à la tête d’un groupuscule. Même l’expérience de la balance du pouvoir n’a pas été particulièrement exaltante. Il serait pourtant regrettable qu’il disparaisse complètement du paysage.

Qu’on soit pour ou contre les commissions scolaires, il semble tout à fait pertinent de s’interroger sur la nécessité de les maintenir. On peut aussi se demander s’il est bien avisé d’investir plus d’un million pour chaque emploi créé dans une cimenterie destinée à cannibaliser celles qui existent déjà. Ses propositions peuvent être contestables, mais le chef de la CAQ a le don de poser les bonnes questions.

Il a beau avoir adopté les positions antisyndicales de la défunte ADQ, M. Legault n’est pas un réactionnaire dans l’âme. Il se réclame même de la social-démocratie, pour autant qu’elle se conjugue à la suédoise.

Le fond de sa pensée constitutionnelle demeure aussi ambigu. Même parmi ses députés, on soupçonne que le souverainiste sommeille toujours en lui. Il a beau assurer qu’il se rangerait dans le camp du Non s’il y avait un autre référendum, cela reste à voir.

Comment peut-il déplorer le tort que les deux premiers Non ont causé au Québec tout en promettant de faire la promotion d’un troisième ? « Je ferais campagne pour dénoncer que le gouvernement veuille faire un référendum », réplique-t-il. Le problème est que la Loi sur la consultation populaire ne prévoit pas la formation d’un comité à cet effet. Heureusement, Pauline Marois semble reporter la tenue d’un référendum un peu plus chaque jour.


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