Plus de 250 personnes assistaient, ce mercredi, 2 avril, à un débat très attendu entre les candidats qui briguent les suffrages dans la circonscription de Gouin. Le candidat libéral brillait par son absence, tandis que la CAQ était représenté par Paul Franche et Option nationale par Olivier Lacelle.
Mais, bien entendu, la foule s’était déplacée en prévision d’un affrontement entre la députée Françoise David de Québec Solidaire et Louise Mailloux, la candidate du Parti Québécois, ce que les applaudissements nourris pour ces deux candidates ont confirmé.
Des enjeux locaux
Comme il se devait, une partie du débat a été consacrée aux enjeux propres à la circonscription. À ce chapitre, Françoise David et Louise Mailloux ont largué les deux autres candidats.
Que Françoise David se distingue par sa connaissance des enjeux de la circonscription, qu’elle habite depuis 35 ans et qu’elle représente depuis 18 mois, n’avait rien d’étonnant, mais Louise Mailloux a surpris par sa maîtrise des dossiers locaux (logement, transport, écoles, etc.), mais surtout par l’énumération des solutions concrètes proposées par son parti.
Deux exemples illustrent la différence d’approche entre les deux. Sur la gentrification du comté, Françoise David a raconté qu’elle avait « mis sur pied un comité de recherche pour documenter le phénomène » et qu’elle entendait bien faire pression pour qu’on apporte des modifications à la Régie des loyers. Elle n’a évidemment pas manqué de rappeler qu’elle avait obtenu, lors du deuxième débat des chefs, un engagement des autres partis en faveur d’une loi contre l’éviction des aînés.
Louise Mailloux a plutôt mis l’accent sur les engagements concrets du Parti Québécois : une politique nationale de l’habitation, la création de 7500 logements sociaux, 345 millions $ pour la rénovation des maisons, des améliorations aux registres des baux, etc.
La question de la fermeture possible de l’édifice situé au 6839 Drolet, où logent nombre de groupes communautaires, illustre encore mieux la position des deux candidates. Pour assurer sa survie, Françoise David a parlé de la nécessité de « mobiliser la population », alors que Louise Mailloux a souligné que le Parti Québécois a prévu un fonds de 10 millions de dollars pour l’achat de tels édifices au profit des groupes communautaires, et que le ministre Jean-François Lisée avait déjà rencontré les groupes locataires du 6839 Drolet à cet effet.
La Charte de la laïcité
La salle s’attendait, bien entendu, à un affrontement entre les deux candidates à propos de la Charte de la laïcité. Louise Mailloux avait allumé la mèche dans son allocution d’ouverture en disant qu’elle avait été membre de Québec solidaire et avait milité dans Rosemont à une élection précédente pour faire élire François Saillant. « Cependant, j’ai rompu avec QS à cause de son absence de critique des religions, de sa trahison à l’égard du féminisme », a-t-elle lancé.
La table était mise et deux intervenantes de la salle s’y sont invitées. Une première a déploré les gestes d’agression verbale à l’égard de femmes voilées, dont elle a déclaré avoir été témoin, et en a attribué la responsabilité à la Charte.
L’autre intervenante, d’origine marocaine et brésilienne, a tenu un tout autre discours. Elle a réclamé une Charte pour la défense de la laïcité et a vertement critiqué QS, et plus particulièrement Amir Khadir, pour avoir cautionné la ségrégation entre les femmes et les hommes lors de sa participation à une assemblée d’une organisation musulmane, où les femmes et les hommes occupaient chacun leur côté de la salle.
Françoise David et Louise Mailloux ont, toutes les deux, dénoncé l’intimidation dont des femmes auraient pu être victimes. Mais Louise a aussi rappelé que des femmes musulmanes avaient témoigné, devant la commission parlementaire chargée d’étudier le Projet de loi 60,, des pressions et des menaces qu’elles subissaient dans leur communauté pour les forcer à porter des signes religieux ostentatoires.
Quant à Françoise, elle a esquivé le débat soulevé par Louise et par la deuxième intervenante en qualifiant le tout de « Gros mots »!
La Question nationale
Le débat s’est animé sur la question nationale. À la question « Quand et comment allez-vous faire l’indépendance? », Françoise David a rappelé la position de son parti : mise sur pied d’une assemblée constituante, qui « va délibérer pendant 18 mois, peut-être 2 ans » et « un ou des référendums » sur le projet de constitution et l’avenir du Québec.
À l’argument de Louise Mailloux, selon lequel QS laissait la porte toute grande ouverte à une adhésion au Canada, Françoise David s’est dite confiante qu’un « peuple mobilisé opterait pour la souveraineté ».
Louise Mailloux a rappelé la position de son parti : dépôt d’un Livre Blanc et référendum « au moment jugé opportun ».
En réponse à un intervenant qui se plaignait de la division du vote et de l’absence d’alliances entre les formations indépendantistes, Françoise David a justifié la position de son parti en invoquant « les compressions adoptées par le Parti Québécois en santé, en éducation et à l’aide sociale ».
Olivier Lacelle d’Option nationale a rétorqué : « Si tel est le cas, pourquoi QS a-t-il refusé toute entente avec Option nationale? » En fait, il est bien connu que la décision de QS n’est pas conjoncturelle. Son dernier congrès a rejeté toute alliance avec quelque parti que ce soit.
Louise Mailloux s’en est prise à QS qui joue la « carte de la pureté » et a soutenu que la lutte pour l’indépendance nationale « nécessite la constitution d’un Front uni » et qui « si le PQ n’est pas assez à gauche, c’est en bonne partie parce que les progressistes et les syndicalistes l’ont quitté pour rallier QS. » Elle a rappelé que la division du vote souverainiste avait coûté au moins 11 circonscriptions au Parti Québécois et, donc, un gouvernement majoritaire.
Question nationale et question sociale
Un autre intervenant a posé une question franche : « Préférez-vous un Québec de gauche au sein du Canada ou un Québec de droite indépendant? »
Le candidat de la CAQ a répété la position « ni fédéraliste, ni souverainiste » de son parti. Celui d’Option nationale s’est prononcé en faveur de la deuxième option, en disant qu’il serait toujours possible de se débarrasser du gouvernement de droite, une fois le Québec devenu indépendant.
Françoise David a soigneusement évité de répondre clairement à la question, en y allant d’une profession de foi en faveur de la souveraineté. Quant à Louise Mailloux, elle a déclaré que le projet indépendantiste n’était pas subordonné au socialisme.
Et le gagnant est…
Dans son discours de clôture, Françoise David a déclaré que son objectif était d’être, avec les autres députés de QS, la « conscience de l’Assemblée nationale ». Louise Mailloux a rappelé les principales réalisations de son parti depuis 18 mois (abolition de la hausse des droits de scolarité, fermeture de Gentilly 2, fin de la production d’amiante, etc.) et a mis les électeurs et les électrices de Gouin devant le choix suivant : « Vous avez le choix entre une députée qui va chialer ou une députée d’un gouvernement qui va vous aider à réaliser vos projets ».
En résumé, une soirée bien animée, qui a permis l’expression des points de vue des partis. Mais le grand gagnant de ce débat est peut-être… le Parti Libéral! L’absence de son candidat a occulté le fait qu’il sera le grand bénéficiaire de la division du vote souverainiste et progressiste.
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