Gilles Duceppe paie le prix de la coalition

Recomposition politique au Québec - 2011



Le chef démissionnaire du Bloc québécois, Gilles Duceppe.
PHOTO: GRAHAM HUGHES, PC


L'élection de lundi a été marquée par un recul historique du Bloc québécois dont le chef a été battu et qui n'a fait élire que quatre candidats avec 23,4% du vote au Québec. Ce score est le résultat d'une alliance contre-nature de Gilles Duceppe avec une gauche canadienne-anglaise hostile à la différence québécoise. Ajoutons à cela une diabolisation à outrance des conservateurs et on comprend mieux à quel point le Bloc a scié lui-même la branche sur laquelle il était assis.
Cette dynamique s'est manifestée de plusieurs façons au cours des dernières années et durant la campagne électorale. Gilles Duceppe n'a jamais fermé la porte à une coalition et il a toujours été clair qu'un tel exercice serait nécessairement tourné contre les conservateurs, coupables d'être de droite et par conséquent hostiles aux valeurs québécoises, c'est-à-dire aux valeurs de gauche professées par les cadres du Bloc dont plusieurs, à l'image de M. Duceppe, sont issus de la CSN, voire de l'extrême gauche.
Pourtant, les conservateurs sont loin d'être les plus hostiles à la différence québécoise. Même s'ils ne la suivent pas toujours, leur doctrine officielle est de respecter les compétences provinciales et ils ont posé des gestes significatifs pour régler le déséquilibre fiscal.
On ne peut pas en dire autant de la gauche canadienne, que le Bloc a pourtant appuyé en maintes occasions. Au cours des dernières années, M. Duceppe est notamment monté au créneau parce que les conservateurs ont coupé des subventions à des groupes de femmes souvent voués à une vision féministe radicale de la société. Ces mêmes lobbys ont pourtant maintes fois exprimé leur hostilité à l'identité québécoise dans le passé. À l'époque de l'accord du lac Meech, par exemple, ils avaient utilisé une stratégie de Québec bashing d'une malhonnêteté sans précédent pour dénoncer la clause de la société distincte, affirmant qu'elle servirait à forcer les femmes québécoises à retourner au foyer et à avoir plusieurs enfants.
Le Bloc a aussi rué dans les brancards lorsque le gouvernement conservateur a sabré dans le programme de contestation judiciaire. Créé par nul autre que Pierre Trudeau, celui-ci consistait à offrir des fonds publics à différents groupes souhaitant contester les lois fédérales ou provinciales, dont la loi 101, en invoquant la charte des droits et libertés. À l'instar des groupes de femmes, les partisans de ce programme ont entrepris une saga judiciaire qui a été la plupart du temps vouée à la promotion du multiculturalisme et à l'éradication de nos traditions, notamment les valeurs laïques héritées de la Révolution tranquille.
Certes, on ne saurait résumer complètement l'action du Bloc à tout cela. De temps à autre, et parfois en catastrophe comme dans la dernière semaine de campagne, M. Duceppe rappelle le coup de force constitutionnel de Trudeau, défend la loi 101 et articule une vision vraiment nationale du Québec. La plupart du temps toutefois, il appelle au vote de gauche contre les méchants conservateurs. Il devient ainsi l'émule d'André Boisclair qui, en 2007, avait invité les progressistes, féministes et altermondialistes à se joindre à lui.
Cette approche n'a jamais été la raison d'être du Bloc québécois. Celui-ci doit défendre d'abord et avant tout les intérêts supérieurs du Québec, soit les enjeux qui font consensus comme la défense de notre autonomie, de notre langue et de nos traditions, toutes fragilisées dans le Canada bilingue et multiculturel qui nous est imposé depuis 1982.
Par aveuglement idéologique, le chef du Bloc s'est éloigné de cette ligne de conduite et a légitimé la gauche anglophone et le NPD en faisant cause commune avec eux. Du coup, il a invité des milliers d'électeurs à déserter son parti. Aujourd'hui, Gilles Duceppe paie le prix de la coalition.
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Frédéric Bastien
L'auteur est professeur d'histoire au collège Dawson.

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.





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