Gaz de schiste - Le lobbyiste siège

Le Québec et la question environnementale



Le cabinet du ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs fulminait vendredi, à la lecture de la manchette du Devoir sur la composition du comité qui doit évaluer le dossier d'exploitation des gaz de schiste. Notre article, nous a-t-on écrit, errait «de façon inacceptable», affichait «une carence de rigueur déconcertante» et autres termes du même acabit. Décidément, la vérité fait mal. À moins que l'on nous prenne vraiment pour des imbéciles?
Québec a beau le nier, il est clair que le privé est surreprésenté au sein du comité chargé de l'évaluation environnementale stratégique (EES) sur les gaz de schiste. Techniquement, deux sièges lui sont réservés. Pourtant, trois autres, dont les deux réservés aux municipalités, sont occupés par des gens du privé, et non par un élu ou un employé d'administration municipale uniquement redevables aux citoyens. Que ces gens aient été recommandés par l'Union des municipalités ou la Fédération québécoise des municipalités, comme le plaide le ministère, ne change rien à ce fait objectif.
De même, les écologistes n'y ont pas leur place. Attention, dit le bureau du ministre: est écologiste celui qui a reçu une formation en écologie! Vu sous cet angle, Michel Lamontagne, président fondateur du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement en 1979, ex-directeur des Muséums nature de Montréal et actuel conseiller en gestion environnementale, choisi pour siéger au comité, répond au critère.
Mais, de nos jours, qui dit écologiste pense surtout «militant» ou «activiste» — comme ceux que l'on a beaucoup vus dans la bataille contre les gaz de schiste. Il faut croire qu'ils ont échappé à l'attention du gouvernement. Pourtant, si un André Bélisle ou un Daniel Breton occupaient l'un des deux sièges réservés à la «société civile» au sein du comité, comme la dynamique de celui-ci serait transformée! Ils feraient au moins contrepoids à Junex et à Talisman Energy, gros joueurs dans le dossier de l'exploitation des gaz de schiste qui, pinçons-nous!, occupent les deux sièges «entreprise privée» du comité. C'est déjà grossier. Mais il faut aussi rappeler que, pendant l'EES, l'industrie privée n'aura pas le droit d'avoir recours à la fracturation hydraulique dans sa quête de gaz de schiste. À moins que le comité n'ait besoin de faire des tests. Comme Junex et Talisman seront bien placées pour se porter volontaires! À des fins scientifiques bien sûr...
Aux yeux gouvernementaux, tout cela ne pose aucun problème. Le ministère le répète: les nominations ont été faites dans les formes, avalisées par le BAPE, etc. Mais il y a belle lurette que le gouvernement n'a plus le même regard sur la chose publique que ce qu'implique l'exigence du bien commun.
Quand le BAPE, dans son rapport sur les gaz de schiste du début mars, va demander la tenue d'une EES afin de «fixer les conditions de réalisation des activités [faisant l'objet de l'étude] pouvant même mener à leur interdiction», le citoyen comprend que ce qui est attendu des membres du comité à venir, c'est une indépendance d'esprit. Pas que les lobbyistes des entreprises actives dans le secteur soient autour de la table. Encore moins sans contrepartie du même poids.
La composition actuelle du comité règle au moins le sort de la première question à laquelle il doit répondre: établir la pertinence socioéconomique de l'exploitation de la ressource gazière. T-r-è-s pertinent, cher public. Question suivante...
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jboileau@ledevoir.com


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