Exploration minière - Mauvais conte

Plan nord



Le gouvernement Charest présente ce matin sa nouvelle mouture de l'archaïque Loi sur les mines. Le geste est attendu tant le Québec vit une totale incohérence entre la vitalité que l'on dit souhaiter pour les communautés locales et l'absence de pouvoir qui leur est donné pour gérer leur territoire. Où ira le Québec si ceux qui y résident en perdent le contrôle?
Après les villages de la région de Québec et de la Montérégie, frappés de plein fouet par la vague des gaz de schiste; après ceux des Laurentides, nouveaux terrains de jeu pour l'exploration minière; après Saint-Camille, en Estrie, village modèle qui voulait vivre autrement et qui doit aujourd'hui résister aux chercheurs d'or, c'est au tour de Saint-Élie-de-Caxton d'être confronté à l'appétit des prospecteurs miniers.
C'est là tout un symbole. Saint-Élie est devenu l'archétype des villages du Québec: grâce au génie de Fred Pellerin, il les transcende tous, et tous peuvent s'y identifier. Quel signe faut-il alors lire dans ce mauvais conte qui le met en scène et dans lequel, pas plus tard qu'à Pâques, jour qu'on croyait voué au repos, une compagne minière de la lointaine Colombie-Britannique a envoyé un hélicoptère survoler «son» territoire, dont elle a acquis les droits en sous-sol? Que ce sous-sol s'adonne à être celui de Saint-Élie, qui ignorait tout du projet, n'a ici aucune importance. La compagnie, Fancamp Exploration, ne sait rien — et ne veut rien savoir —, de Fred Pellerin et de son village mythique. Mais le sol, ah le sol!, serait riche de cuivre et de zinc, de celui qui remplira d'argent sonnant les poches de lointains actionnaires.
Ainsi le veut la loi actuelle, Saint-Élie, comme tous les autres villages avant lui, n'a rien à dire. Il suffit qu'un seul propriétaire privé cède aux chants de sirènes d'une compagnie et la laisse creuser sa terre pour qu'il devienne impossible pour une collectivité de bloquer un projet minier. Qu'un village privilégie la qualité de vie, les produits du terroir, la villégiature, l'agriculture, le développement durable..., tout cela n'a légalement aucune importance. Pourvu qu'il soit riche et qu'il ait acquis des droits, c'est l'étranger au village qui en dessinera l'avenir, qui y fera la loi.
On peut bien au Québec employer des mots comme «aménagement durable du territoire» ou «plan d'urbanisme», sujets d'un projet de loi présentement débattu à l'Assemblée nationale, nous restons, sous bien des aspects, dépendants de volontés que nous ne contrôlons pas et qui n'ont que faire de l'intérêt collectif. L'exploitation des ressources naturelles en est un exemple, mais il y en a d'autres.
C'est d'ailleurs un anniversaire, celui des 20 ans du regroupement Solidarité rurale, qui permet d'en prendre conscience. En 1991, les collectivités rurales luttaient pour leur survie, soucieuses de garder leurs écoles ou leurs bureaux de poste. La bataille pour conserver des services de proximité, ne serait-ce qu'un dépanneur, est loin d'être finie, comme le notait hier le cahier spécial que nous avons consacré à la ruralité. Mais ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que même les villages viables doivent lutter pour leur intégrité et le respect de choix collectifs.
Cette fragilité-là ne concerne pas que Saint-Élie, Saint-Camille ou Saint-Hippolyte, mais tout le Québec. Notre avenir passe par l'occupation du territoire, mais celle-ci n'a aucun sens si on fait fi de ceux qui l'habitent au profit de ceux qui l'exploitent. C'est d'un choix fondamental dont il est question ici, qui ne concerne pas que le Plan Nord. La réponse gouvernementale se doit d'être à la hauteur.
***
jboileau@ledevoir.com


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->