Cette semaine, le Conseil supérieur de la langue française (CSFL) affirmait que le Québec ne prenait pas tous les moyens nécessaires pour intégrer ses immigrants. L'organisme-conseil a donc fait la demande au gouvernement de faire plus et mieux pour franciser les immigrants et faciliter leur accès au marché du travail. Enseignant en francisation depuis quatre ans maintenant, je peux vous assurer que l'organisme n'a pas tort: nos immigrants adultes ne sont pas assez francisés, ni assez intégrés dans notre société. Vous seriez probablement surpris, en mettant les pieds dans une classe comme la mienne, de constater que plusieurs immigrants habitant au Québec depuis 5, 10 ou même 15 ans peinent à s'exprimer en français.
Le gouvernement du Québec devrait d'ailleurs exiger, à l'instar de plusieurs autres pays, une connaissance du français avant de s'établir au Québec. Le cas échéant, il faudrait que chacun de nos immigrants passe par un processus obligatoire de francisation ayant comme objectif de les rendre plus fonctionnels dans la société, et plus facilement employables.
Nous pensons souvent à tort que les adultes immigrants sont pris en charge par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC) pour leur francisation. Au Québec, la francisation est facultative, et plusieurs ne mettent donc jamais les pieds dans une classe. Notre gouvernement mentionne souvent que la francisation est primordiale, et coupe pourtant dans nos structures. En avril 2010, le gouvernement du Québec a fermé 30 classes de niveau écrit au MICC, en plus d'abolir des classes de type Emploi-Québec.
Certains diront que les immigrants n'ont pas besoin d'écrire, mais qu'ils doivent plutôt bien maîtriser la langue parlée. C'est faux. Les nouveaux arrivants sélectionnés par le MICC le sont d'abord pour leurs compétences professionnelles, plusieurs se doivent d'ailleurs de réussir des examens d'ordre professionnel. S'ils sont sélectionnés pour leurs compétences professionnelles, on
s'attend à ce qu'ils puissent exercer leur profession ici une fois que leur francisation sera terminée. Ce qui n'est pas toujours le cas présentement.
Les raisons invoquées par le gouvernement pour justifier ces compressions sont évidemment financières, mais économiquement parlant, il coûte plus cher de ne pas franciser nos immigrants. Au Québec, le taux de chômage est presque deux fois plus élevé chez les immigrants que chez les Québécois de «souche».
Il est pourtant très important, pour la société québécoise et pour l'immigrant, que celui-ci occupe un emploi à la mesure de ces compétences. D'autres pistes de solution existent. Cependant, il faut de la volonté politique et une sérieuse réflexion de société sur l'intégration de nos immigrants. Il serait de plus fondamental de franciser les lieux de travail. Plusieurs solutions en ce sens pourraient être instaurées, les entreprises employant 50 employés et moins pourraient être soumises à la loi 101, par exemple.
Plusieurs personnes me disent souvent que la majorité des immigrants qui arrivent ici parlent déjà français. Pourtant, en observant les statistiques récentes du MICC, nous nous rendons compte qu'au moins le tiers de nos immigrants ne parlent pas un mot de français en mettant les pieds ici. Pire encore, plusieurs immigrants ne sont pas informés de la langue officielle du Québec par les agents d'immigration et demeurent surpris en arrivant ici de se rendre compte qu'on ne parle pas, à l'instar du Canada, majoritairement anglais, mais plutôt français.
Les immigrants s'établissent au Québec pour améliorer leurs conditions de vie, ce serait donc un grand service à leur rendre que le gouvernement leur fournisse l'outil d'intégration le plus puissant qui soit: la langue française. Le Québec a besoin d'une véritable réflexion sur la nécessité d'intégrer les gens au Québec. Le traitement qu'on réserve aux immigrants présentement est injuste. Si nous ne pouvons même pas offrir notre langue à nos immigrants, comment pourrons-nous leur permettre de réussir à s'intégrer au Québec?
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Tania Longpré, enseignante en francisation à la Commission scolaire de Montréal
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