L’échec du multiculturalisme révèle les impasses du progressisme

Multiculturalisme - subversion intégrale!



Auteur : Félix - Les sociétés européennes traversent actuellement ce qu’on pourrait appeler une “crise du multiculturalisme” résultant d’un manque d’intégration de certaines populations extra-européennes (en particulier musulmanes) arrivées massivement et récemment sur le sol européen, ce qui occasionne de profonds bouleversements. Au-delà de la constatation des faits directement visibles, il est intéressant de comprendre les mécanismes qui ont d’abord permis la fragilisation des sociétés européennes de l’intérieur, et en quoi ils sont révélateurs des travers d’une certaine mentalité dite “progressiste”.
Le propre des diverses cultures humaines a toujours été d’introduire dans les rapports humains et les événements sociaux une part de symbolique. Se serrer la main, applaudir (ou siffler) à la fin d’un spectacle, respecter une minute de silence sont par exemple autant d’attitudes qui n’ont pas de signification intrinsèque mais uniquement symbolique dans une culture donnée. De la même manière, les événements collectifs (rencontres sportives, célébrations religieuses, fêtes) comportent également une part de symbolique, dont la portée dépasse souvent l’événement en lui-même : en se réunissant au même moment pour un même motif, on perpétue une tradition, on se rencontre, on partage les mêmes valeurs. L’ensemble de ces traditions, rites, usages que l’on connaît sans les avoir jamais appris explicitement constitue justement la culture, et est propre à chaque peuple, société ou groupe.
Dans toutes les civilisations et, à plus petite échelle, dans toute société, ethnie ou groupe (et c’est particulièrement visible dans les sociétés primitives), ces diverses usages aboutissent à la formations d’éléments structurés et institutionnalisés dont l’usage principal, bien qu’il ne saute pas forcément immédiatement aux yeux, est d’assurer la pérennité de la société en question, sa cohésion ainsi que sa protection face aux influences extérieures. Ces structures sont généralement mises à l’abri de la critique par un système de tabous, c’est-à-dire une censure interne que les membres du groupe ont inconsciemment intériorisée et qui fait que l’on s’interdit de remettre en cause ces symboles, car si on le fait, on contribue à mettre en péril l’édifice sociétal. Dans les sociétés européennes traditionnelles, c’était par exemple l’armée, l’Eglise, la police, la famille, le mariage, les traditions culturelles enracinées, le roman national, qui permettaient cette cohésion, et dont la critique était souvent difficile. Songeons qu’il y a quelques dizaines d’années, des artistes comme Georges Brassens ou Boris Vian avaient eu des ennuis pour des chansons raillant la police ou prônant la désertion, qu’avoir un enfant hors mariage était synonyme d’opprobre, qu’on pouvait interdire un journal (en l’occurrence l’hebdo Hara-Kiri) qui s’était moqué de la mort du général de Gaulle, ou qu’on faisait apprendre aux écoliers français une version idyllique de l’Histoire de France.
Une inversion des valeurs qui fragilise et transforme la société
Au fil des ans, le progressisme a, lentement mais sûrement, bouleversé en profondeur cet état de fait en lui faisant faire un virage à cent-quatre-vingt degrés. Tout ce qui fondait la société traditionnelle (religion, identité nationale…) est désormais soumis au feu nourri de la critique, dénigré, présenté non plus comme unifiant ou assimilateur mais au contraire comme étant excluant, discriminateur, désuet ou synonyme d’étroitesse d’esprit et de haine de l’Autre : le nationalisme est guerrier, la police est fasciste (“CRS-SS !“), l’Eglise est inadaptée à la modernité, l’assimilation est néo-colonialiste, l’identité nationale est raciste. Le progressisme a également évacué toute signification symbolique des rites sociaux au profit d’une analyse purement objective et rationaliste : par exemple, puisque le mariage n’est pas obligatoire pour vivre en couple et procréer, pourquoi se marier ? Or le mariage est également un symbole, un lien, l’occasion d’une cérémonie, c’est-à-dire de choses qui n’ont pas un apport immédiatement visible mais qui contribuent à créer un petit maillon de lien social ; cela, le progressisme semble l’ignorer complètement…
Dans le même temps, le tabou, c’est-à-dire ce à propos de quoi tout le monde a intériorisé l’interdiction absolue de formuler la moindre critique, protège désormais non plus ce qui pérennise la société, mais au contraire ce qui la transforme et contribue à l’abolir, en particulier tous les éléments d’origine extérieure à celle-ci (religion musulmane, cultures minoritaires, immigration, homosexualité, etc.). L’immigration est forcément une richesse, l’islam forcément une religion de paix, le métissage généralisé un horizon à atteindre, le multiculturalisme une harmonie, etc. Et gare à vous si vous osez dire que vous êtes contre, car vous vous exposez alors, au pire des cas, à des procès et une opprobre généralisée, et au mieux à une mise au placard, une ignorance polie, une discrimination de fait, même elle ne se définie pas officiellement comme telle.
Les progressistes (du moins certains) n’ont en effet pas pour seul but de défendre les groupes minoritaires ou discriminés (juifs, homosexuels, immigrés, femmes…) et les idées humanistes (laïcité, féminisme…) pour leurs valeurs propres : dans leur inconscient, il s’agit également d’abattre les sociétés traditionnelles occidentales et l’ordre ancien afin d’en construire de nouveaux, de faire table rase du passé (on rejoint là l’utopie marxiste), car ces sociétés ont tous les torts à leur yeux : elles sont archaïques, élitistes, machistes, homophobes, racistes, antisémites, intégristes, etc. Défendre le parti adverse permet donc de contribuer à renverser ces sociétés : être pour la laïcité est une façon d’être contre l’Eglise, être féministe permet de contester la société patriarcale, encourager l’immigration permet de transformer la population (à défaut d’avoir pu changer l’Homme, on change les hommes), défendre les pauvres est un moyen de lutter contre la bourgeoisie, etc.
C’est dans ce cadre qu’il faut également voir la promotion du mariage homosexuel par les gens de gauche : c’est a priori incongru pour un progressiste de défendre une institution traditionaliste comme celle du mariage, sauf dans le cas du mariage homosexuel, car cela constitue une façon de désacraliser le mariage traditionnel en le mettant au même niveau, tout comme le multiculturalisme entend désacraliser la culture du pays d’accueil en la mettant au même niveau que les cultures étrangères venues s’implanter sur le territoire, ou que les expositions d’art moderne (Takashi Murakami, Jeff Koons, Bernar Venet) au château de Versailles permettent de désacraliser la culture classique en la mettant face au modernisme le plus provocateur et le plus désinvolte : souillure symbolique par contagion, désacralisation, subversion intégrale.
Dès lors qu’on a repéré cet état d’esprit sous-jacent, il est facile de comprendre pourquoi des laïcards virulents contre l’Eglise catholique se révèlent bien timorés face à l’islam, pourquoi des “vigilants” contre l’antisémitisme néo-nazi deviennent aveugles face à l’antisémitisme d’origine maghrébine, pourquoi des antiracistes refusent obstinément de voir en face le racisme anti-blanc, pourquoi des féministes restent silencieuses devant la condition des femmes musulmanes : tout simplement parce que ces atteintes aux droits qu’ils prétendent défendre proviennent cette fois-là non pas de la société traditionnelle qu’ils haïssent, mais au contraire des nouveaux peuples ayant vocation à la remplacer, et donc forcément meilleurs selon les progressistes, puisqu’ils sont les éléments contribuant à la transformation radicale de la société qu’ils appellent de leurs vœux.
Cette inversion complète des mentalités imposée aux individus ne peut que contribuer à fragiliser très grandement la cohésion de la société en question, puisqu’on est face à une idéologie qui favorise la critique de tout ce qui peut maintenir l’ordre ancien en place, et en même temps qui sanctuarise tout ce qui contribue à le mettre à bas en en interdisant toute remise en cause. Si, en plus de cela, vous mettez en place de façon concrète les éléments nécessaires à cette transformation (en s’ouvrant à l’immigration massive, en favorisant et glorifiant l’implantation de cultures et de religions minoritaires au nom de la “diversité”), vous ajoutez à l’ébranlement psychologique un délitement bien réel, les deux s’auto-alimentant puisque toute critique de ce changement est immédiatement réprimé par la police de la pensée. Les individus sont alors soumis à une sorte de dissonance cognitive (état désagréable entre la réalité et la perception qu’on en a) par exemple lorsqu’ils éprouvent une gêne légitime au vu de l’érosion de leur culture ou au remplacement de leur peuple et que dans le même temps, la pensée dominante leur a fait intérioriser l’idée selon laquelle émettre une telle idée était assimilable au mal absolu. Dans ce cas, le cerveau va tenter de sortir de cette situation désagréable par divers procédés : en relativisant, biaisant le réel, voire s’enfermant dans un déni généralisé (ce qui ne peut qu’accroître le problème au lieu de contribuer à le régler) ou, dans les pires des cas (heureusement assez rares), en basculant dans la violence aveugle (comme ce fut hélas le cas en Norvège).
Des valeurs de remplacement qui ne font pas vraiment leurs preuves
Cela dit, les apôtres du progressisme ont quand même prévu diverses créations destinées à pallier la destruction de tout ce qui structurait autrefois la société, mais ces créations ex nihilo proviennent presque toujours “d’en haut”, des élites, et sont imposées au peuple, tandis que celles des sociétés traditionnelles s’étaient lentement créées d’elles-mêmes au fil du temps, émanaient des individus et étaient enracinées dans une tradition, un terroir, une culture, ce qui leur donnait leur caractère unique. Les créations modernes, au contraire, sortent tout d’un coup de nulle part, n’ont pas d’enracinement et se fondent avant tout sur des idées abstraites.
Dans le cas des manifestations sociales, la vague de “festivisme” dénoncée par Philippe Muray à la fin des années 90 dans Après l’Histoire (comme par exemple la Fête de la Musique, originaire de France et exportée dans le monde entier, ce qui montre bien que ce genre de manifestation provient de la culture mainstream qui plaît à tout le monde quelle que soit sa culture) est censée servir de nouveau point de ralliement suite à la disparition des fêtes traditionnelles (bals populaires, etc.) ou religieuses. Le “Paris-plage” montre bien encore l’idée de subversion qui irrigue le progressisme (mettre la plage à la ville, ou faire se côtoyer les deux extrêmes opposés). Si les tentatives de manifestations comme les apéros “saucisson-pinard” ont suscité tant de haine chez les bien-pensants, ce n’est pas seulement parce qu’elles mettaient en lumière la veulerie des politiciens qui fermaient complaisamment les yeux sur les prières musulmanes illégales dans les rues (et qui continuent d’ailleurs à le faire), c’est aussi parce que le saucisson et le vin sont des symboles d’une identité culturelle traditionnelle française et non pas du modernisme comme le sont par exemple la Gay Pride Parade ou la Techno Parade, seuls genres de thèmes adoubés par le progressisme pour les rassemblement festifs.
Quant aux systèmes de valeurs proposés (multiculturalisme, “vivre-ensemble”), ils ont bien du mal à séduire étant donné qu’ils se basent avant tout sur des idées naïves et théoriques qui n’ont par définition, jamais été mis à l’épreuve des faits et dont on ne peut garantir les résultats. Ce n’est pas parce qu’on pense qu’il serait bien que différentes cultures puissent cohabiter harmonieusement que c’est ce qui se passe quand on met sur le même territoire plusieurs peuples très différents, dont certains n’ont parfois aucune velléité à tolérer la culture des autres ! Il ne faut pas confondre la société telle qu’elle est et telle qu’on voudrait qu’elle soit. Or la caractéristique de ceux qui implantent ces systèmes d’idées est justement qu’ils pensent qu’ils constituent un bienfait dans l’absolu et que toute critique à leur encontre ne peut émaner que de gens ayant des opinions haineuses ou un esprit fermé, ou que tout échec n’est pas dû au système en lui-même mais au fait qu’il aurait été mal ou insuffisamment appliqué.
On évoque à tort et à travers et on applique à tout et n’importe quoi des mots-concepts — qui semblent séduisants a priori — comme “citoyen”, “tolérant”, “métissé”, “valeurs républicaines”, “respect de l’autre”, mais sans jamais dire en quoi ils consistent concrètement, sans savoir comment ils s’appliquent sur le terrain ni quels en sont les tenants et aboutissants. Prenons par exemple le cas du “vivre-ensemble”. Dans un contexte assimilateur, cela signifie que c’est aux nouveaux venus de se plier aux règles de la société d’accueil. Dans un contexte multiculturel, “vivre-ensemble” signifie que c’est à la société d’accueil de tolérer tous les particularismes des cultures minoritaires (les “accommodements raisonnables”). Deux conceptions totalement différentes que l’expression “vivre-ensemble” en elle-même ne détaille pas, ce qui montre bien l’ambiguïté et la faiblesse de ces mots-concepts.
Mais cela aussi, et surtout, un système de valeurs qui est bien peu attractif et unifiant. Autrefois, on était prêt à mourir pour défendre sa culture, sa patrie, sa civilisation. Qui, aujourd’hui, serait prêt à mourir pour le multiculturalisme, c’est-à-dire pour défendre un système dans lequel sa propre culture ne vaudrait pas mieux qu’une autre ? La simple énonciation de cette question en forme de lapalissade suffit bien à mettre en évidence son absurdité…
Une société comme celle des Etats-Unis parvient à unifier des communautés très diverses grâce au rêve américain (liberté d’entreprendre, possibilité de s’élever rapidement dans l’échelle sociale) et a un fort nationalisme, deux choses qui existent assez peu dans les sociétés européennes, ou le multiculturalisme et les slogans bonasses sur la “tolérance” ne parviennent pas à créer du lien, bien au contraire, puisqu’ils entretiennent les peuples autochtones dans un autodénigrement systématique tout en incitant les nouvelles communautés à revendiquer leur identité et à se placer dans un statut de victimes perpétuelles, ce qui fait qu’on observe un manque d’intérêt de la part des nouvelles communautés pour la culture du pays d’accueil entraînant une disparition rapide de toute identité nationale, corrélée à la substitution démographique engendrée par les flux migratoires.
Savoir garder un équilibre et regarder la réalité en face
Loin de moi l’idée de vouloir revenir à l’ordre moral, au christianisme en tant que religion d’État, à la censure de ceux qui critiquent la police ou l’armée ou à la négation des valeurs universelles. Je pense simplement que certaines structures traditionnelles sont comme l’autorité : il n’en faut ni trop (sous peine d’étouffer), ni trop peu, sous peine de voir la société se déliter (d’autant plus que les nouvelles valeurs de remplacement n’arrivent pas vraiment à créer de liens solides). Or les progressistes négligent trop souvent ce second point, en ne voyant dans les structures traditionnelles qu’un symbole à abattre pour le bien de l’humanité sans penser aux effets pervers de cette disparition, et en pensant qu’une idée généreuse et tolérante sur le papier engendrera forcément un résultat harmonieux dans la réalité. Ils feraient bien de méditer ce que disait Claude Lévi-Strauss : « On a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite alors qu’elle est faite d’habitudes, d’usages, et qu’en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on pulvérise des genres de vie fondés sur une longue tradition, on réduit les individus à l’état d’atomes interchangeables et anonymes. La liberté véritable ne peut avoir qu’un contenu concret : elle est faite d’équilibres entre des petites appartenances, de menues solidarités : ce contre quoi les idées théoriques qu’on proclame rationnelles s’acharnent ; quand elles sont parvenues à leurs fins, il ne reste plus qu’à s’entre-détruire. »
Le grand ethnologue qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’allait pas forcément dans le sens du vent qui souffle aujourd’hui à sens unique, déclarait également : « Sans doute nous berçons-nous du rêve que l’égalité et la fraternité régneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l’humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu’elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus sinon même à leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différent. »
Là se trouve bien l’écueil des sociétés européennes actuelles (ou plutôt de leurs élites), qui tendent à penser que l’on pourrait s’ouvrir, se fondre totalement dans l’Autre jusqu’au reniement de soi. Les réactions des peuples européens à cet état de fait ne sont pas des preuves de racisme ou de fermeture d’esprit mais des signes d’inquiétude légitimes face à la perte de leur identité et à l’instabilité intrinsèque des sociétés multiculturelles qui sont en train de mener à des tensions sans cesse croissantes, résultat des utopies naïves de politiciens inconséquents.
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Merci à Denis Griemar d'avoir signalé ce texte.


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