Si besoin était, les tragiques événements survenus à Saint-Jean-sur-Richelieu puis à Ottawa sont venus rappeler brutalement qu’aucune démocratie n’est à l’abri du terrorisme, même celles qui se sentent le moins menacées.
L’acte de démence du caporal Lortie, qui avait fait irruption à l’Assemblée nationale avec sa mitrailleuse en 1984, de même que la tentative d’assassinat dont Pauline Marois a été victime le soir de l’élection du 4 septembre 2014 ont été perçus comme des actes isolés, commis par des déséquilibrés qui pouvaient avoir des motifs d’ordre politique, mais qui ne répondaient à aucun mot d’ordre.
Sans présumer de ce que révéleront les enquêtes, les premières informations et le contexte dans lequel les derniers attentats sont survenus laissent penser qu’il pourrait plutôt s’agir d’individus qui, sans nécessairement être reliés, auraient répondu presque simultanément à un même discours intégriste, qui constitue assurément une invitation au meurtre.
Au fond d’eux-mêmes, bon nombre de Québécois — et sans doute de Canadiens — croyaient être à l’abri d’un phénomène pourtant planétaire. Qui donc pourrait en vouloir à ce brave petit peuple qui s’est toujours perçu du côté des opprimés ? Depuis la Crise d’octobre 1970, ils ont catégoriquement exclu le recours au terrorisme pour lutter contre ce qu’on peut légitimement percevoir comme une entrave à l’épanouissement collectif. Si le FLQ a pu susciter une certaine sympathie à l’époque, toute velléité de recourir à la violence au nom de la nation québécoise est maintenant réprouvée de façon catégorique. René Lévesque avait parfaitement résumé l’opinion générale quand il disait que le Canada n’était quand même pas le Goulag.
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Bernard Landry s’était attiré de vives reproches au Canada anglais quand une dépêche de La Presse canadienne lui avait fait dire que « les attentats terroristes étaient le résultat de l’amertume qui peut survenir quand des nations comme le Québec ne parviennent pas à réaliser leur indépendance ». Même s’il s’était bien défendu d’avoir voulu établir le moindre lien, ses propos prêtaient indéniablement à interprétation et ne traduisaient certainement pas les sentiments que la tragédie du World Trade Center avait inspirés aux Québécois.
Qu’ils soient souverainistes ou fédéralistes, ils sont aussi horrifiés que l’ensemble des Canadiens devant la barbarie des méthodes utilisées par le groupe État islamique et condamnent sans appel les crimes commis par ceux qui pourraient s’en réclamer, même si un récent sondage Ekos indiquait qu’ils étaient moins favorables aux frappes aériennes décidées par le gouvernement Harper.
Si la lutte contre le terrorisme international est devenue la grande préoccupation de l’Occident, les sociétés démocratiques peuvent aussi être minées de l’intérieur. Si la défense des libertés fondamentales est l’affaire de tous, l’indépendance journalistique face au pouvoir politique constitue un indispensable garde-fou.
Il est paradoxal que le plus important patron de presse au Québec estime pouvoir faire de la politique active sans avoir à répondre aux questions des journalistes, même s’il n’y a aucun problème à ce que le politicien qu’est aussi devenu Pierre Karl Péladeau exploite les possibilités qu’offre Facebook pour s’en prendre à ses adversaires. Le degré d’élévation et d’imagination de ses attaques contre le premier ministre Couillard et Jean-Marc Fournier est une autre question.
Même à l’époque où il était en conflit ouvert avec la Tribune de la presse, qu’il avait poursuivie devant les tribunaux durant le lockout qu’il avait imposé au Journal de Montréal, M. Péladeau reconnaissait le rôle essentiel joué par les journalistes qui en étaient membres.
« Ils sont au coeur de l’exercice démocratique puisqu’ils constituent en fait les yeux et les oreilles de la population qu’ils informent quotidiennement, lui permettant ainsi de se former une opinion éclairée sur les questions d’intérêt public », écrivait-il en octobre 2009 dans un texte publié dans Le Devoir en réplique à une de mes chroniques. Évidemment, tout cela suppose que les acteurs politiques daignent s’adresser aux journalistes.
Que cela plaise au PQ ou non, une commission parlementaire, qui devra faire rapport d’ici la fin de novembre, se penchera au cours des prochaines semaines sur le problème que pose le contrôle que PKP exerce sur l’empire médiatique de Québecor. La motion qui sera adoptée à cet effet ouvre également la porte à de nouvelles dispositions législatives.
Il revient à M. Péladeau de décider s’il veut personnellement participer aux travaux, mais le PQ devra choisir de faire partie du problème ou de concourir à sa solution. La politique de la chaise vide n’est généralement pas le meilleur moyen de défendre la démocratie.
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