L’emmerdeur

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Le mot est faible !

Heureusement que Jean-François Lisée est là pour mettre du piquant dans la course à la chefferie du PQ, même s’il fait un peu penser à ces équipes de hockey qui sont virtuellement exclues des séries éliminatoires et qui s’amusent à faire trébucher celles qui se battent encore pour y participer.

Après sa sortie sur le conflit d’intérêts dans lequel se retrouve Pierre Karl Péladeau, dont les adversaires du PQ n’ont pas tardé à tirer profit, il a lancé un deuxième pavé dans la mare en déclarant qu’il aurait voté contre le projet de loi sur la charte de la laïcité, faute d’une clause dite « grand-père » qui aurait permis aux employés de l’État déjà en poste de conserver leurs signes religieux.

Ses propos se situent peut-être à la limite de ce qu’exige la solidarité ministérielle, et sa façon de se poser en« humaniste » peut laisser entendre que ses anciens collègues l’étaient moins, mais la question de la charte n’en devient pas moins incontournable pour les candidats au leadership, qui devront maintenant préciser leur propre position. Sous leur gouverne, le PQ la remettrait-il à l’ordre du jour ? Si oui, quelle en serait la portée ? Inclurait-elle une clause grand-père ? Ceux qui réclament un débat d’idées seront servis.

Il est très possible que M. Lisée ait eu des réserves face au projet de son ex-collègue et bientôt adversaire Bernard Drainville. Certains de ses collègues en avaient aussi, mais il faut faire un très gros acte de foi pour croire qu’un homme aussi manifestement content de son sort aurait renoncé à un siège au Conseil des ministres si le PQ avait réussi à obtenir une majorité de sièges, sans laquelle le projet aurait dû être amendé de toute manière, sinon carrément abandonné.

Au lendemain de l’élection du 7 avril, il avait reproché un manque de transparence quand l’opposition avait réclamé les avis juridiques dont M. Drainville prétendait disposer, mais il n’avait jamais donné le moindre indice d’un désaccord si profond qu’il aurait senti le besoin de manifester officiellement sa dissidence.

M. Lisée sait finasser comme pas un. En fin de semaine dernière, il était catégorique : la propriété d’un empire médiatique, même si elle est confiée à une fiducie sans droit de regard, est incompatible avec le métier de politicien. Il a suffi que PKP réitère que telle était son intention pour qu’il y voie un « très grand pas en avant », même s’il l’a invité à faire preuve d’encore plus d’imagination.

Le jurisconsulte de l’Assemblée nationale, Me Claude Bisson, a d’ailleurs expliqué à La Presse qu’il ne s’agirait pas d’une véritable fiducie sans droit de regard puisque M. Péladeau insiste pour que le fiduciaire n’ait pas le pouvoir de vendre des actions de Québecor.

Sans mettre en doute la bonne foi de M. Péladeau, la population a appris depuis longtemps à prendre avec un grain de sel les « engagements d’honneur » d’un politicien. De toute manière, il aura beau jurer qu’il ne s’ingérera pas dans la gestion de Québecor pendant son séjour en politique, tout le monde sait qu’il en reprendra les commandes un jour ou l’autre.

De toute évidence, M. Lisée aime vivre dangereusement, mais il pourrait bien se brûler. Il est clair que son attaque contre PKP a déplu à plusieurs au sein de son parti. Raymond Bachand pourrait témoigner de ce qu’il peut en coûter de s’attaquer ainsi à celui qui a toutes les chances de devenir le prochain chef. Durant la course à la succession de Jean Charest, bien des libéraux ont regretté d’avoir reproché à Philippe Couillard ses liens nébuleux avec Arthur Porter. Même s’il avait voulu poursuivre sa carrière, M. Bachand n’aurait jamais retrouvé la confiance de son chef.

Qu’il s’agisse de M. Lisée ou de la CAQ, la perspective d’embarrasser, voire d’éliminer un adversaire n’est sans doute pas étrangère à ce souci de faire en sorte qu’un mur étanche sépare le médiatique et le politique. Bien évidemment, la modification du code d’éthique proposée par la CAQ vise spécifiquement M. Péladeau, mais le problème n’en est pas moins réel et le PQ aurait tout intérêt à en prendre acte plutôt qu’à crier au complot.

Manifestement moins désireux de trouver une solution que de rendre coup pour coup, son chef intérimaire, Stéphane Bédard, a lancé qu’un coup parti, on devrait aussi interdire à un député d’avoir une conjointe qui est lectrice de nouvelles, comme c’est le cas du leader parlementaire de la CAQ, François Bonnardel.

En donnant l’accord du gouvernement à la tenue d’une commission parlementaire pour examiner la question, Jean-Marc Fournier a insisté sur la nécessité de « prendre une distance avec le cas » et de l’examiner sous l’angle de la démocratie, mais cela permettrait aussi de maintenir le sujet dans l’actualité. Si une telle commission était éventuellement convoquée, il serait souhaitable qu’en sa qualité d’ancien journaliste, M. Lisée y participe. Sa contribution serait certainement très utile.


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