F-35 - Indécente insouciance

Contrats fédéraux - F-35 - rejet du Québec



Il faut que le vérificateur général ait frappé fort, et juste, pour que sitôt son rapport sur les F-35 déposé, le gouvernement conservateur s'empresse de publier un communiqué annonçant sept mesures pour en contrôler l'acquisition. Comme si autant de tromperies délibérées pouvaient aussi facilement s'effacer.
L'opposition avait bien raison, encore une fois, d'être déchaînée contre le gouvernement conservateur hier, dans la foulée du premier rapport du nouveau vérificateur général, Michael Ferguson. À l'heure où, sous prétexte de bonne gestion des fonds publics, le gouvernement Harper est à virer le Canada à l'envers et fait perdre leur poste à des milliers de fonctionnaires, il est indécent de voir comment il a mené le dossier des avions de chasse: une coûteuse bouffonnerie (335 millions en date de septembre dernier) faite à nos dépens.
Une date est à retenir dans ce rapport dévastateur: 2006. Jusque-là, le projet d'acquisition possible de F-35, enclenché en 1997 sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien, avait été mené selon les règles. À l'arrivée du gouvernement de Stephen Harper, tout s'emballe. Informations tronquées, évaluations trafiquées, décisions précipitées sont dès lors au programme. «Un processus vicié», a bien résumé le nouveau chef néodémocrate, Thomas Mulcair.
Le rapport du vérificateur ne blâme pas directement les ministres, mais la couverture de journalistes spécialisés dans les affaires militaires nous a récemment révélé que ce sont bel et bien les conservateurs qui ont laissé les hautes instances militaires agir à leur guise dans ce dossier. Le National Post en faisait encore la démonstration il y a deux semaines, en citant un sous-ministre adjoint de la Défense maintenant à la retraite. Le processus d'achat des F-35 a été «complètement détourné» par les militaires, et les ministres conservateurs étaient fort à l'aise de leur laisser toute la place, racontait-il. Toute notion de contrôle avait disparu, et tout questionnement de l'opposition (qui avait, elle, les yeux ouverts) était impitoyablement ridiculisé. Les conservateurs ont même poussé l'odieux jusqu'à contredire l'an dernier, avec de mauvaises données, l'évaluation faite par le directeur parlementaire du budget, Kevin Page.
La colère du libéral Marc Garneau, qui n'avait pas de mots assez durs hier pour qualifier l'attitude gouvernementale, est donc parfaitement justifiée. Quelle insouciance, quel dangereux amateurisme dans la gestion d'un dossier qui, selon les mots du vérificateur général, aura «des répercussions qui se feront sentir au cours des 40 prochaines années».
La pseudorepentance des conservateurs ne doit pas nous leurrer. Il faudrait rouvrir tout le dossier des avions de chasse pour remplacer les CF-18 qui arrivent en fin de vie. Au lieu de quoi, le gouvernement crée un Secrétariat du F-35 qui, avec un nom pareil, ne sera que théoriquement indépendant du ministère de la Défense. Il ne reste qu'à voir comment s'articulera le nouvel argumentaire pour nous persuader que le F-35 est l'avion qu'il nous faut — en fait, celui qui répond le mieux à l'obsession du gouvernement Harper de pouvoir mener des missions militaires internationales.
C'est pourquoi la promesse (bien tardive) du gouvernement de tenir dorénavant les parlementaires informés du processus et d'assurer le «respect intégral des politiques d'approvisionnement» est à prendre avec un grain de sel. De la poudre aux yeux dès lors qu'il n'y a pas débat sur la pertinence même du choix.
Et dire qu'il y a des électeurs qui croient vraiment que les conservateurs savent gérer ce pays...


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