Charte de la langue française

Se réveiller

La ministre Christine St-Pierre n’a pas dit « no way », mais c’est tout comme. Les propositions de Pierre Curzi pour renforcer la Charte de la langue française viennent de passer à la trappe, sans égard à l’inquiétante situation linguistique. Que faudra-t-il pour que le gouvernement sorte de sa torpeur ?

La nouvelle Charte de la langue française (projet de loi n° 14)


La ministre Christine St-Pierre n'a pas dit «no way», mais c'est tout comme. Les propositions de Pierre Curzi pour renforcer la Charte de la langue française viennent de passer à la trappe, sans égard à l'inquiétante situation linguistique. Que faudra-t-il pour que le gouvernement sorte de sa torpeur?
Dans un pays normal, dans une société cohérente avec elle-même, la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française s'occuperait précisément de cette mission, s'assurant que les dispositions de celle-ci corrigent toujours les failles qui en ont justifié la naissance, prévoyant qu'elle reste en phase avec l'évolution démographique. Se livrer, au fond, à l'exigeant travail de réécriture de la Charte qu'a fait l'ex-député péquiste maintenant indépendant Pierre Curzi et qu'il a présenté cette semaine.
À la décharge de la ministre, il est vrai qu'on ne sait trop si notre société est si «normale». On la soupçonne plutôt, elle qui tient tellement à ne pas déranger, d'être encore traumatisée de l'électrochoc que fut en son temps la loi 101. En dépit des «conditions favorables» de l'époque, Camille Laurin avait dû tenir son projet à bout de bras pour le faire accepter. Des décennies n'ont pas encore effacé la culpabilité que les Québécois traînent toujours de s'être ainsi imposés. Alors si l'administration publique communique en anglais avec des gens dont ce n'est pas la langue maternelle, on ne va quand même pas en faire un plat, n'est-ce pas... Que l'anglais s'installe pour de bon dans des universités francophones, n'est-ce pas une simple adaptation à la concurrence internationale? L'affichage en anglais? Mais c'est comme à Paris! Et le service, lui, en anglais à Rosemont comme au centre-ville? Bah, Montréal est si cosmopolite...
Quant à imposer la francisation aux petites entreprises, quelle folie! Comme le disait pas plus tard qu'hier madame St-Pierre, avez-vous pensé à combien ça peut coûter? Plus de sept millions de dollars! Les finances du Québec pourraient-elles s'en remettre?
Et nous voilà ainsi à analyser tous les problèmes à l'envers. L'Université de Montréal a beau espérer le contraire, elle ne sera jamais McGill. Paris affiche en anglais, mais sait toujours construire des phrases en français, alors qu'ici, c'est l'apprentissage de l'anglais qui est devenu «la» vraie affaire à l'école primaire.
Et qu'est-ce qu'une PME ou un petit commerce à Montréal? La porte d'entrée du travail pour une large part des nouveaux arrivants. Les couper du français, c'est leur imposer une ghettoïsation qu'ils n'ont pas demandée, mais qui leur sera pourtant reprochée. D'autant plus qu'ils n'ont pas d'obligation de suivre des cours de français à leur arrivée, que la qualité de ces cours est très variable, et que bien des organismes d'aide aux arrivants, pourtant dûment subventionnés, fonctionnent sans vergogne en anglais seulement. Il faudrait être vraiment bête, quand on débarque ici, pour ne pas comprendre le message. Le gouvernement libéral, lui, par pur clientélisme électoral, s'en lave les mains.
C'est une chose que l'anglais soit une langue séduisante puisqu'elle facilite les échanges sur cette petite planète, c'en est une autre qu'une société aussi particulière que la nôtre ne préserve pas collectivement son identité linguistique. On connaît maintenant les limites de la Charte, c'est un devoir de les corriger. On peut questionner certaines des propositions de M. Curzi, mais certainement pas la nécessité du coup de balai souhaité. Ce n'est pas une question de parti politique, mais d'avenir — qui ne se limite pas qu'à l'obsession économique.


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