Et si on parlait des autres aussi

Tant que les péquistes-souverainistes n'auront pas renié Parizeau, ils n'iront nulle part!

Québec 2007 - réalignement politique

Je vous avoue que j'en ai un peu (beaucoup) marre d'entendre des experts de tout poil et autres «has been» jouer les exégètes et s'interroger sur le sens profond du mot souveraineté, ou se proclamer grands stratèges et réinventer l'avenir du Parti québécois. Jamais un parti et sa raison d'être n'auront été disséqués avec une aussi méticuleuse attention! Il n'y survivra peut-être même pas!
Je trouve que, pour un gars qui était encore journaliste il y a moins de deux mois, le collègue Bernard Drainville a la langue bien pendue et est omniprésent dans tous les débats sur l'avenir du Parti québécois.
Le mot souverainiste n'aura même pas existé un demi-siècle. Entré dans le dictionnaire de la langue française en 1974, il faudra l'en faire bientôt disparaître, ou l'affubler de l'adjectif «archaïque», comme on dirait d'une personne qu'elle est un «croulant»! La définition du mot souverainiste vaut son pesant d'or: «Au Canada, partisan de la souveraineté du Québec...» Le mot souverainiste ne s'applique donc qu'aux Québécois, tant ailleurs, en Alberta ou à Terre-Neuve par exemple, il ne peut y avoir de séparatistes.
Un mot sur ce débat -- avant que j'en arrive aux «autres»: fédéralistes et autonomistes. Il faudra un jour avoir le courage de dire ou d'écrire que c'est Jacques Parizeau, avec sa manie de faire des jeux de mots ou de jouer au plus subtil, qui a piégé le Parti québécois. Et il faudra un jour le déclarer responsable de sa mort. Toute campagne électorale au Québec doit tourner au débat sur le pour et le contre de la séparation du Québec du reste du Canada. C'est Parizeau, en effet, qui a inventé son maudit concept de «l'enclenchement»: la simple arrivée au pouvoir du Parti québécois enclenche un processus qui doit inévitablement conduire à un référendum sur la souveraineté, puis éventuellement à la séparation du Québec. Parizeau est un vrai «séparatiste»: avant, pendant et après toute campagne électorale.
Tant que les péquistes-souverainistes n'auront pas renié Parizeau, ils n'iront nulle part!
Mais ce qui m'agace, depuis une semaine, c'est qu'on oublie de soumettre le Parti libéral du Québec, et plus généralement tous les fédéralistes, au même examen de conscience. Lundi dernier, on a élu un parti libéral et son chef, Jean Charest. De quel genre de fédéralisme s'agit-il exactement? D'un fédéralisme conçu à Ottawa qui, en fait, n'est qu'un centralisme arrogant, parfois caché sous une «ouverture d'esprit» purement électoraliste, un fédéralisme à la Jean Chrétien, son comparse du camp du «Non» en 1995 et son complice d'Option Canada. Les mandarins fédéraux -- qui ne se soumettent jamais à une campagne électorale, eux! -- n'y croient absolument pas et attendent que le balancier revienne vers eux. Je vous gage qu'après quelques années de Stephen Harper, le balancier reviendra très fort vers la tentation centralisatrice, avec Stéphane Dion ou un autre d'ailleurs. Dans le reste du Canada, on commence déjà à critiquer les avances de Harper au Québec, que l'on interprète comme étant des signes de faiblesse...
La loi de l'alternance
C'est que, même débarrassés des «séparatisses» du PQ, la loi de l'alternance nous «condamne» à tomber un jour sous la férule des autonomistes. Vus d'Ottawa, ils sont extrêmement dangereux ceux-là. Les Québécois les adorent et il est difficile de leur dire non puisque leur objectif ultime n'est pas de briser le Canada. Que le Québec veuille exercer toutes les compétences sur la foresterie par exemple, qu'est-ce qu'on s'en fout à Ottawa! Ce n'est qu'un paquet de problèmes de toutes manières...
Les autonomistes sont ceux qui s'inscrivent le mieux dans l'histoire du Québec rebelle, celui qui n'a jamais accepté la Conquête ni le régime fédéral qui lui a été imposé par la Couronne britannique. Les autonomistes s'inscrivent dans la lignée de Maurice Duplessis qui prenait Ottawa de front pour obtenir son tribut. Ils ont pu ensuite s'accommoder du Parti libéral, même si son chef, Jean Lesage, était un ancien ministre d'Ottawa: c'était un parti de réformateurs qui dota l'État du Québec de grands instruments de développement comme Hydro-Québec ou la Caisse de dépôt et placement. Puis il embrassa l'«égalité ou indépendance» -- quel beau programme! -- de Daniel Johnson. Puis Robert Bourassa et sa «souveraineté culturelle» suscitèrent l'intérêt et c'est quand même de lui qu'est née l'Action démocratique du Québec. Sans compter que le Parti québécois de René Lévesque n'était pas aussi radical que celui de Jacques Parizeau.
Bref, avec Mario Dumont et son autonomisme, le Québec revient à l'affirmation. Et tant que l'ADQ sera aussi populaire qu'elle l'est maintenant et considérée comme une alternative de pouvoir, les autres vieux partis -- PLQ et PQ -- seront vidés de leurs forces vives. Le 26 mars 2007, les 31 % de suffrages exprimés en faveur de l'ADQ et ses 41 élus ont donné un sérieux coup de vieux aux autres partis.
Mais tout ce chambardement renforce-t-il la position du Québec au sein de la fédération canadienne? Telle est la question qu'il faudrait se poser plutôt que de s'épancher sur les malheurs du Parti québécois et de son chef...
La morale élastique des journalistes
Journaliste à Radio Canada en plus! Et il raconte, à l'occasion, qu'il était déjà en réflexion sur ces questions au temps des Fêtes. Pierre Dubuc, journaliste de l'autre Journal, fait beaucoup de tort à son hebdomadaire en allant et en revenant d'un bord et de l'autre de la clôture journalistique...
Remarquez que, dans l'autre sens, ce n'est guère mieux: Jean Lapierre, ministre et lieutenant politique de Paul Martin au Québec, est devenu, du jour au lendemain, grand reporter, interviewer, commentateur. Il se produit, il se met en ondes et il se commente, tout ça le même jour et à la même heure. Michel Gauthier n'a pas encore quitté la politique qu'il nous annonce déjà qu'il négocie son contrat et qu'il sera notre collègue bientôt. Sans compter Liza Frulla qui s'improvise «analyste» alors que sa carrière, tant à Québec qu'à Ottawa, n'a pas été transcendante.
Je n'ai rien contre les clubs des ex-politiciens -- comme Lise Payette -- qui nous font partager leur expérience sans arrière-pensée ni intention de rester dans les médias en attendant le moment où ils pourront retourner en politique. Par contre, j'en ai assez de voir mon métier aussi facilement galvaudé par des mercenaires de la politique. Il fut un temps où il fallait la vocation pour exercer ce métier. Mais il est vrai que cela payait moins...


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