Embrouillamini belge

Chronique de José Fontaine

Les Ecolos sont les vrais vainqueurs des élections en Wallonie. Ils sont passés de 8,5% à 18,5 %. Les libéraux reculent légèrement de 24,3 à 23,4, le CDH de 17,6 à 16,1. Les socialistes (PS) sont certes passé de presque 37% en 2004 à 32,7% en 2009, mais ils avaient subi une cuisante défaite aux élections fédérales de 2007 (quasiment le même corps électoral) où ils s’étaient retrouvés (pour la première fois depuis qu’ils existent), au second rang derrière les libéraux avec 29,5%.
Le maintien surprenant des socialistes
En outre, les sondages en avril et en mai leur promettaient le pire. C’est le contraire qui s’est produit. Le PS a amélioré ses résultats en 2009 et les libéraux ne sont pas parvenus à leur prendre la première place en Wallonie puisqu’ils sont maintenant loin derrière les socialistes. Si la coalition au pouvoir wallon de 2004 à 2009 recule, elle n’a pas été désavouée véritablement. On considère d’ailleurs qu’en gros l’action du gouvernement wallon a été passable (mesures pour les économies d’énergie, développement des aéroports wallons en pleine croissance, amélioration de la démocratie communale, bonne conception du Plan Marshall, plan de redressement wallon etc.).
La mauvaise image des socialistes wallons
Cependant, ce n’est pas de cela qu’il a été question durant la campagne électorale. Mais d’une série d’affaires où le PS a été impliqué. A vrai dire, pas des affaires de corruption proprement dites, mais des circonstances où l’éthique était mise en question. Comme par exemple le voyage de députés wallons aux USA aux vacances de Pâques qui ne semblait pas être un vrai voyage utile. Comme le fait qu’un ministre wallon était également consultant pour une intercommunale (association de communes), où il gagnait plus de deux fois plus que son traitement de ministre (alors qu’il y a avait conflit d’intérêts). Le PS est au pouvoir à la tête de la Wallonie depuis vingt ans. Il est en outre solidement installé dans une grande partie des communes les plus peuplées de Wallonie correspondant au sillon industriel d’autrefois. L’impression est forte dans certains milieux que les socialistes, malgré leur idéologie, occupent le pouvoir cyniquement (plus dans les communes ou les provinces – analogues au départements en France mais plus développées - que dans la Wallonie prise comme région d’ailleurs), de manière cynique et souvent proche de la corruption. C’est la même chose dans les administrations wallonnes. Etant moi-même issu d’une famille catholique – c’est-à-dire dans le milieu où le PS est le plus détesté – je sais bien (et cela existe depuis longtemps), que toute une opinion considère les socialistes dans leur ensemble comme des parvenus sociaux, bénéficiant d’une existence sociale qu’ils ne doivent qu’à la politique et généralement incompétents et sans noblesse ni d'esprit, ni de coeur. Les Ecolos (dont également une partie est d'origine chrétienne ou qui sont BCBG), apparaissent (et sont d’ailleurs), des gens plus désintéressés, moins proches du pouvoir qu’ils n’ont jamais que peu occupé (ils n’existent politiquement que depuis le milieu des années 1980 et n’ont été au pouvoir au fédéral et dans les Régions qu’assez peu de temps).
Ces élections risquent d’affaiblir le gouvernement fédéral alors que la crise vient
Si le PS avait subi la défaite électorale à laquelle tout le monde s’attendait, ils auraient peut-être dû quitter le gouvernement fédéral. Ce gouvernement composé de trois partis wallons et francophones (socialistes, libéraux et CDH, des démocrates-chrétiens déconfessionnalisés), de deux partis flamands (les démocrates-chrétiens et les libéraux), risque quand même de connaître des heures difficiles. Le parti nationaliste flamand NVA a doublé ses voix aux élections régionales, tandis que les libéraux flamands (partenaires de la coalition fédérale), perdaient énormément (à l’annonce des résultats, son président a démissionné). Or, côté flamand, on considère que la future réforme de l’Etat doit être menée par les Gouvernements des entités fédérées. Ce n’est pas l’avis du chef de file des libéraux flamands. Et, d’autre part, si le parti nationaliste flamand fait partie du gouvernement flamand, les négociations risquent d’être très difficiles. Du côté wallon et francophone, ce sont les présidents de partis qui mèneront cette négociation. On ne sait pas encore exactement comment seront composés les gouvernements de la Flandre, de la Wallonie et de Bruxelles. On sait seulement que la crise économique risque de faire sentir bientôt ses effets dévastateurs. La perspective de voir la Wallonie gouvernée par les socialistes, les écologistes et les démocrates-chrétiens déconfessionnalisés du CDH a l’appui des deux grands syndicats de travailleurs (une même alliance pourrait se former à Bruxelles).
Sans confédéralisme ne va-t-on pas vers un embrouillamini total ?
Ce serait d’ailleurs la première fois que la Wallonie serait gouvernée autant à gauche. Avec des Ecolos qui pourraient aider le PS à se débarrasser de ses mauvaises habitudes (corruption et occupation cynique du pouvoir), à donner à la Wallonie un sursaut écologiste dont elle a besoin. Mais on ne sait pas ce qu’il en sera. En outre, hier vendredi, les journalistes de « Face à l’info » estimaient que la campagne électorale pour les fédérales de 2011 allait bientôt commencer. Si la Wallonie, la Flandre et Bruxelles sont gouvernées par des coalitions qui durent et qui ont des projets, il n’en va pas de même du fédéral. Comme les élections interfèrent les unes sur les autres (les régionales sur les fédérales principalement d’ailleurs, plus que l’inverse), comme la stabilité existe au niveau régional mais pas au niveau fédéral (depuis 2007, on est resté sans gouvernement longtemps puis on en a connu déjà trois différents !), que va-t-il se passer ? Le Premier ministre flamand propose que les entités fédérées l’emportent sur l’Etat fédéral. La semaine passée, je disais qu’il faudrait supprimer un échelon de pouvoir. Les Ecolos proposent d’ailleurs de supprimer les provinces (les départements en France). Mais je continue à penser que l’échelon fédéral est de trop. On voit le roi inaugurer des musées Magritte, remettre le Prix Francqui (une sorte de Prix Nobel belge) à un grand géographe de l'UCL, le Professeur Eric Lambin, les médias applaudir aux exploits des sportifs belges. Mais même si tout cela demeure encore profondément ressenti comme belge, de même que le gouvernement fédéral, on peut se demander si la Belgique existe encore. On est en pleine schyzophrénie. Il faudra bien un jour que se crée une union d’Etats indépendants qui aurait le mérite de clarifier un jeu politique tout à fait embrouillé dont les enjeux deviennent insaisissables, par les citoyens, mais même aussi par les politiques.
PS : La preuve de l’embrouillamini, c’est qu’il est impossible de parler de tout dans cette chronique. Comme de l’importance de propositions d’écolos de supprimer les provinces mais aussi d’interdire aux députés wallons d’être en même temps bourgmestres de communes parfois importantes, ce qui fait que le Parlement wallon est le lieu aussi de rivalités locales sans vision nationale wallonne, sans vertu républicaine.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juin 2009

    Je constate avec plaisir que José Fontaine admet qu'il était grand temps que le PS devienne un parti plus fréquentable alors qu'il pratiquait jadis une certaine politique de l'autruche. Dommage que ce sursaut d'éthique doive être imposé par Écolo et qu'il ne soit pas propre au PS à proprement parler.