Du délire

PQ - stratégie revue et corrigée


Tout le monde en conviendra, la victoire de Mario Dumont repose sur l'irruption d'une droite qui sommeillait sous les sempiternelles vantardises d'un Québec uniformément bon, généreux et social-démocrate.
Toutefois, cette victoire de l'ADQ, c'est aussi la victoire du «souverainisme», ce concept politique unique au Québec et qui, une fois dépouillé de son voile de «dignité» et de «destin naturel de la nation», n'est rien d'autre qu'une volonté féroce de quête de pouvoir (récupérer toutes les compétences fédérales) et d'argent (prélever tous les impôts). C'est, en réalité, la quête d'un fédéralisme dans lequel le Québec monopoliserait tous les droits et les autres partenaires toutes les responsabilités.
L'«esprit fédéral», fondé sur la reconnaissance du rôle légitime joué par tous les partenaires fédéraux, n'existe plus au Québec. Tous les partis politiques, y compris au PLQ, ont embouché la trompette du souverainisme. Personnne n'ose dire que le gouvernement fédéral a une raison d'être, personne n'ose dire que les contribuables de l'Ontario et l'Alberta contribuent à financer les programmes sociaux du Québec. Personne n'ose dire qu'il est honteux d'accuser un chef politique québécois d'être mieux connu à Winnipeg que dans certaines villes du Québec. Franchir les frontières du Québec, ce n'est pas endosser le manteau des traîtres.
La position constitutionnelle de l'ADQ incarne parfaitement cette volonté de plusieurs Québécois de former un État indépendant au sein d'un Canada dont ils ne se soucient pas de connaître la nature. Il faut dire les choses comme elles sont. L'autonomie du Québec entendue comme la négociation seul à seul avec Ottawa, le retrait du Québec du Conseil de la fédération, et surtout, surtout, la perception de tous les impôts - y compris les impôts fédéraux - tient du délire. C'est une pensée d'enfant boudeur qui se croit tout permis. Derrière ce masque, les pleutres peuvent s'autoriser toutes les fanfaronnades car cette idéologie est d'autant plus utile qu'elle n'engage à rien. Une fois qu'on a «courageusement» martelé les demandes «traditionnelles» du Québec - concept extensible à l'infini, on peut en effet vomir le Canada s'il ose refuser de les satisfaire.
Le grand malheur, je le répète, c'est que tous les partis politiques du Québec tiennent dorénavant ce type de discours qui n'accorde aucune légitimité aux autres partenaires fédéraux. Le PLQ comme les autres. On entend partout qu'on devrait se réjouir de la mort du souverainisme avec l'effondrement du PQ. Au contraire, l'idéologie «souverainiste» est plus forte que jamais. Idéologie, car c'est un discours qui s'affiche comme une évidence pour ceux qui le tiennent et ceux qui y croient.
Le plus grand reproche que l'on peut faire au PQ, c'est d'avoir tué la seule option vraiment empreinte de dignité qui s'offrait à ceux qui rejettent le Canada. C'est-à-dire l'indépendance pure et simple, la rupture des liens politiques, la fin des obligations de réciprocité. Le PQ est responsable de sa propre turpitude. Il a fait la démonstration, pour reprendre l'expression de Laurent-Michel Vacher, que le souverainisme était soluble dans le fédéralisme, qu'il n'était rien d'autre en réalité que la revendication d'un fédéralisme renouvelé. Un fédéralisme renouvelé «à la Québécoise», bien sûr. Un fédéralisme dont la seule vocation serait de racheter la défaite de 1760. Un fédéralisme qui permettrait un jour au Québécois «de souche» de prendre leur revanche sur les «Anglais».
Je laisserai le dernier mot à Vacher, cet intellectuel québécois parti trop tôt: «Le fédéralisme recommande (si ce n'est déjà accompli) de surmonter le passé, de faire preuve de réalisme et d'esprit d'entreprise... bref, le dépassement de la névrose nationale par un engagement qui assume l'héritage historique mais se tourne vers les défis de l'avenir.»
Jean Leclair
L'auteur est professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal.


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