Dorénavant, ils sont trois

Québec 2007 - Résultats et conséquences



Les électeurs québécois ont écrit une page d'histoire hier et donné une retentissante leçon aux vieux partis. Au terme de la campagne électorale la plus enlevante des dernières années, les électeurs des régions ont exprimé un immense mécontentement et propulsé Mario Dumont au poste de chef de l'opposition officielle.
Les libéraux sont parvenus à conserver le pouvoir mais, dans plusieurs régions, ce fut littéralement l'hécatombe, avec la perte de 28 circonscriptions. Jean Charest a été élu confortablement par plus de 1000 voix dans Sherbrooke, mais pendant une bonne partie de la soirée, à cause d'un problème technique, il avait paru en difficulté. De 76 sièges remportés aux élections de 2003, le PLQ a été ramené à 48, bien loin de la cible des 63 nécessaires à un gouvernement majoritaire.
Rattrapé par la faiblesse de son parti chez les francophones, Jean Charest a perdu plusieurs ministres. Pierre Corbeil, en Abitibi, et Françoise Gauthier dans Jonquière laissent leur place à deux péquistes. Michel Després et Carole Théberge, dans la région de Québec, sont, eux, battus par l'ADQ.
C'était tout un électrochoc aussi pour le Parti québécois. Battu dans plusieurs de ses châteaux forts dans la couronne Nord de Montréal, le PQ a été ramené hier en troisième place à l'Assemblée nationale, en passant de 45 à 36 sièges.
Les résultats d'hier soulèveront probablement des questions sur l'avenir politique d'André Boisclair - avec 28 % des suffrages, le PQ est ramené à son score le plus bas depuis 1970. Bien des électeurs péquistes seront restés chez eux : la participation, avec 71,3 %, est à peine plus élevée que celle, très faible, constatée en 2003 (70,4 %).
«Il s'est passé aujourd'hui un événement historique», a reconnu Jean Charest peu après minuit. Les Québécois ont «rendu un jugement sévère». Les libéraux vont gouverner «avec une forte opposition». Ce verdict des électeurs «va mettre à l'épreuve notre maturité politique». «Le Québec est divisé» a-t-il constaté, soulignant qu'il appartiendra aux politiciens de «faire preuve de maturité».
«Je ne baisserai pas les bras nous reviendrons», a conclu Jean Charest, qui aura probablement à justifier sa décision de déclencher des élections hâtives qui ont présidé à cette dégelée d'une force inattendue pour son parti.
" Un cri du coeur "
" C'est le début d'un temps nouveau pour le Québec un message de changement un cri du coeur partout ce soir " avait lancé, jubilant, Mario Dumont quelques minutes plus tôt. Les Québécois ont selon lui mis le gouvernement " sous surveillance " et tiré un trait sur les querelles stériles autour de la souveraineté. " C'est la victoire de tous ceux qui trouvent que ça tourne en rond et qui veulent qu'on passe à l'action " a-t-il soutenu.
Avec plus de 1,2 million de voix, l'ADQ a doublé ses appuis d'il y a quatre ans. De quatre députés en 2003, l'ADQ est catapulté " opposition officielle " avec 41 circonscriptions. Et dans plus de 42 autres, le parti de Mario Dumont a terminé en deuxième place.
Hier soir, André Boisclair a déclaré : " Les Québécois voulaient du changement et, humblement, on doit accepter cette décision. " Il n'a pas laissé de doutes sur son intention de rester à la barre de son parti. " Bientôt nous nous reverrons ", a-t-il dit, s'engageant à maintenir vivante " la flamme " de la ferveur souverainiste.
Le Québec se retrouve littéralement coupé en trois, ce matin. Au moment de mettre sous presse, le PLQ et l'ADQ recueillaient respectivement 33 et 31 % des voix tandis que le PQ en récoltait 28 %. Pour les libéraux, c'est un recul de 13 % par rapport au score de 2003. Les 67 % d'électeurs qui ont boudé les libéraux reflètent, quasi exactement, le taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement révélé dans les sondages.
Pour l'ADQ, la montée est carrément vertigineuse. Ce parti avait fini à 18 % il y a quatre ans. De quatre députés en 2003, le parti de Mario Dumont a été catapulté hier à seulement sept sièges du PLQ.
Gains inattendus
L'ADQ fait des gains importants dans des régions où elle n'était pas attendue. Pas moins de 17 circnscriptions sont passées aux mains de Mario Dumont dans les régions francophones qui ont longtemps constitué des bastions souverainistes. Dans la Montérégie, les Laurentides et Lanaudière surtout, un terreau péquiste où seul le député de Rousseau, François Legault, a survécu. L'ADQ a fait des gains tout à fait inattendus dans les circonscriptions les plus souverainistes : Masson, Terrebonne, L'Assomption, Joliette et Berthier, par exemple.
Signe des temps, la ciconscriptio-baromètre de Saint-Jean, qui avait toujours choisi le gouvernement depuis 1939, a aussi été entraînée dans le raz-de-marée adéquiste.
L'élection d'un gouvernement minoritaire, une première depuis 1878, était entrevue par bien des observateurs, mais personne n'avait prédit un score aussi serré entre les deux premiers partis.
La frustration des régions a tonné fort dans toutes les régions hors de l'île de Montréal, où l'ADQ reste invisible. Les libéraux y ont fait un gain prévisible : Laurier-Dorion, qui était devenue péquiste dans une complémentaire. Mais les libéraux ont cédé Crémazie au PQ.
L'Outaouais est restée libérale et le Saguenay est redevenu le bastion péquiste qu'il était - les libéraux y ont perdu les deux sièges qu'il détenaient, Roberval et Jonquière.
D'autres vedettes péquistes sont élues : Pierre Curzi dans Borduas, Bernard Drainville dans Marie-Victorin et Marie Malavoy dans Taillon.
Dans Marguerite-D'Youville, que convoitait le PQ, les libéraux ont mordu la poussière aux mains de l'ADQ, tout comme dans leur bastion de Shefford.
Les cinq députés adéquistes, dont Mario Dumont dans Rivière-du-Loup, ont accru leurs majorités.
Dans la région de Québec, c'était aussi l'hécatombe pour le PLQ. Seul le ministre Philippe Couillard, dans Jean Talon, et Sam Hamad, dans Louis-Hébert, ont résisté à la vague adéquiste. Les péquistes Agnès Maltais et Rosaire Bertrand ont aussi traversé la vague. La vedette adéquiste Gilles Taillon l'emporte dans Chauveau, tout comme Sébastien Proulx dans Trois-Rivières, proche conseiller de Mario Dumont depuis plusieurs années.


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