Des travailleurs étrangers contraints de travailler jusqu'à 18 heures d'affilée

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Pas étonnant que les agriculteurs préfèrent les travailleurs latinos


L’effet combiné de la COVID-19 et de la pénurie de travailleurs mène à de nouveaux abus dans les fermes, certains travailleurs étrangers devant travailler jusqu’à 18 heures d’affilée.


On les fait travailler « 16, 17, même 18 heures par jour », rapporte Michel Pilon, du Réseau d’aide aux travailleurs et travailleuses migrants agricoles du Québec (RATTMAQ). « Ils sont fatigués. On leur dit qu’ils ne sont pas obligés de le faire, mais ils ont peur. »


Depuis trois semaines, le service d’aide téléphonique de l’organisme a reçu au moins une vingtaine d’appels de travailleurs étrangers sur-sollicités par leurs employeurs. « Étant donné qu'ils sont moins nombreux, l’employeur a bien du travail à faire », ajoute-t-il.


Les plaintes étant anonymes, l’organisme n’a pas fourni de détails sur les employeurs en cause, mais il indique que les abus surviennent chez des producteurs de légumes qui manquent de personnel pour planter.



Ces dernières semaines, plus de 4000 de ces travailleurs sont arrivés au Québec en provenance du Mexique et du Guatemala. Or, en raison de la pandémie, ils sont beaucoup moins nombreux que d’habitude. L’an dernier, ils étaient 17 000 à travailler dans les fermes, alors qu’on en attend au maximum 12 000 en 2020.


Interpellée à ce sujet, l’Union des producteurs agricoles (UPA) dit avoir été « sensibilisée » mercredi au problème par la Table de concertation sur les travailleurs étrangers temporaires.


« L’UPA déplore et dénonce tout abus quant aux éléments précédemment décrits », a indiqué son porte-parole, Patrice Juneau.


Le regroupement devait d’ailleurs rappeler dans son infolettre hebdomadaire que « tout travailleur peut refuser de faire plus de 12 heures par période de 24 heures au Québec » et que « l’UPA recommande fortement de ne pas excéder ces heures ».


Peur de la COVID-19


Le Devoir a également appris que les mesures de confinement créaient des tensions particulières dans les fermes. À leur arrivée à l’aéroport, les travailleurs mexicains et guatémaltèques reçoivent des dépliants sur la COVID-19 et les mesures de confinement. Ils sont ensuite placés en quarantaine pendant deux semaines.


Le RATTMAQ a aussi reçu des appels de travailleurs ayant subi des mesures disciplinaires telles que des suspensions parce qu’ils ont quitté la ferme, même après la fin de leur quarantaine.


« Il y en a un qui avait décidé d’aller s’acheter de la bouffe pendant sa journée de congé. Il gardait la distanciation requise, mais il a quand même eu une mesure disciplinaire parce qu’il a quitté la ferme », explique M. Pilon. « Les producteurs disent qu’ils ont peur que la COVID rentre dans leurs fermes, alors ils contrôlent les déplacements. Ça ne marche pas. »


Dans l’infolettre transmise à ses membres jeudi, l’UPA a aussi fait une précision à ce sujet.


« Après la quarantaine, les travailleurs sont soumis aux mêmes règles de circulation que nous tous. Ils peuvent donc sortir de la ferme s’ils le souhaitent et l’employeur a le devoir de les sensibiliser aux règles de circulation, aux mesures de distanciation sociale et aux risques de contamination, a-t-elle écrit. Même en période de pandémie, après la quarantaine, il est hors de question d’interdire les sorties, ce qui serait à l’encontre de la Charte des droits et libertés de la personne. »


Au syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation (TUAC), qui représente des travailleurs étrangers dans le secteur maraîcher, on a aussi observé ce phénomène. Le responsable Julio Lara a dû intervenir auprès d’un employeur après que des travailleurs ont été suspendus pour des déplacements à l’extérieur de la ferme.


À l’UPA, on ne rapporte aucun cas de COVID-19 chez les travailleurs étrangers temporaires depuis leur arrivée au Québec en avril.


Selon nos informations, un travailleur étranger a été testé pour la première fois cette semaine en Montérégie pour des symptômes apparentés à la COVID-19. Au moment où ces lignes étaient écrites, il n’avait pas encore reçu les résultats.


En Ontario, 40 travailleurs d’un même producteur ont été déclarés positifs cette semaine à Kent Bridge. Des cas de contamination ont aussi été rapportés dans une pépinière en Colombie-Britannique au début du mois d’avril.




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