Un des plus grands défis que nous devons à nouveau relever aujourd'hui est celui de la défense du statut de notre langue nationale. L'évolution récente de la démographie du Québec, le poids grandissant de l'immigration dans cette évolution et l'absence d'une volonté politique nette et courageuse de la part de nos gouvernements mettent le français en péril, à moyen terme, au Québec.
Nous avons toujours su que ce statut ne serait jamais établi dans la pérennité tant qu'il n'aurait pas pour assise un pays pleinement souverain. En attendant, notre situation géographique et notre position minoritaire dans la mer anglophone qu'est l'Amérique, au nord du Mexique, nous condamnent à la vigilance permanente et à la plus grande des fermetés. Donc, rien de nouveau sous le soleil.
Données alarmantes
Mais les données récentes concernant la langue d'usage chez nous sont plus qu'alarmantes, particulièrement à Montréal. Elles font état d'une situation qui, à terme, risque de devenir irréversible. Il suffit de lire les textes percutants et bien documentés de Charles Castonguay pour s'en convaincre.
Ces données commandent dans l'urgence des mobilisations larges pour forcer nos gouvernements à prendre des mesures structurantes, qui s'attaquent au coeur du problème. L'alarme est sonnée!
Je souhaite formuler quelques propositions qui me paraissent minimales, si nous avons à coeur de renverser la situation; ce sont, selon moi, les revendications que nous devons formuler et défendre avec énergie.
- La Charte de la langue française, comme garante de notre identité culturelle, doit devenir un texte fondamental; son application ne doit plus relever de la responsabilité d'un ministre, mais de l'Assemblée nationale. Les responsables des organismes encadrant l'application de la Charte devraient être nommés par l'ensemble des députés.
- On doit, de toute urgence, financer substantiellement les organismes et mécanismes de surveillance de l'application de la Charte et leur donner des moyens d'intervention significatifs.
- Le français en tant que langue de travail doit aussi être réaffirmé comme droit de tous les travailleurs et travailleuses du Québec; des comités de francisation doivent être créés non seulement dans les entreprises comptant plus de 100 salariés, mais aussi dans celles qui en embauchent plus de 50.
- Les entreprises de 10 à 49 salariés doivent être tenues de se doter d'un programme de francisation.
- Une campagne de publicité intensive et soutenue doit être menée auprès des groupes cibles que sont les jeunes (dans le milieu scolaire, entre autres), le monde du travail et les associations culturelles, au sujet des objectifs de la Charte de la langue française et de ses principales dispositions. Ces comités de francisation doivent être soutenus financièrement et techniquement de façon significative.
- Un appui financier substantiel doit être accordé aux divers groupes qui militent pour la cause du français au Québec, notamment l'Association pour le soutien et l'utilisation de la langue française (ASULF), le Mouvement impératif français, le Mouvement Montréal français.
- L'enseignement de notre histoire nationale doit être privilégié.
- Les politiques d'immigration doivent favoriser nettement la venue d'une majorité de personnes maîtrisant déjà le français; les mesures d'intégration et d'apprentissage de la langue nationale doivent être considérablement renforcées.
- Il va de soi que j'entérine également les grandes revendications concernant la langue d'enseignement, dont celles qui visent à faire du français la langue d'enseignement au niveau collégial, pour les nouveaux arrivants.
La menace est plus grande que jamais
Je ferai miennes les paroles de Guy Rocher, qui mettait en garde ceux qui croient que «la loi 101 a fait son tout travail et deviendra bientôt inutile. La conscience du danger, disait-il, diminue au moment où la menace est plus grande que jamais» (L'Action nationale, juin 2002).
Depuis quelques années, il me semble que les forces vives du Québec ont un peu perdu de leur flamme. La loi 101 a été grugée quant à ses applications en milieux judiciaire et scolaire et dans ses dispositions concernant la langue d'affichage. La Cour suprême du Canada vient tout juste d'asséner une nouvelle gifle à l'Assemblée nationale du Québec.
La majorité des Québécois sont agacés, frustrés et humiliés. Mais nous vivons notre mal chacun de notre côté, chacun pour soi. Il me semble qu'un certain engourdissement nous transforme peu à peu en spectateurs de notre régression. Plutôt que d'entendre monter la colère ou la révolte, nous voyons notre propre léthargie se muter en fatalisme.
Je ne peux accepter cet état de capitulation silencieuse. Je souhaite que soient alertées toutes les forces vives du Québec et que nous nous attelions à cette tâche collective essentielle. Nous devons nous lever et parler haut et fort pour réaffirmer nos droits. Dans chacun de nos milieux, il faut sonner le rappel des troupes, remobiliser, réanimer des coalitions larges, développer à nouveau ces rapports de force qui ont engendré le changement au Québec.
Je sais, quant à moi, parce que tout son passé en témoigne, que le mouvement syndical, et la FTQ au premier chef, ne se dérobera pas. Il sera comme toujours au front.
***
- Le texte intégral de cette allocution sera publié dans le numéro de décembre de L'Action nationale.
***
Fernand Daoust, Ancien secrétaire général (1969-1991) et président (1991-1993) de la Fédération des travailleurs du Québec
Des mobilisations urgentes et nécessaires
Nous publions un extrait d'un discours prononcé par l'ancien chef de la FTQ devant les invités de L'Action nationale, le 30 octobre dernier.
Le français — la dynamique du déclin
Fernand Daoust1 article
Ancien secrétaire général (1969-1991) et président (1991-1993) de la Fédération des travailleurs du Québec
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4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
20 novembre 2009Des changements sont nécessaires dans le réseau universitaire francophone.
Encore en 2009 il existe plusieurs programmes d'études dans notre réseau universitaire francophone ou une parfaite maîtrise de l'anglais écrit s'avère nécessaire afin d'obtenir un certificat ou un baccalauréat universitaire. L'obtention d'une maîtrise ou d'un doctorat se veut tout simplement impossible à atteindre sans une parfaite maîtrise de l'anglais écrit.
Considérant ces faits, doit-on s'étonner de la statistique révélée par la SSJB à l'effet que les jeunes francophones ont un taux de diplomation universitaire 35 % plus faible que celui des anglophones?
"Reconnaître le Québec en tant que société distincte" se veut tout simplement vide sens si la population ne peut accéder à une éducation de qualité dans sa PREMIÈRE langue officielle. Notre propre modèle universitaire est contraignant envers sa population à majorité francophone, il s'agit d'une situation inadmissible.
Le manque de volonté politique et l'absence de normes interuniverstaires expliquent qu'il y ai encore en 2009 du matériel didactique unilingue anglais obligatoire dans un réseau universitaire francophone.
Le statu quo est terminé, nous devons agir.
Pierre Schneider Répondre
12 novembre 2009Enfin, une personnalité de premier plan qui sonne l'alarme ! Quand nos partis politiques ne font plus ce que devoir envers la nation commande, nous devons, nous militants de la base, syndicalistes, étudiants, nationalistes de toutes tendances, nous remobiliser avec comme objectif d'être au moins 101 000 à nous lever debout pour rejeter la soumission et le laisser-aller.
Merci, Fernand Daoust de nous rappeler ces vérités essentielles à notre survie.
Vive la République libre du Québec !
Archives de Vigile Répondre
12 novembre 2009Un rappel destiné à remettre en valeur l’indispensable nationalisme afin de ne plus tomber dans cette mouvance pro-fédéraliste vouée à anéantir la nation canadienne-française, en plus d’être consacrée aux saccages institutionnalisés des ressources fiscales et économiques de cette même nation.
Un des aspects les plus révélateurs dans l’exercice démocratique au Québec depuis l’événement de la prise du Pouvoir par le PQ en 1976, est qu’à chaque fois que le nationalisme politique et économique perd ce même pouvoir, les pro-fédéralistes se renforcent exponentiellement par l’action de gouverner et de contrôler l’administration publique en conquérant plus d’espace politico-économique soustrait à ce même nationalisme québécois, espace d’autorité qui sera employé sans égards contre les intérêts généraux des Canadiens français, puisque ce sont eux, en majorité, qui ont fait de ce nationalisme fondamental et anti-centraliste fédéral, depuis les années soixante, l’instrument politique indispensable à leur survie collective*.
JLP
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*. Extrait de Québec, la destruction d’une nation. Racisme, ethnopolitique et corruption contre les Canadiens français et leur indépendance nationale.
Archives de Vigile Répondre
12 novembre 2009Monsieur Fernand Daoust devrait faire partie du Comité des sages que devrait mettre en place le Conseil de la Souveraineté.
On a depuis trop longtemps donné en sous-traitance à un parti politique la mission de nous livré un pays. Il est temps de sortir de cette erreur historique. La politique n'est pas réductible à un parti politique. La politique est dynamique et mouvement, elle nait de l'antagoniste et ne désigne que l'intensité des unités en présences.
La situation de péril en la demeure commende que nous sortions de notre léthargie collective. Que nous donnions de la consistance au mouvement pour enfin assumer les rapports de forces car l'enjeu est vital.
Bref il est temps de refaire de la politique.
JCPomerleau