CSSS JARDINS-ROUSSILLON

Des médecins dénoncent la loi du silence

L’ex-ministre de la Santé Claude Castonguay y voit le symptôme du climat d’«insécurité» qui règne actuellement dans le réseau de la santé

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Au fait, qu’en est-il de ce gouvernement de la transparence M. Couillard?

Pour des raisons politiques, la direction du centre de santé et de services sociaux (CSSS) Jardins-Roussillon en Montérégie a refusé à ses médecins de se faire accompagner par des journalistes pour témoigner de leur pratique. Une décision qui témoigne du climat « d’insécurité » dans le réseau depuis l’arrivée du ministre Gaétan Barrette, estime l’ex-ministre Claude Castonguay.

Dans la foulée du projet de loi 20, qui veut obliger les médecins à suivre davantage de patients, des médecins du CSSS Jardins-Roussillon ont proposé à des journalistes de les accompagner dans leur pratique quotidienne pour témoigner de la nature de leur travail.

Ces demandes ont été refusées par la direction de l’établissement, et ce, malgré le fait que certains médecins aient plaidé leur cause avec vigueur. C’est le cas de la Dre Catherine St-Cyr, omnipraticienne qui travaille en obstétrique et en petite enfance, à la fois à l’hôpital et en clinique. Le 12 mars, la Dre St-Cyr a rencontré la direction du CSSS pour contester cette décision, expliquant qu’elle voulait « démontrer comment la médecine a changé dans les dernières décennies et démontrer un profil de pratique non traditionnel ».

La réponse l’a fortement « déçue », confie-t-elle. « On m’a dit que le CSSS ne pouvait servir de toile de fond pour tout article qui risquerait de mettre en porte à faux le ministère. J’ai expliqué que c’était un projet de la réalité d’un médecin de famille tout simplement, mais j’ai compris que démontrer une réalité qui serait différente du message diffusé par le ministère serait considéré lui-même comme un geste politique. »

La Dre Nadine Cardinal, médecin de famille à l’hôpital Anna Laberge, s’est elle aussi vu refuser sa demande. « Nous comprenons les craintes de représailles politiques auxquelles l’hôpital est susceptible de s’exposer, mais nous pensons que les conséquences de l’adoption du projet de loi 20 mèneraient à une catastrophe pour la santé des Québécois, plaide-t-elle dans une lettre envoyée à la direction. Ce projet de loi se base notamment sur une fausse impression de la charge de travail du médecin de famille, d’où l’importance pour nous de rétablir les faits, et quoi de mieux que d’observer ce qui se fait sur le terrain. »

Assurer la «neutralité»

Mécontents, plusieurs médecins ont fait part de ces refus à la réunion du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) le 17 mars dernier. Ces derniers ont voté une résolution visant à demander une révision de la décision pour permettre aux journalistes d’accompagner les médecins.

La réponse de la direction est venue une semaine plus tard dans une lettre envoyée à l’exécutif du CMDP. « Comme le CSSS Jardins-Roussillon est un établissement public gouvernemental, nous nous devons d’assurer la neutralité de l’établissement dans tout débat public entourant des politiques, lois et projets gouvernementaux », écrit la directrice générale intérimaire, Diane Arcand. Elle précise que le conseil d’administration et le président-directeur général du nouveau centre intégré de santé et services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Ouest ont été consultés et qu’ils en sont venus à la conclusion qu’ils ne pouvaient acquiescer à cette demande « compte tenu du contexte actuel de transformation du réseau de la santé ».

Liste noire

C’est la loi 10 qui a donné des pouvoirs sans précédent au ministre, lui permettant de nommer et de congédier tous les cadres du réseau, note l’ancien ministre de la Santé, Claude Castonguay, en entrevue au Devoir. « Je ne peux pas me prononcer sur ce cas précis, mais ce que je peux dire, c’est qu’à la suite de l’adoption du projet de loi 10, où le ministre peut intervenir dans un peu tout, les gens craignent vraiment de parler. […] Ça a créé de l’insécurité dans le système et ça crée justement le risque que les gestes qui sont posés soient interprétés sur un plan politique, partisan ou autre. »

Le chercheur Damien Contandriopoulos fait la même analyse. « On est dans un environnement politique où le ministère a quand même dit très clairement et régulièrement qu’il ne tolérerait pas de dissidence dans les points de vue, que le ministre actuel donnait des directives au réseau et que le réseau les appliquait sans discuter et sans contester ou ameuter l’opinion publique. » Il rappelle qu’il reste encore plusieurs postes de cadre à pouvoir dans le réseau. « Je pense qu’il n’y a personne [parmi les cadres] qui a envie de se faire mettre sur la liste noire du ministère des gens qui ont contribué à soutenir l’opposition au projet de loi 20. »

Aux communications du CISSS Montérégie-Ouest, on répond que la décision n’est pas liée aux nominations ou au contexte politique, mais qu’elle a été prise « en considérant l’ensemble des éléments à évaluer lors d’une demande média [dont] la confidentialité, la neutralité, les impacts sur la clientèle ».


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